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2009 - Lhasa - Opus Eponyme - Reviews - Chronique d'une artiste stupéfiante
Publié le 11 juin 2009 par Saab190780Il y-a-t-il vraiment quelque chose à ajouter sur Lhasa de Sela ? Elle est l'une des plus grandes chanteuses contemporaines. Cette artiste à la voix grave et profondément émouvante chante à la perfection en anglais, français et espagnol. Après le projet La Lhorona créé avec Yves Desrosiers en 1998 et The Living Road (2002) sur lequel elle a collaboré de façon étroite avec François Lalonde et Jean Massicott, il aura fallu plus de 6 longue années d'attente pour voir l'arrivée de son premier vrai album solo au titre éponyme (ici, elle en assure seule la production). Dans le cadre de ce nouvel opus, les ambitions "world music" de premier standing son mises au placard au profit d'un album folk de format classique. Lhasa ne s'y exprime qu'en anglais, alors cela fait tout drôle du premier abord, on se sent décontenancé, que se passe t'il ?
On a peine à la reconnaître : les "r" qui roule de façon si dynamique, le chant qui auparavant enflammait notre esprit a fait place à une artiste plus posée et introspective. Au fil des écoutes, je me suis prise à adorer cet album, je n'avais même jamais été autant touchée par sa façon de chanter. Je préviens tout de suite, l'album risque de ne pas plaire à tout le monde : pas original pour un sou, le ton extrêmement feutré (presque lo-fi) à l'ambiance bluesy/jazzy représente pourtant une expérience sonore hors du commun car cette voix, la voix de Lhasa est tout simplement bouleversante. On se retrouve (coincé) dans un univers musical contemplatif, en apesanteur car le temps s'est arrêté le temps d'un album. Solaire, malgré l'aspect dépressif de l'album, Lahsa n'a pas oublié de jouer de la poésie pour ses textes émouvants : elle évoque des fables dans lesquelles elle est réveillée par des cloches venant d'une ancienne cité noyée, d'un poisson à visage humain, d'amours brisés ou déçus, des textes simples mais d'une grande beauté.
Dès l'introduction Is Anything Wrong, on se sent troublé par cette voix presque blanche, intemporelle pour ce morceau de country alternatif (a noter les quelques claps qui évoquent en arrière plan ses origines latines). La mélancolie de ce morceau prend directement aux tripes. De même, sur l'excellent Rising choisi à juste titre pour promouvoir l'album, on ne peut s'empêcher de s'engouffrer dans ce spleen poignant. Une oeuvre d'art. Love Came Here de par son feeling jazzy/bluesy entêtant est une perle. L'Amérique est définitivement dans la place, savoureux. What Kind of Heart est un des chefs d'oeuvre de l'album : on ne peut s'empêcher de penser aux plus grandes comme Nina Simone. Il y a cette forme de recueillement et d'intensité qui caractérise les plus grandes interprètes. Que de frissons ressentis en écoutant cette ballade acoustique squelettique sur laquelle Lhasa fait des miracles. Magistral. Etait-il possible de ralentir encore le tempo devenu presque moribond de cet opus qui s'acharne obstinément à vouloir défier l'écoulement du temps ? Oui, avec Bells. Ce morceau de folk crépusculaire est déchirant. Me sera t'il possible de finir cette p**** de chronique sans verser une larme ? C'est drôlement mal engagé !
Ouf ! De quoi respirer avec le léger, lumineux et sublime Fool's Gold mais cela n'est déjà plus qu'un mirage, un interlude pour déjouer notre attention car A Fish On The Land vient nous reprendre à la gorge, le ton splendidement plaintif de Lhasa, sur fond d'arrangements délicats de nature latine, vient nous recouvrir d'une chape de plomb. Impossible de se défaire de son sort. Where Do You Go (la deuxième collaboration après Rising avec son voisin le génial montréalais Patrick Watson) constitue également une folk song, au rythme un peu plus enlevé que la moyenne de l'album, des plus envoûtantes. Excellent. The Lonely Spider fait honneur aux meilleurs morceaux d' Angelo Badalamenti. Ce son ténébreux est un must à écouter absolument. Au fur et à mesure de l'album, on se retrouve dans des ambiances de plus en plus sombres : 1001 Nights vient sans conteste pour le prouver. le son est rèche, nerveux, volontairement à nu, Lhasa s'aventure au tréfonds de son âme. I'm Going In, autre chef d'oeuvre de l'album, bouleverse de nouveau, on ne peut que se sentir submerger par cette émotion à fleur de peau. Anyone and Everyone clôture sur note étrange, si vous avez pu le remarquer : le son est plus haut, davantage réverbéré. Si vous dégustez ce morceau avec des écouteur, vous avez la réelle impression qu'elle chante au coin de votre oreille. Etrange et magnifique à la fois pour ce morceau qui navigue entre douce mélancolie entrecoupé par quelques rayons de soleil.
Je ne sais pas comment dire cela ! Je me suis retrouvée presque anéantie par l'écoute de cet opus, c'est rare ! Je le dis de suite c'est un album de facture classique mais qui deviendra rapidement un classique en lui-même car Lhasa s'y montre exceptionnelle.
Note Finale : A++
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Site Non Officiel (excellent)
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