Magazine Politique
La mode ponctuelle est au changement climatique. Mais la mode durable est au changement politique. Toute la subtilité de Nicolas Sarkozy doit consister à incarner cette mode bien qu'étant au pouvoir tandis que Ségolène Royal doit se ré-introduire dans ce dispositif.
Le citoyen d'aujourd'hui est toujours sur ses gardes. Il ne dort plus sur ses deux oreilles. Pire, il n'a plus d'oeillères.
Il ne veut plus de responsables qui captent tout et se présentent comme des irremplaçables. Il veut des responsables compétents qui évoluent dans un climat permanent de fidélités renouvelées et jamais acquises par avance.
Les Européennes posent 5 nouveaux jalons.
1) le refus de la fatalité politique face à l'environnement. Ce domaine devient le nouveau théâtre du volontarisme comme si la crise économique était déjà réglée dans ce jeu permanent du zapping.
2) Les élites ne peuvent se justifier que par l'existence de leurs résultats. Sans résultat, il n'y a plus d'élite. Ou plutôt, en l'absence de résultat, il faut changer d'élite. Cette notion de changement est la seule façon de faire émerger une forme de responsabilité appliquée aux élites afin qu'elles ne soient plus une caste d'intouchables.
Ce volet est la force majeure de Nicolas Sarkozy. Son expression est entièrement axée sur l'objectif de résultat et surtout il donne le sentiment de toujours "mouiller la chemise" pour y parvenir.
3) La politique n'est plus marquée par l'idéologie. Le besoin d 'indépendance est trop fort. C'est probablement le danger pour les Verts à terme. Ils sont des "directeurs de consciences". Leur discours est très péremptoire. Il n'est pas sûr qu'il corresponde durablement à l'opinion qui veut l'indépendance comme preuve de sa maturité.
4) Avec la décentralisation et la désacralisation de l'Etat, il n'y a plus de "sens de l'Etat" comme formateur et garant de l'intérêt national donc supérieur par essence aux intérêts particuliers. L'Etat ne doit plus être l'armature de la société mais le serviteur de la société. C'est une collection de services publics qu'il faut offrir et non plus une mystique.
5) Plus qu'un projet, il faut trouver des scènes de vie qui parlent à l'oeil pour toucher le coeur. La gestion de l'émotion fait naître de nouvelles contraintes de communication et un réel contenu de message.
Cette "nouvelle culture" ne remet pas fondamentalement en cause le système.
Elle demande au système des adaptations majeures pour :
- devenir pilote du changement,
- manifester certes une volonté mais surtout une capacité à écouter, à libérer les possibilités, à fonctionner en acteur parmi d‘autres d'un changement contrôlé, voulu, pragmatique.
Cette culture a fait naître des " nouvelles frontières " :
- le refus des leurres. Les démarches idéologiques faites de matrices toutes prêtes ne correspondent plus à cette démarche. François Bayrou a été perçu comme un "voleur de vote" puisqu'il instrumentalisait les Européennes pour une présidentielle,
- le discrédit des responsables dont le bilan a été défaillant. Il n'y a plus d'expert en dehors de celui qui a prouvé ses capacités par les actes et par les résultats. Comment le PS peut-il aspirer à gérer le pays alors même qu'il n'est pas capable de gérer un parti ?
Tous ces repères traduisent l'émergence d'une nouvelle citoyenneté : le citoyen autonome.
A la différence du citoyen militant qui était a priori acquis ou hostile, le citoyen autonome ne peut être touché que par une communication persuasive basée sur :
- l'identification claire de ses besoins,
- l'énoncé de propositions précises,
- la présentation de la différenciation avec les propositions des concurrents car l'univers de ce citoyen est fait de comparaisons permanentes.
C'est un nouveau "rapport de séduction" entre le candidat et le citoyen qui prend naissance.
Ségolène Royal est restée à l'écart des Européennes. Elle n'en sort donc ni usée ni cabossée.
Le véritable enjeu consiste maintenant à adapter son offre pour montrer qu'elle a compris les attentes de l'opinion et qu'elle pose à son tour des jalons concrets pour ce nouveau débat public.