Premier mythe : « 1793 » aurait été démocrate

Publié le 11 juin 2009 par Copeau @Contrepoints


Introduction
Chapitre 1 : Premier mythe : « 1793 » aurait été démocrate
Chronique de l'ouvrage

L'histoire nous apprend que les hommes se réclamant de « 1793 » ont toujours usé de voies de fait et d'émeutes et n'ont jamais pratiqué de bonne foi les élections.

Les républicains se réclamant de « 1793 » ont toujours usé de voies de fait et d'émeutes…

De manière très révélatrice, la nature essentiellement violente de « 1793 » a été assumée et expressément revendiquée par un historien de la Commune, Prosper-Olivier Lissagaray [1]. La verve et l'enthousiasme de celui-ci s'emportent lorsqu'il évoque la guerre civile de 1871 : rapprochant la Commune de la Révolution, et en particulier de la série de victoires militaires françaises enregistrées à partir de Valmy [2], Lissagaray marque son admiration pour les Jacobins [3], et promeut une guerre à outrance contre les armées impériales dans l'unique but de rejouer septembre 1792 et d'imposer à toute la France un nouveau « 1793 ».

On comprend, d'une certaine manière au moins, l'enthousiasme de Lissagaray pour ces événements. Il y a eu pendant la Commune nombre d'actes individuels héroïques. Mais il semble tenir pour acquis que ces actes violents étaient tous porteurs d'un avenir radieux. On peut soutenir au contraire qu'ils ont été essentiellement stériles et que, si la France est devenue une terre de liberté et un grand pays industriel moderne, c'est en dépit d'eux et non grâce à eux.

Lorsque la « force populaire », magnifiée par Lissagaray dans un vocabulaire clairement religieux, se manifeste, c'est qu'elle est mise en mouvement par une minorité agissante composée d'individus décidés et organisés. Par exemple, le 10 août 1792 n'est nullement un jour où le « peuple » aurait voulu abolir la monarchie et aurait pris les Tuileries dans ce but [4]. C'est une action soigneusement préparée par un comité insurrectionnel secret de six membres. Du reste, les minorités agissantes de l'époque révolutionnaire ont souvent payé leurs hommes de main. Or, payer un lumpenproletariat pour avoir une masse de manœuvre, cela définit le fascisme pour les marxistes-léninistes. Si l'ont tien à dire que c'est « le peuple » qui a fait le 10-Août, il faut dire aussi que c'est lui qui a fait la Marche sur Rome ou la Nuit des Longs Couteaux.

La Charbonnerie [5], par exemple, reprend la méthode mise au point par Babeuf. Comme les « Trois Glorieuses » [6] de 1830 ne ramènent pas « 1793 », mais un nouveau roi, diverses sociétés secrètes [7] se lancent alors dans l'activisme, et provoquent ainsi les émeutes des 17-18 et 19 octobre 1830, puis l'insurrection républicaine des 5 et 6 juin 1832 [8]. Ou encore l'attentat commis contre Louis-Philippe, le 28 juillet 1835, sur le boulevard du Temple à Paris [9].

Les violences reprennent sous l'influence des nouvelles théories socialistes, incarnées en particulier par l'affreux Auguste Blanqui, qui sera partie prenante de quasiment toutes les insurrections « rouges » du XIXe siècle. Ce sinistre individu, « affreux » selon Nemo, avait à chaque insurrection ou presque la manie d'offrir aux casseurs la tête de son propre frère Adolphe [10], grand économiste libéral et pacifiste savant, qui ne dut sa vie sauve qu'aux scrupules éprouvés par les insurgés à satisfaire ainsi la haine d'un frère [11].

Après l'élection de l'Assemblée nationale constituante le 23 avril 1848, qui scelle la défaite des révolutionnaires, les violences de rue font rage. Les « rouges » déclenchent ensuite les très sanglantes journées de juin 1848. Cavaignac, que l'historiographie marxisante présente comme un monstre sanguinaire [12], est pourtant un bon républicain « bleu », sans l'ombre de « blanc ». Mais il ne supporte pas que des casseurs remettent en cause l'autorité – sacrée, à ses yeux – du suffrage universel tout nouvellement institué.

Après les élections législatives de mai 1849, l'extrême gauche, mécontente de sa défaite, essaie d'envahir avec Ledru-Rollin l'Assemblée nationale. Le 4 septembre 1870, le « gouvernement de la défense nationale » qui se met en place [13], avec notamment Léon Gambetta et Jules Ferry, est contesté par les « rouges », qui partent à l'assaut du nouveau pouvoir dès le 31 octobre. Ils seront certes repoussés, mais réussiront leur coup lors de la journée révolutionnaire du 18 mars 1871 qui instaure la Commune proprement dite.

L'autorité insurrectionnelle prend alors une série de mesures dignes de la Terreur. Elle supprime la liberté de la presse pour ses adversaires, elle attente à la propriété en décrétant une « remise générale des loyers », en réquisitionnant les appartements ou les ateliers de ceux qui ont quitté Paris, elle expulse les enseignants congréganistes. Deux tiers des églises parisiennes sont fermées ou affectées à diverses activités laïques, ou encore profanées ou pillées. La Commune établit une surveillance générale de la population, en recréant l'équivalent des « certificats de civisme » de la Terreur.

Lorsque survient enfin la « Semaine sanglante » des 21-29 mai [14], les émeutiers incendient délibérément Paris. Une centaine d'otages sont tués de sang-froid. C'est peu, certes, face aux milliers d'exécutions sommaires qui seront perpétrées aussitôt par l'armée versaillaise victorieuse. Du moins l'historiographie serait-elle avisée de ne pas faire des Communards d'innocentes victimes et des prophètes de la fraternité humaine.

… et ils n'ont jamais pratiqué de bonne foi les élections

Remontons aux Etats Généraux du premier semestre 1789. Ce furent les seules élections régulières au suffrage universel (indirect, certes) qui aient eu lieu dans cette période. Sans doute, chaque communauté locale était censée émettre une opinion unanime. De plus, les cahiers de doléances ont exprimé surtout l'opinion des lettrés ; mais il est incontestable que ces élections furent régulières. C'est ensuite que tout se dégrade : l'élection de l'Assemblée législative dans l'été 1791 est l'occasion de graves irrégularités [15]. Le pire survient lors de l'élection de la Convention, en aout-septembre 1792. En effet, ce sont maintenant les Jacobins qui organisent le scrutin. Le vote est à deux degrés. Les Jacobins ont tout manipulé, les candidatures, la composition des assemblées tant primaires que secondaires, la procédure même du vote. Ils font arrêter les prêtes réfractaires ; ils interdisent les journaux non jacobins ; ils publient une liste de 28 000 signataires de pétitions « royalistes » [16] ; ils inscrivent dans la loi que seuls pourraient voter ceux qui auront prêté serment de fidélité « à la liberté et à l'égalité » ; ils décident que le vote pour l'élection de la Convention aura lieu par appel nominal et à haute voix. Là où l'on n'a pas osé toucher à la loi, qui prévoyait le vote secret, les chances des candidats antijacobins sont compromises par l'appel nominal, par la longueur même des opérations qui favorise, en l'absence d'isoloir, les suggestions plus ou moins menaçantes, et surtout par les violences répétées qui détournent tout simplement les électeurs modérés de se présenter physiquement aux assemblées. Enfin, un premier niveau de scrutin nomme des assemblées électorales qui, elles-mêmes, éliront les députés. Ces assemblées « s'épurent elles-mêmes », comme dit Mathiez, c'est-à-dire qu'elles chassent de leur sein les éléments qu'elles jugent « anticiviques » avant de procéder à l'élection des députés. Le résultat de ces mesures est clair : à Paris, où la participation électorale est estimée à moins de 10%, tous les élus sont des hommes de la Commune de Paris. Il en est de même en province, où les futurs girondins et futurs montagnards ne sont pas encore bien distingués, et le club des Jacobins fait front commun contre les « aristocrates » et les Feuillants. Cette même minorité épurera, enfin, la Convention elle-même au long des deux années suivantes, éliminant d'abord les Girondins, puis les hébertistes, puis les dantonistes…

La Convention, qui a prétendu parler au nom du « peuple souverain », a résulté en réalité d'un putsch mené par une petite minorité au mépris de toute démocratie. Les Montagnards ne sont pas gênés pour carrément supprimer les élections, c'est le principe du « gouvernement révolutionnaire » qui suspend, le 10 août 1793, la Constitution de l'an I. Saint-Just et Danton demandent que le Comité de Salut public puisse casser les corps constitués élus et les remplacer par un « agent national » directement nommé par le Comité, véritable commissaire politique au sein des partis totalitaires modernes. Le Comité supprime l'élection des municipalités. Les juges non plus ne sont plus élus, mais nommés directement par lui. Même après la Terreur, sous le Directoire, la participation électorale – lorsqu'il y a des élections – est de moins de 20%. Les électeurs voient bien, de fait, que le jeu est truqué : ainsi du décret des deux-tiers de 1795 [17]. Le mécontentement populaire à l'encontre du régime se manifeste notamment lors de la tentative de coup de force du 13 vendémiaire an III, durant laquelle les antigouvernementaux sont parvenus à mobiliser 18 « sections » parisiennes sur une quarantaine et à occuper la plus grande partie de la capitale.

En avril 1797, on interdit l'élection des émigrés et des babouvistes. Hoche fait arrêter tous les nouveaux élus ainsi que les journalistes qui les ont soutenus. Les ex-Jacobins n'ont plus qu'à faire voter, par les Conseils ainsi épurés, l'annulation des élections dans 49 départements, donc l'élimination pure et simple de 177 députés et la déportation en Guyane de 65 députés et journalistes.

Bonaparte en profite pour faire un coup d'Etat, ratifié par un plébiscite, dans lequel les électeurs doivent obligatoirement apposer sur un registre le sens de leur vote, en même temps que leur nom et leur signature. Tous ces exemples rendent difficile de considérer que la Convention doive être l'épopée fondatrice de la France moderne.

En il est de même en 1848. Après la nette victoire des modérés, lors des élections du 23 avril, une troupe d'hurluberlus prend d'assaut l'Assemblée nationale. Aloysus Huber s'empare de la tribune et s'écrire : « l'Assemblée est dissoute ! » Dissoute ? Elle vient d'être élue trois semaines plus tôt par le peuple souverain dans des conditions de parfaite régularité. Elle représente incontestablement le peuple.

Ainsi en est-il encore de 1871, alors que la nouvelle Chambre est aux deux tiers royaliste. Les électeurs ne se sont sans pas prononcés pour ou contre la monarchie, la question ne leur a d'ailleurs pas été posée, mais pour ou contre la paix. Mais cela n'empêche point les « démocrates » de tenir pour non avenu le libre choix des Français et de se lancer dans une nouvelle insurrection meurtrière, la Commune. Pendant ces événements, le « Comité central de la Fédération de la Garde nationale » fut le fruit d'élections imaginaires. Les vrais élus essaient d'organiser, le 22 mars, une manifestation de protestation ; mais le Comité central insurrectionnel n'hésite pas à faire tirer sur le cortège où l'on compte douze morts. Le Comité central organise finalement des élections « régulières » le 26 mars. Mais il n'y eut à cette occasion ni liberté de candidature, ni liberté de campagne ; la presse d'opposition était interdite, ses imprimeries confisquées ; sans compter les diverses manipulations qui ont entaché le scrutin. Tous les conseillers modérés sont contraints de démissionner [18].

Explication : un millénarisme laïcisé

Il est certain que les tenants de « 1793 » n'obéissent pas à l'idéal démocratique ; mais ce ne sont pas, pour autant, des hommes sans idéal. Ils se réfèrent, parfois explicitement, la plupart du temps implicitement, au millénarisme, doctrine dérivée (ou plus exactement hérétique) du christianisme. La similitude et le recouvrement quasi parfait des théories de la révolution et de celles de l'Apocalypse sont incontestables. L'Apocalypse de Jean appelle au grand combat qui fera advenir le millenium, cette période par laquelle se terminera l'histoire du monde, lorsque le Christ régnera sur une société humaine devenue fraternelle. Le millénarisme fut condamné par l'Eglise officielle postconstantinienne. Mais il subsista néanmoins pendant des siècles de façon souterraine, car il autorisait, dans certains milieux, l'espoir d'un changement social décisif. Ainsi l' « Empereur des derniers jours », la doctrine de Joachim de Flore, des Spirituels franciscains, la Croisade des Pauvres ou le mouvement des Flagellants incarnent le rêve d'un millenium associé à une révolution sociale. Il eut des traductions sociales de plus grande ampleur encore vers la fin du Moyen Age : les mouvements hussite et taborite en Bohême, la guerre des Paysans en Allemagne, les Anabaptistes de Münster menés par Jean de Leyde. Engels, dans son livre La guerre des Paysans, a soutenu que les luttes du prolétariat moderne étaient le prolongement de ces mouvements millénaristes du XVIe siècle.

Dans leur vision, l'ultime mutation de la société et du monde sera accomplie à la faveur d'un combat inexpiable où seront exterminés les méchants et les impurs. Ce combat sera mené par une poignée d'élus, miraculeusement aidés par Dieu. Pour passer du schéma millénariste traditionnel au schéma révolutionnaire moderne, il suffisait de le séculariser. Ce qui fut fait aux XVIIIe et XIXe siècles.

Si la conduite des opérations est l'affaire des seuls élus, c'est parce que le peuple est essentiellement composé de pêcheurs. La vérité des révolutionnaires n'est pas, en effet, le fruit d'un échange critique entre esprits humains limités ; elle est connue d'eux de façon intuitive et immédiate, et c'est une vérité totale, une clef universelle qui explique toute l'Histoire. C'est parce qu'ils sont guidés par ce Savoir Absolu qu'ils sont en mesure de guider à leur tour les masses. Ils n'ont donc pas besoin de se faire conférer un mandat par autrui ; ils peuvent et doivent se poser d'eux-mêmes en leaders du mouvement social. Les prédications de Lénine dans Que Faire ? sont l'équivalent d'un sermon calviniste. Les révolutionnaires n'organiseront pas d'élections, ni dans la phase de combat, ni d'ailleurs plus tard. Dans la période intermédiaire, ils devront participer, à l'occasion, aux élections organisées par d'autres. Mais ils le feront uniquement à titre tactique et en gardant leur entière liberté de manœuvre. Ils pensent qu'il ne faut pas craindre la guerre révolutionnaire, qui sera la dernière de l'Histoire. Il faut au contraire la préparer et la hâter. Ce sont les tièdes qui sont coupables.

Si les hommes de « 1793 » chers à Lissagaray n'ont jamais pratiqué de bonne foi les élections, ce n'est pas parce que l'occasion leur ait manqué, c'est que leur idéal-type l'exclut.


[1] Il est surtout célèbre pour l'enquête qu'il a menée avec acharnement sur l'histoire de la Commune de 1871, événement auquel il a participé. Il recueille ainsi des témoignages auprès de tous les survivants en exil, à Londres, en Suisse. Voir en ligne.

[2] En s'annexant ainsi volontiers le patriotisme national, mais en oubliant de mentionner au passage les massacres de septembre 1792, sans doute par le plus grand des hasards.

[3] Véritable parti unique sous la Révolution, le club dans Jacobins assure de facto le gouvernement de la France, en lieu et place de l'Etat et des institutions publiques. On peut donc le comparer aux partis uniques des pays totalitaires modernes. Les décisions de cette organisation ne sont pas publiques ni tournées vers l'intérêt général, mais opaques et partisanes, et elle pratique la violence. Ces traits sont bien ceux par lesquels Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme, définit les partis des régimes totalitaires. Comme l'écrivent Patrice Gueniffey et Ran Halévy dans l'article « Clubs et sociétés populaires » du Dictionnaire Critique de la Révolution française, « la résurgence d'un véritable débat politique [après la Terreur] condamne une forme d'association dont la principale caractéristique avait été justement de dissoudre tout débat, tout pluralisme d'opinion dans une unanimité artificielle ».

[4] La famille royale résida pendant trois ans dans le palais. Le 21 juin 1791, elle tenta de s'enfuir mais, arrêtée à Varennes, fut contrainte de regagner les Tuileries. Puis, le 10 août 1792, à 7 heures du matin, elle fut contrainte de quitter le palais, assiégé par les émeutiers, pour aller se réfugier dans la salle du Manège, qui abritait alors l'Assemblée législative et qui se trouvait le long du jardin (à l'emplacement de l'actuel carrefour entre les rues de Rivoli et de Castiglione). La garnison de gardes suisses resta en place autour du palais désormais vide. Il fut envahi et pillé, et près de 600 gardes moururent soit pendant le combat, soit ensuite massacrés par la foule. Une centaine d'entre eux parvint toutefois à s'échapper grâce à une partie de la population parisienne. Le 21 août, la guillotine fut dressée sur la place du Carrousel, à l'est du palais.

[5] Le carbonarisme (pour l'Italie) ou charbonnerie (pour la France) est un mouvement initiatique et secret, à forte connotation politique, qui joua un rôle occulte important sous la Révolution française et qui contribua à l'unification de l'Italie au milieu du XIXe siècle.

[6] La révolution de Juillet, révolution française à la faveur de laquelle un nouveau régime, la monarchie de Juillet, succède à la Seconde Restauration, se déroule sur trois journées, les 27, 28 et 29 juillet 1830, dites les « Trois Glorieuses ».

[7] Société des Amis du peuple, Francs régénérés, Réclamants de Juillet, Société des Droits de l'Homme…

[8] L'insurrection républicaine à Paris en juin 1832 a pour origine une tentative des Républicains de renverser la monarchie de Juillet, deux semaines après le décès du président du Conseil, l'énergique Casimir Perier, emporté par l'épidémie de choléra le 16 mai 1832.

[9] Giuseppe Fieschi échoue à tuer le roi, mais fait tout de même 18 morts et 23 blessés.

[10] Voir en ligne.

[11] En tant que socialiste, Blanqui est favorable à une juste répartition des richesses au sein de la société. Mais le blanquisme se singularise à plusieurs égards des autres courants socialistes de son temps. D'une part, contrairement à Karl Marx, Blanqui ne croit pas au génie messianique de la classe ouvrière, ni aux mouvements des masses : il pense, au contraire, que la révolution doit être le fait d'un petit nombre de personnes, établissant par la force une dictature temporaire. Cette période de tyrannie transitoire doit permettre de jeter les bases d'un nouvel ordre, puis remettre le pouvoir au peuple. D'autre part, Blanqui se soucie davantage de la révolution que du devenir de la société après elle : si sa pensée se base sur des principes socialistes précis, elle ne va que rarement jusqu'à imaginer une société purement et réellement socialiste. Il diffère en cela des utopiques. Pour les blanquistes, le renversement de l'ordre bourgeois et la révolution sont des fins qui se suffisent à elles-mêmes, du moins dans un premier temps. Il fut l'un des socialistes non marxistes de son temps.

[12] L'article de Wikipédia dit ceci : « Les journées de juin 1848 font de nombreuses victimes. Les forces gouvernementales perdent environ 1 600 morts 2, gardes nationaux (boutiquiers et bourgeois de Paris et de province), gardes mobiles (recrutés dans les parties les plus pauvres du prolétariat parisien) et soldats de carrière en grande partie des fils de paysans. La République réprime dans le sang la révolution parisienne. Les insurgés perdent environ 4 000 morts pendant les combats. S'y ajoutent environ 1 500 fusillés sans jugement. Il y a 11 000 arrestations. Les tribunaux condamnent 4000 personnes à la déportation en Algérie. Marx et Engels analysent cette révolution comme l'acte de naissance de l'indépendance du mouvement ouvrier. Les acteurs de la Révolution de février 1848 se sont divisés en deux camps. Le premier, celui de la bourgeoisie, est satisfait de la mise en place de la République telle qu'elle est. Désormais, face à elle, les ouvriers n'ont pas oublié les mots d'ordre de "République sociale" et c'est logiquement qu'on les retrouve en juin pour les défendre encore. » Voir en ligne.

[13] À Paris, où le général Trochu est gouverneur militaire, le gouvernement fait peu d'efforts pour défendre efficacement la capitale. Le gouvernement ayant choisi de rester dans Paris encerclé par les troupes prussiennes et leurs alliés, une délégation est envoyée à Tours pour coordonner l'action en province sous les ordres d'Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, accompagné par Alexandre Glais-Bizoin et l'amiral Fourichon. Elle est rejointe le 9 octobre par Léon Gambetta investit des ministères de la guerre et de l'intérieur pour former de nouvelles armées : l'armée du Nord, l'armée de la Loire puis l'armée de l'Est. En janvier 1871, devant l'avance des armées allemandes, la délégation se replie sur Bordeaux. Trochu remet sa démission le 22 janvier et le 19 février, l'entrée en fonctions du gouvernement d'Adolphe Thiers met fin à l'existence du Gouvernement de la Défense nationale.

[14] Voir en ligne.

[15] Taine, dans les Origines de la France contemporaine, a fait le récit des violences et des meurtres ayant accompagné ces opérations électorales à Marseille, Dax ou Montpellier. Il conclut : « Déjà, dans les procédés par lesquels [les Jacobins] obtiennent le tiers des places en 1791, on aperçoit le germe des procédés par lesquels ils prendront toutes les places en 1792 ».

[16] Autant d'hommes qui seront exclus ipso facto de l'élection et de l'éligibilité et ne risqueront donc pas de devenir membres de la Convention.

[17] Le 1er fructidor an III (18 août 1795), le député Baudin des Ardennes présente un rapport « sur les moyens de terminer la Révolution », dans lequel il préconise que les deux tiers des sièges au Conseil des Anciens et au Conseil des Cinq-Cents soient réservés à des membres de l'ex-Convention, soit 500 des 750 élus. Pour le justifier, il explique que « la retraite de l'Assemblée Constituante vous apprend assez qu'une législature entièrement nouvelle pour mettre en mouvement une constitution qui n'a pas été essayée est un moyen infaillible de la renverser ». Seul le girondin Saladin proteste. Ce décret est voté, avec la constitution, le 5 fructidor an III (22 août 1795).

[18] Nemo souligne le caractère absurde de la phraséologie de gauche qui parle toujours de la lutte héroïque du « peuple de Paris », alors que ledit « peuple » n'a fait, dans sa grande majorité, que subir la situation, épuisé qu'il était depuis la mi-septembre par le siège et la famine, terrorisé par les activistes, rendu muet par la peur des mouchards. La faute impardonnable de l'armée versaillaise est d'avoir passé par les armes un bien plus grand nombre de Parisiens qu'elle n'avait d'adversaires réels.


Philippe Nemo, Les Deux Républiques Françaises, éditions PUF, 2008. Ouvrage lauréat du Prix Wikibéral 2009

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