Vouloir soigner nécessite des compétences, mais surtout une “attitude” . Il faut avoir le “souci de l'autre” . Et ne pas se tromper, dans cette relation à deux, le soigné apporte souvent plus au soignant que l'inverse . Reconnaître cela, c'est commencer à soigner vraiment en faisant déjà preuve d'humilité, qualité première et indispensable . Et cette attitude permet au soignant de réellement s'approcher du patient et d'être gratifié dans sa fonction par la confiance qui lui est accordée . Seule la gratification qu'apporte le malade peut renforcer le désir de soigner, les autres gratifications, si peu nombreuses il est vrai (note, reconnaissance des supérieurs) ne peuvent que le pervertir .
Pour être soignant, il faut être exempt de certaines prétentions , celle du “tout savoir ” entre autres, et exempt de certaines dispositions d'esprit malsaines comme le désir de “pouvoir”, que l'on retrouve malheureusement fréquemment chez tous ceux qui travaillent dans la santé et qui ont à faire à ceux qui sont affaiblis par la maladie .
Parmi les gens qui se sont formés ou qui se forment aux soins, très rares sont les vrais “empathiques”, ceux qui d'emblée et sans l'avoir appris comprennent intuitivement ce qu'est le soin . D'autres rares aussi heureusement, sont des pervers qui trouvent dans ce métier la possibilité d'assouvir un désir de domination sur les autres et même de prendre plaisir à les voir souffrir . C'est un trait de leur personnalité, ils ne peuvent pas soigner et ne peuvent pas non plus être soignés .
Enfin, en majorité, on trouve des “indéterminés”, qui, suivant les personnes qu'ils vont rencontrer pendant leur formation et même après, pourront pencher du côté des empathiques ou du côté des pervers .
Il ne doit y avoir aucune notion de pouvoir entre le soignant et le soigné . Le patient, malgré cette appellation, ne doit pas être assujetti, ne doit pas devenir un objet, un numéro de lit ou de chambre, un nom de maladie, etc…Même malade, et encore plus s'il s'agit d'une pathologie psychique, il ne doit pas perdre sa faculté de penser, de choisir et de décider . On craint que ses facultés soient inhibées par la maladie? Possible, mais en réalité elles le sont bien davantage par les soignants .
Soigner c'est décider avec le malade, en accord avec lui, mettre des forces en commun, les siennes et celles de tous les soignants, partager le savoir et le savoir-faire . L'équipe ainsi formée doit rester soudée, on travaille ensemble et non les uns contre les autres . Il y a un partage de responsabilités et non une hiérarchie de pouvoirs . Si les soignants se comportent en adversaires envers les malades ou entre eux, solitaires soucieux de leur seul intérêt et surtout de se mettre hors danger, alors le soin est impossible . On ne peut pas aider l'autre malgré lui .
Affronter la maladie, c'est aller au devant de la solitude, de la souffrance, et c'est accepter de rentrer dans l' incertitude de la relation de soin . Y aller non pas armé de dossiers épais, de diagnostics, d'ordonnances, de protocoles savants et de l'attirail des traitements sophistiqués,mais y aller soi-même, avec nos attitudes, nos émotions, nos pensées, et notre propre histoire, tout ce qui nous constitue en tant qu'être humain et qui nous rapproche du malade . C'est s'engager en assumant le risque d'apercevoir à travers les symptômes des patients, nos propres failles internes,nos zones d'ombre, les parts de notre psychisme qui demeurent en souffrance . Les patients vont parfois nous chercher loin et nous attaquer sur les terres obscures de notre inconscient . Soigner c'est accepter de prendre conscience de ses propres maladies, de ses propres souffrances, de mettre en pensées son histoire .
C'est en gros ce que nous apprennent les patients : que le soin n'est et ne sera jamais aseptisé, il est une rencontre inter subjective et une prise de risque permanent .