Objet de controverses infinies et de débats parlementaires laborieux, ce texte visait à endiguer le développement massif des échanges illégaux, sur Internet, de films et de titres musicaux, afin de protéger le droit des auteurs. Une surveillance étroite de la Toile était donc prévue pour repérer les “pirates”, ainsi qu’un système de “riposte graduée” : après deux avertissements, le téléchargeur pourrait se voir couper son abonnement à Internet, sanction prononcée par une nouvelle autorité administrative, la Haute Autorité de protection des droits sur Internet (Hadopi).
C’est ce dispositif de sanction par l’Hadopi que les juges constitutionnels ont censuré, au terme d’un réquisitoire sans appel. Invoquant, d’une part, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui fait de “la libre communication des pensées et des opinions un des droits les plus précieux” et soulignant, d’autre part, “l’importance prise par les services en ligne pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions”, ils ont en effet jugé que ce droit “implique la liberté d’accès” à Internet.
A leurs yeux, porter atteinte à cette liberté est une prérogative trop grave pour être confiée à une autorité administrative, et non à la justice.
C’est donc la philosophie même de la loi – dépénaliser la chasse aux “pirates” pour la faciliter et la généraliser – qui est récusée. En outre, le Conseil a jugé qu’en obligeant l’internaute à prouver qu’il n’est pas responsable d’un éventuel téléchargement illégal, la loi renverse la charge de la preuve et introduit une “présomption de culpabilité”, contraire au principe fondamental de la présomption d’innocence.
Sans même se préoccuper des risques techniques de contournement de la loi, qui rendaient déjà improbable son application effective, le Conseil a tranché sur la base de principes fondamentaux. Et incontestables.
Pour Internet, c’est la reconnaissance de son rôle désormais essentiel dans l’espace démocratique.
Pour le président de la République, qui en avait fait une cause personnelle, c’est un camouflet cinglant.
Pour les créateurs et les auteurs, c’est une Berezina.
Pour tous, le casse-tête reste entier : comment rémunérer et protéger les artistes à l’âge d’Internet.