Arnaut de Moles : Maitre verrier de la cathédrale d'Auch !

Par Wawaa

Nul ne peut entrer dans la splendide cathédrale auscitaine sans immédiatement être émerveillé par la beauté des 18 verrières réalisées par Arnaut de Moles alentours de 1513. Qu'on ait la foi ou que l'on soit mécréant, ces chefs d'œuvre ne laissent pas indifférents ! Moi la première et pourtant , il est difficile d'être plus mécréante que moi ! Et chaque fois que j'entre dans cette magnifique cathédrale que j'ai dû visiter une bonne vingtaine de fois sans m'en lasser, je suis ébahie par ces grands vitraux colorés, expressifs et me racontant à chaque fois une histoire particulière.

Arnaut de Moles ? Mais qui était-il ? Rien n'est plus compliqué que de retrouver des traces tangibles de cet artiste de la fin du Moyen-âge. Une première hypothèse basé sur le travail de Paul Raymond en 1868 a amené les historiens vers Saint-Sever. Là, un Arnaut de Moles, naquit alentour de 1460 dans une famille bourgeoise, peintre de métier, il aurait réalisé en 1517 les vitraux de l'Abbaye bénédictine de Saint-Sever, fondée au X e siècle par le comte de Gascogne actuellement située dans le département des Landes en Gascogne.

Mais un hic subsiste. Je dirait un Hic onomastique ! Un hic patronymique. Dans la région, la multiplicité des orthographes du nom a ouvert le doute concernant cette première hypothèse. De moles, Desmoles, Demoles… S'ajoute à cela une multitude de maîtres verriers au patronyme paronymique : Molès, Molas, Molles.

En ce qui concerne les vitraux de la cathédrale d'Auch, s'agissait-t-il donc du même Arnaut de Moles ? Je suis quand même étonnée de ne pas avoir trouvé de comparaison entre les vitraux de Saint-Sever et d'Auch. Ce serait le moyen de rapprocher le style ou la particularité et d'avoir une réponse moins incertaine. Mais peu importe, il est bon d'avoir du mystère, il nous reste son œuvre, et quelle œuvre !

Les vitraux de la cathédrale d'Auch s'organisent le plus souvent en trois ou quatre partie avec au niveau de l'arc, la représentation d'un monde paradisiaque. Arnaut de Moles, comme ses contemporains de la fin de l'époque médiévale, a été l'un des précurseurs de "la représentation de Dieu le Père" sous des traits humains, alors que la religion l'interdisait. Il met en scène un vieille homme à chevelure et barbe blanche, probablement pour en illustrer l'âge infini et la sagesse, donnant la bénédiction. Ses vitraux sont parsemés d'anges. Ces derniers sont très à la mode dans les vitraux de l'époque, ils sont le symbole de la liaison entre les hommes et Dieu.

Les fleurs de lys servent de motif de remplissage. Mais dans une des verrières, une unique fleur de Lys, flamboyante, dans la chapelle axiale. Les couleurs de cette verrière sont un effet voulu puisqu'on l'apercevait de l'entrée de la cathédrale.


Certaines des réalisations d'Arnaut de Moles sont des verrières historiées racontant des scène biblique. Ainsi, le visiteur peut découvrir le péché originel, la crucifixion, les apparitions de l'Ascension. Ces verrières mettent en scène dans leur diverse parties plusieurs moments de l'histoire. Prenons par exemple le vitrail représentant Adam et Eve : sont présents tous les détails du péché originel : l'arbre de vérité, la pomme, le serpent et Adam et Eve camouflant leur nudité. On voit tout autour fleurir des saynètes complémentaires : Adam et Eve chassés du Paradis terrestre, Adam et Eve qui travaillent et Cain qui tue Abel, qui sont des conséquences directes du péché originel.


Les petites saynètes complémentaires fleurissent sur la plupart des vitraux.

Mais les scènes supplémentaires n'y sont pas toujours. Dans le vitrail représentant la crucifixion du Christ, l'image reste statique ne montrant que la gloire et la souffrance du Christ.

Certaines verrières s'attardent à représenter les patriarches et les prophète comme la sixième verrière, représentant Moïse, qui lui est à la fois patriarche et prophète et que l'on reconnaît au visage rayonnant après la remise des 10 commandements, comme le veut la tradition. Se joignent à tout ça les sybilles, les anges, les apôtres.

Le style d'Arnaut de Moles et à la fois un style unique et emprunté. Influencé par la renaissance italienne avec les forme à l'antique, les arc, les multiples colonnes, les paysages rocheux, les chapeaux sur la tête des personnages, et le souci du détail, ses créations sont contemporaine. Il garde également une optique médiévale et gothique avec le côté "magique" de ses représentations. En ce qui concerne le réalisme des visages, c'est l'art verrier nordique, des Flandres notamment, qui ressort ici. D'autres styles l'ont inspiré : la gravure, l'enluminure (notamment pour les Sybille), mais aussi les mystères ! Les mystères étaient des représentations théâtrales sur de grands thèmes religieux données sur le parvis des cathédrale. Cet art très contemporain à Arnaut de Moles, l'aura surement influencé dans le côté vivant qu'il a donné à son œuvre.

Son œuvre a pu être datée grâce à la dédicace de la dernière verrière au bas de laquelle est écrit : "Le 25 Juin 1513 furent achevées les présentes verrières, en l'honneur de Dieu et de notre Dame".

Cet article a été inspiré par le formidable Ouvrage collectif sous la direction de Charlotte de Mallet intitulé Arnaut de Moles et les vitraux du XVI e siècle en Gascogne et consultable dans les étagères consacrées aux fonds gersois de la bibliothèque d'Auch.