Internet et les médias communautaires
François Richard Billet numéro 4 Presse communautaire
Reflet de Société souhaite lancer une grande réflexion collective en ligne sur l’état et l’avenir de la presse communautaire au Québec. Les problèmes soulevés dans cette série de cinq textes font échos aux préoccupations exprimées par les membres de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ) lors du congrès de l’organisation les 1-2-3 mai 2009. Nous invitons les internautes de tous les horizons à prendre part au débat. Le quatrième texte porte sur l’utilisation des nouvelles technologies dans la presse communautaire.
Internet et les médias communautaires
Un grand nombre de médias communautaires québécois ont fait leur apparition au tournant des années 1970. Leurs fondateurs souhaitaient répondre à deux principaux besoin. D’abord, diffuser de l’information de proximité permettant aux citoyens des régions qui ne sont pas desservies par un grand média de participer plus activement à la vie civique de leur communauté. Cette participation inclut autant les événements à caractère social et politique que les créations artistiques ou les événements sportifs. Ensuite, offrir un espace où les citoyens peuvent exprimer leurs opinions quant aux enjeux qui les touchent. L’Internet peut aujourd’hui aisément remplir ces deux fonctions, laissant la presse communautaire aux prises avec un questionnement quant à l’utilité de son existence.
Exclusion: âge et régions rurales
Cette façon de voir les choses, qui peut sembler une évidence pour les habitants des grands centres, n’est pas tout à fait juste. Elle ne tient en effet pas compte de deux contraintes majeures du monde de la presse communautaire: l’âge de ses artisans et le peu d’accès à l’Internet dans les régions rurales du Québec. En effet, plusieurs des membres de l’AMECQ appartiennent à une génération qui n’a pas toujours eu l’occasion d’apprendre à pleinement maîtriser les nouvelles technologies de l’information. Bien sûr, l’immense majorité d’entre-eux est capable d’utiliser Internet pour lire courriels et nouvelles, mais réaliser un journal virtuel de A à Z n’est pas à la portée de tous. De plus, les médias communautaires oeuvrent souvent dans des régions rurales, peu ou pas desservies par les médias conventionnels. Et cela inclut l’accès à Internet qui est encore peu répandu dans de larges portions du territoire québécois.
Subventions du gouvernement québécois
Autre obstacle: le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec ne considère pas les médias en ligne comme étant éligibles à l’octroi de subventions dans le cadre du Programme d’aide aux médias écrits communautaires du Québec. Seuls les journaux ayant une version papier et en ligne peuvent toucher des fonds. Si un média communautaire Internet approchait l’AMECQ pour en devenir membre, il serait refusé en raison des critères d’exclusion gouvernementaux.
Habitués au papier
Les obstacles au déplacement en ligne de la presse communautaire ne se présentent pas seulement aux artisans de ces médias, mais aussi à leur lectorat. Lors du congrès de l’AMECQ, le président de l’organisation et rédacteur en chef du Reflet du canton de Lingwick, Daniel Pezat, faisait remarquer que son journal s’adresse à une population âgée qui, non seulement n’est pas habituée à Internet, mais ne possède pas d’ordinateur dans bien des cas. De plus, selon le directeur général de l’AMECQ, Yvan Noé Girouard, le taux de pénétration des médias écrits communautaires dans certaines régions atteindrait les 95%. Les gens ont l’habitude de recevoir leur journal chez eux et de le lire. Il est loin d’être certain que tous feraient l’effort d’aller le chercher sur Internet. Il faudra attendre au moins une autre génération avant que l’habitude de lecture en ligne soit généralisée.
Bons côtés de l’informatique
Malgré tous ces obstacles à l’utilisation des nouvelles technologies dans le monde de la presse communautaire, deux avantages évidents méritent d’être soulignés. Une baisse importante des coûts d’impression permettrait aux journaux d’utiliser l’argent économisé afin de produire des contenus plus professionnels, par exemple en embauchant un étudiant en journalisme ou en graphisme. De plus, des coûts de production moins élevés permettraient de s’affranchir de la dépendance envers les annonceurs, qui peut parfois grandement compliquer le travail des journalistes communautaires, allant de la pression financière au harcèlement. Cette question sera d’ailleurs examinée plus en profondeur dans le prochain (et dernier) billet de cette série.
Avenir de la presse communautaire
L’AMECQ fêtera dans deux ans son 30è anniversaire. Yvan Noé Girouard souhaite que cette célébration soit tournée vers l’avenir plutôt que vers le passé, notamment en posant la question de l’utilisation des nouvelles technologies. D’ailleurs, au congrès de l’an prochain, une formation sur le journalisme Internet doit être donnée par le rédacteur en chef de Reflet de Société, Raymond Viger. Yvan Noé souhaite qu’il s’agisse d’un premier pas vers l’intégration progressive, respectueuse du rythme de chacun, des nouvelles technologies dans le monde de la presse communautaire.
Réactions et commentaires
Comment utilisez-vous les nouvelles technologies dans la production de vos journaux? Êtes-vous en faveur du déplacement vers l’Internet de la presse communautaire? Quels en sont selon vous les avantages et les inconvénients? Avez-vous accès à des services Internet de qualité dans votre région? Croyez-vous que l’AMECQ doit aider ses membres à utiliser les nouvelles technologies? Nous avons hâte de lire vos réponses.