Puisque j'ai commencé, je continue. Même si, cette fois... ben, c'est un gros morceau, avec des ouvrages prometteurs - on jugera sur pièces, c'est promis, il ne suffit pas d'avoir une bonne réputation pour rester chaque fois à la hauteur de celle-ci. Et on n'oubliera pas les inconnus dont la découverte est toujours une surprise, positive ou non...
Pour faire bonne mesure, et parce que je ne recule devant rien, on trouvera ici aussi les programmes de l'Arpenteur et de Verticales, maisons filles (nièces) qui cohabitent avec Gallimard.
David Borotav, Murmures à Beyoglu (20 août)
Murmures à Beyoglu est d'abord l'histoire d'un homme qui perd le sommeil. Un personnage singulier, moins hanté par son passé que par la platitude grisâtre de son existence et la possibilité que celle-ci s'écoule «jusqu'à la fin» à cette «allure d'affaissement général». Mais c'est aussi une histoire intime qui se noue et se dénoue dans une ville de clairs-obscurs, de rumeurs et d'apparent chaos: Istanbul.
Quête initiatique, enquête existentielle, Murmures à Beyoglu se présente comme une sorte de roman noir, un voyage intérieur au cœur du désir, où tout n'est que réminiscence, brouillard, hallucination et où pourtant jamais le lecteur ne se perd.
David Boratav est né en 1974. Murmures à Beyoglu est son premier roman.
Amina Danton, La tangente (20 août)
Au premier regard qu'il pose sur elle, elle sait.
Elle sait qu'il ne s'attendait pas à se retrouver face à un gros bébé joufflu. Et quand il lui dit au revoir sur le boulevard Montparnasse, elle jure de ne plus jamais revivre cet abandon, cette solitude où il la laisse. Oui, elle se jure, en le regardant disparaître, de devenir belle.
C'est ainsi que naît Génica.
Amina Danton vit et travaille à Gentilly. La tangente est son premier roman.
David Foenkinos, La délicatesse (20 août)
Il passait par là, elle l'a embrassé sans réfléchir.
Maintenant, elle se demande si elle a bien fait.
C'est l'histoire d'une femme qui va être surprise par un homme.
Réellement surprise.
La délicatesse est le huitième roman de David Foenkinos. Il a publié notamment Le potentiel érotique de ma femme et Nos séparations. Ses romans sont traduits dans plus d'une quinzaine de pays.
Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes (20 août)
Trois récits, entre lesquels courent des liens ténus. Au centre de chaque récit, une femme qui dit non. Elles s'appellent Norah, Fanta, Khady Demba.
Norah, la quarantaine, arrive chez son père en Afrique. Le tyran égocentrique de jadis est devenu mutique, boulimique, et passe ses nuits perché dans le flamboyant de la cour. Pourquoi lui a-t-il demandé de venir ? Ce que Norah va découvrir est plus terrible encore que ce qu'elle pouvait redouter.
Fanta enseignait le français à Dakar, mais elle a été obligée de suivre en France son compagnon Rudy. Rudy s'avère incapable d'offrir à Fanta la vie riche et joyeuse qu'elle mérite. Il reste sous l'emprise maladive de sa mère, qui consacre sa vie à persuader son entourage de l'existence des anges. Il erre, bouleversé, dans une réalité visqueuse qui le remplit de colère et de rancune. Fanta, près de lui, est un roc.
Khady Demba est une jeune veuve africaine. Sans argent, elle tente de rejoindre une lointaine cousine, Fanta, qui vit en France. Le long voyage de l'émigration sera ponctué de souffrances sans nom.
L'art de Marie NDiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère. La force de son écriture tient à son apparente douceur, aux lentes circonvolutions qui entraînent le lecteur dans les méandres d'une conscience livrée à la pure violence des sentiments. Chacune des trois femmes se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible. Comme toujours chez Marie NDiaye, l'angoisse transparaît sous le glacis d'une prose impeccable et raffinée.
Marie NDiaye est née en 1967 à Pithiviers. Elle est l'auteur d'une douzaine de livres — romans, nouvelles, théâtre.
Laurence Plazenet, La blessure et la soif (20 août)
La Fronde bouleverse la France. En Chine, la dynastie des Ming agonise.
Deux hommes, éperdument aiment, des femmes qu'ils tremblent de perdre. L'un est français, l'autre chinois. Dans le chaos, ils cherchent la vérité et la justice.
Des continents les séparent: M. de La Tour et Lu Wei ne devraient pas se rencontrer.
L'amour fou, Dieu et le Vide vont avoir raison des continents, des océans.
Pendant douze ans, ensemble, deux hommes s'efforcent de briser l'absence qui les ronge, la privation, la ruine, les spectres du deuil. Ils leur opposent la fidélité, l'extase.
Un jour, Lu Wei confie à M. de La Tour quelques sceaux qui sont tout ce qu'il a conservé de son univers. Les chemins les plus merveilleux sont des détours.
Port-Royal, Louis XIV attendent encore M. de La Tour. La femme qu'il aime aussi.
Laurence Plazenet est née à Paris où elle travaille. La blessure et la soif est son deuxième roman.
Elisabeth Barillé, Heureux parmi les morts (27 août)
Basile habille les femmes, Domi habille les morts, Ligeia leur parle. Luc le solitaire vit dans un fauteuil depuis plus de trente ans. Basile possède en lui son seul ami véritable, mais Luc rêve de faire la peau à celui qu'il considère comme le meurtrier de Nelly, son unique amour. «La muse absente» de Basile. Supprimer ce couturier qui l'obsède et la ruine, c'est aussi le rêve d'Amélie Dalle, la fashionista graphomane, et, sans doute, le désir inavouable de l'ambitieux Etzo. Le beau Yann. lui ne rêve que de faire un enfant à Domi, sa compagne, mais depuis que Ligeia a oublié dans son bureau à la morgue un recueil de ses poèmes, Domi la frondeuse rêve de rencontrer Rainer Maria Rilke. Avant sa tumeur au cerveau, Julio Ocampo construisait des maisons; il ne connaît aucun de ces personnages; doté de mystérieux pouvoirs, il sait pourtant le sort que l'auteur leur réserve. Julio serait-il un maçon visionnaire, les rêves, les agents doubles de la vie, et la mort, l'agent secret de la mode?
Depuis Corps de jeune fille, Elisabeth Barillé a publié cinq romans aux Éditions Gallimard.
Pierre Péju, La diagonale du vide (27 août)
Marc Travenne, le narrateur, est un designer à succès. À la suite de la mort brutale de son associé et ami, son double, il décide de «tout arrêter». Il a l'impression d'être «passé à côté de sa propre histoire», d'avoir une existence vide de sens et d'événements. Il se réfugie dans un gîte perdu, en Ardèche où ne passe qu'un sentier de grande randonnée.
Un soir, une marcheuse blonde et énigmatique fait son apparition. Elle explique que pour une raison qu'elle ne peut révéler elle a entrepris de traverser la France, à pied, en suivant ce que les géographes appellent la diagonale du vide, cette bande de territoire de quelques dizaines de kilomètres de large qui traverse la France du sud-ouest au nord-est (approximativement des Landes jusqu'aux Ardennes) et sur laquelle la densité de la population est extrêmement faible, les zones sauvages nombreuses et les agglomérations absentes.
Dans La diagonale du vide, Pierre Péju renoue avec son style particulier qui a fait le succès de ses romans précédents qui mêlent à l'action romanesque les réflexions personnelles de l'auteur.
Pierre Péju est l'auteur du Rire de l'ogre, de Cœur de pierre, de La petite Chartreuse (Prix du livre Inter 2003), de Naissances, de La vie courante, mais aussi de Lignes de vies (José Corti) et de La petite fille dans la forêt des contes (Robert Laffont). Professeur de philosophie et directeur de programme au Collège international de philosophie jusqu'en 2004, il se consacre désormais exclusivement à l'écriture. Son roman La petite Chartreuse a été traduit en quatorze langues et adapté au cinéma par Jean-Pierre Denis en février 2005.
Anne Wiazemsky, Mon enfant de Berlin (27 août)
En septembre 1944, Claire, ambulancière à la Croix-Rouge Française, se trouve à Béziers avec sa section, alors que dans quelques mois elle suivra les armées alliées dans un Berlin en ruine. Elle a vingt-sept ans, c'est une très jolie jeune femme avec de grands yeux sombres et de hautes pommettes slaves. Si on lui en fait compliment, elle feint de l'ignorer. Elle souhaite n'exister que par son travail depuis son entrée à la Croix-Rouge, un an et demi auparavant. Son courage moral et physique, son ardeur, font l'admiration de ses chefs. Ses compagnes, parfois issues de milieux sociaux différents du sien, ont oublié qu'elle est la fille d'un écrivain célèbre, François Mauriac, et la considèrent comme l'une d'entre elles, rien de plus. Au volant de son ambulance, quand elle transporte des blessés vers des hôpitaux surchargés, elle se sent pour la première fois de sa jeune vie, vivre. Mais à travers la guerre, sans même le savoir, c'est l'amour que Claire cherche. Elle va le trouver à Berlin.
Pour écrire son roman, Anne Wiazemsky s'est servie du journal intime de sa mère et de la correspondance échangée avec François Mauriac. Certains de ces documents sont incorporés au récit et offrent une vision très nette de la capitale allemande à cette époque, dévastée, martyrisée.
Le destin de Claire Mauriac apparaît de manière puissamment romanesque, emportée par l'histoire d'amour exceptionnelle qu'elle va vivre avec Yvan Wiazemsky, jeune officier né en 1915 à Saint-Pétersbourg et dont la famille a émigré en France au moment de la révolution russe. Après la figure de la «jeune fille », Anne Wiazemsky s'attache ici à celle de la «jeune femme», dont elle décrit l'émancipation vis à vis d'un milieu familial très bourgeois qui ne semble pas toujours comprendre les aspirations profondes de leur fille. La justesse de ton et la précision de l'analyse psychologique donnent une présence très forte aux personnages. Dans ce Berlin dévasté, le couple formé par Claire et Yvan offre un regard décalé sur l'Allemagne année zéro, et cette passion berlinoise nous fait elle-même découvrir les enjeux et les paradoxes de la Grande Histoire européenne d'après-guerre.
Patrice Blouin, Tino & Tina (L'Arpenteur, 27 août)
«Appelons-les Tino et Tina. Ils habitent à Paris dans le coude étroit de la rue de Messine. Alors qu'ils avaient quatorze et quinze ans, leur mère avait repris unilatéralement son indépendance. C'était durant l'hiver quatre-vingt trois. Avant de disparaître, elle leur avait laissé à chacun une chambre de bonne en vis-à-vis, de part et d'autre de la rue. Elle les avait placés là comme ses vigies monstrueuses, disait-elle dans son mot d'adieu.»
Patrice Blouin est né en 1971. Tino & Tina est son premier livre.
Noémi Lefebvre, L'autoportrait bleu (Verticales, 27 août)
«J'affichais une sérénité que j'admirais de l'extérieur, je suis forte comme fille, je me disais dans l'avion, d'afficher une sérénité si sereine, n'en revenais pas de me voir aussi paisible, quasiment paissant et non pas hurlant comme une vache dont on aurait prélevé le veau, qui n'aurait que ses pauvres sentiments bovins maternels, l'un n'empêche pas l'autre, pour meugler à mort et personne pour lui répondre. Je lisais donc en paix apparente ces fameuses lettres de Theodor W. Adorno à Thomas Mann et réciproquement, tandis que ma sœur avait les yeux fixés sur les aérofreins et me racontait des histoires de pilotage, de puissance masculine et de folie volante.»
Ciselé à la virgule près, ce roman égrène les souvenirs d'un récent séjour à Berlin hanté par la figure du compositeur Schônberg et son «esprit de résistance». L'autodérision et le désenchantement y expriment une conscience aiguë des occasions rûanquées, sans éteindre cependant l'énergie contagieuse du désir.
Noémi Lefebvre est née en 1964. Elle vit et travaille à Grenoble. Docteur en sciences politiques, elle a consacré plusieurs articles aux liens entre musique et histoire des idées. L'autoportrait bleu est son premier roman.
François Beaune, Un homme louche (Verticales, 27 août)
«Faites ce que vous dites, pas ce que vous faites», m'avait dit Jean-Daniel lors de notre première rencontre. Maintenant qu'il est mort, je m'aperçois qu'il a tenu parole.
F.B.
Un homme louche se partage en deux cahiers, deux époques de la brève existence de Jean-Daniel Dugommier: l'histoire d'un adolescent précocement interné puis, après une ellipse de vingt-cinq ans, celle d'un adulte quasi normal portant un regard brutalement distancié sur son passé, son entourage et l'insolite du quotidien.
Dans ce roman, diversité des registres et humour noir louchent assurément du côté de la liberté déjantée et foisonnante de la littérature anglo-saxonne.
François Beaune est né en 1978. Il vit actuellement à Lyon. Il a fondé plusieurs revues, dont Louche et le feuilleton numérique www.jacquesdauphin.blogspot.com. Un homme louche est son premier roman.
Dave Eggers, Le grand quoi (Du Monde entier, 27 août)
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Samuel Todd
Valentino n'a pas huit ans lorsqu'il est contraint de fuir Mariai Bai. son village natal, traqué par les cavaliers arabes, ces miliciens armés par Khartoum. Comme des dizaines de milliers d'autres gosses, le jeune Soudanais va parcourir à pied des centaines de kilomètres pour échapper au sort des enfants soldats et des esclaves. Valentino passera ensuite plus de dix ans dans des camps de réfugiés en Ethiopie et au Kenya, avant d'obtenir un visa pour l'Amérique.
Ironie du sort, son départ était prévu le 11 septembre 2001, Quelques jours plus tard, il s'envolera enfin pour Atlanta. Dans une nouvelle jungle - urbaine cette fois - Valentino l'Africain découvre une face inattendue du racisme. Cette nouvelle existence pourrait bien se révéler aussi périlleuse que la survie dans des contrées ravagées par la guerre.
A mi-chemin entre le roman picaresque et le récit d'apprentissage, ce livre est avant tout le fruit d'un échange. Eggers l'Américain a passé des centaines d'heures à écouter Valentino l'Africain se raconter. Au service d'une tradition orale, la plume impertinente de Dave Eggers fait mouche et insuffle à ce récit une dimension épique, qui rappelle celle de Mark Twain.
Dave Eggers est l'éditeur de la revue McSweeney's et l'auteur de deux romans et d'un recueil de nouvelles traduits en français, Une œuvre déchirante d'un génie renversant et, aux Editions Gallimard, Suive qui peut (2003) et Pourquoi nous avons faim (2007). Il a créé à San Francisco 826 Valencia, une fondation à but non lucratif qui vient en aide aux enfants pauvres.
Alain Blottière, Le tombeau de Tommy (3 septembre)
J'avais depuis longtemps le désir de réaliser un film sur un héros, un vrai, si possible mort jeune et beau, quand j'appris l'histoire de Thomas Elek, dit «Tommy», un lycéen parisien, Juif hongrois, qui combattit le nazisme aux côtés du groupe Manouchian, et figura sur la fameuse Affiche rouge. En découvrant Gabriel, un adolescent d'aujourd'hui lui ressemblant comme un frère, je crus tenir le comédien idéal pour incarner Tommy, soixante ans plus tard.
J'étais loin de me douter qu'au fil du tournage se nouerait entre le défunt et son interprète une intrigue bouleversante, invisible à l'écran. Ce roman secret que je suis encore seul à connaître, le voici.
Alain Blottière a reçu le prix littéraire de la Vocation pour Saad (Gallimard, 1980) et le Prix Valéry Larbaud pour L'enchantement (Calmann-Lévy, 1995). Le tombeau de Tommy est son sixième roman.
Ananda Devi, Le sari vert (3 septembre)
Dans une maison de Curepipe, sur l'île Maurice, un vieux médecin à l'agonie est veillé par sa fille et par sa petite-fille. Entre elles et lui se tisse un dialogue d'une violence extrême, où affleurent progressivement des éléments du passé, des souvenirs, des reproches, et surtout la figure mystérieuse de la mère de Kitty, l'épouse du « Dokter-Dieu », qui a disparu dans des circonstances terribles. Elles ne le laisseront pas partir en paix.
Ananda Devi est née à l'île Maurice. Son roman Eve de ses décombres a obtenu plusieurs prix littéraires, dont le prix des Cinq Continents de la Francophonie.
Noëlle Revaz, Efina (3 septembre)
T est un acteur de théâtre marginal et fantasque, Efína une de ses admiratrices. Une lettre que T lui avait envoyée et qu'ils avaient tous deux oubliée les poussent à s'écrire et à se revoir. Ils entament alors une liaison faite d'attirance et d'éloignements, de curiosité et d'ennui, qui les obsédera toute une vie.
Cruel autant que drôle, ce roman est un magnifique portrait de l'amour en scène.
Noëlle Revaz vit en Suisse. Elle est l'auteur de Rapport aux bêtes. Efina est son deuxième roman.
Laurence Tellier Loniewski, Les arrangeurs (3 septembre)
«Aux abords de l'été, nous traversâmes une ère de turbulences. Un épisode maussade, émaillé de giboulées et fortes chutes de température, s'installa durablement, balayant les promesses d'un printemps précoce. La vague de chaleur soudaine qui y mit fin nous anéantit par son intensité. A peine nos organismes chamboulés eurent-ils développé quelques défenses que les bourrasques revenaient en force, charriant un air acide pulvérisé de pollen, qui rendait fou.
Le coupable fut identifié: c'était le dérèglement climatique.
Le dérèglement climatique grippa les rouages de la mécanique résidentielle.
Les uns après les autres, nos parents se mirent à disparaître.»
Avis de tempête sur la Résidence, fondée par d'anciens soixante-huitards autogestionnaires. Les passions ébranlent habitudes et certitudes. Et le vent de l'Histoire — de la chute du mur de Berlin à la guerre du Golfe — souffle à sa porte.
Laurence Tellier-Loniewski est avocate. Elle vit en région parisienne. Les arrangeurs est son premier roman.
Mathieu Terence, L'autre vie (3 septembre)
De nos jours à Taïwan, Côme Syracuse, un jeune Français en quête d'aventures, est chargé par Biosoft, le leader mondial des recherches contre le vieillissement, de surveiller si l'entreprise n'est pas pillée par la concurrence. Côme a une vie secrète: il tient des carnets où il relate les progrès de sa mission d'espion, son quotidien, son intime infini, tout en menant une réflexion sur les mutations de l'espèce humaine. Sa vie bascule lorsqu'il rencontre Romina, une troublante jeune handicapée. C'est à la lecture des notes de Côme que nous comprendrons dans quelle machination il a été pris, les perspectives qu'ouvre sa méditation sur le devenir de l'humanité et de quelles révélations son amour pour une infirme est la source.
Mathieu Terence est né en 1972. Technosmose. son précédent roman, a paru en 2007 aux éditions Gallimard.
Yannick Haenel, Jan Karski (L'Infini, 3 septembre)
Varsovie, 1942. La Pologne est dévastée par les nazis et les soviétiques. Jan Karski est un messager de la Résistance polonaise auprès du gouvernement en exil à Londres. Il rencontre deux hommes qui le font entier clandestinement dans le ghetto, afin qu'il dise aux Alliés ce qu'il a vu, et qu'il les prévienne que les Juifs d'Europe sont en train d'être exterminés.
Jan Karski traverse l'Europe en guerre, alerte les Anglais, et rencontre le président Roosevelt en Amérique.
Trente-cinq ans plus tard, il raconte sa mission de l'époque dans Shoah, le grand film de Claude Lanzmann.
Mais pourquoi les Alliés ont-ils laissé faire l'extermination des Juifs d'Europe?
Ce livre, avec les moyens du documentaire, puis de la fiction, raconte la vie de cet aventurier qui fut aussi un Juste.
Yannick Haenel coanime la revue Ligne de risque. Il est l'auteur, notamment, de Cercle.
Thomas Morfin, L'enfance de personne (L'Arpenteur, 3 septembre)
«Des années avant, il a vu le père sous puissance plus haute que le père lui-même. Il a vu le père frêle et désorienté dans le hall d'hôpital, tout à coup petit papa aux cheveux en désordre, banal malade en chemise de nuit. Père sonné, assommé.
Quelles paroles échangées autour du père pressé d'enfants, de femme? Le monde s'est étreint. S'est assuré de la peau de chacun, de la chaleur du sang. Mais dans le temps que le sang réchauffait le sang, la mort s'inquiétait de paraître. Ce jour-là, on enseignait le père précaire, on récitait en grelottant la fragilité des aimés. A l'heure du réconfort, on apprenait la peur.»
Gerbrand Bakker, Là-haut, tout est calme (Du Monde entier, 3 septembre)
Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham
Helmer van Wonderen vit et travaille sur la ferme familiale depuis trente-cinq ans, quand, un jour, sans raison apparente, il décide d'installer son vieux père au premier étage. Ce dernier est grabataire et aura de toute façon besoin de ses soins, mais ce changement lui permet de rompre'la monotonie des jours toujours semblables, de s'installer au rez-de-chaussée de la maison et d'en refaire la décoration. Tout en s'occupant de la ferme et du père, il est plein de colère retenue à l'égard de ce dernier. Puis tout s'accélère le jour où il reçoit une lettre signée d'un nom oublié depuis longtemps: Riet était non seulement la fiancée de son frère jumeau Henk, mais aussi à l'origine de son accident mortel, à l'âge de vingt ans. C'est après la disparition de ce frère admiré, alors qu'il était parti étudier à la faculté de lettres d'Amsterdam, que Helmer a dû reprendre le rôle destiné à Henk et renoncer à une vie loin de la ferme. Il a dû accepter une vie consacrée aux vaches, malgré lui, et la tête vide, accomplir les mêmes gestes, jour après jour, machinalement.
Riet lui demande de l'aide, car elle a des difficultés avec son fils - appelé Henk, justement. L'arrivée de cet adolescent changera totalement la donne il noue des liens privilégiés avec le vieil homme mourant, mais il oblige aussi Helmer à se confronter enfin à l'image de l'autre Henk, ce frère jumeau disparu, et à reprendre sa vie en main. Lors d'un accident dramatique, les choses semblent enfin se dénouer...
Gerbrand Bakker évoque avec beaucoup de poésie la vie d'un paysan du nord de la Hollande. Les paysages d'eau et de tourbe constituent un écrin très singulier pour une narration qui pourtant touche une question absolument universelle: comment maîtriser ses désirs, comment accéder à une forme de vérité intérieure quand tout dans votre existence vous contraint à renoncer à cet ailleurs tant refoulé? A 55 ans, est-il trop tard pour changer de vie? L'écriture de Là-haut, tout est calme entraîne le lecteur dans une quête du bonheur inoubliable.
Gerbrand Bakker est né en 1962. Après des études de lettres à Amsterdam, il a exercé différents métiers, puis publié un livre pour adolescents en 2004. Là-haut, tout est calme, son premier roman, a été le phénomène éditorial de l'année 2006 aux Pays-Bas avec des ventes dépassant les 70.000 exemplaires. Il a été traduit avec succès dans de très nombreux pays depuis.
Jens Christian Grondahl, Les mains rouges (Du Monde entier, 3 septembre)
Traduit du danois par Alain Gnaedig
Nous sommes en 1977. Un jeune homme, occupant un job d'étudiant au guichet des renseignements de la gare centrale de Copenhague, croise le chemin d'une jeune femme de retour d'Allemagne. Il accepte de l'héberger quelques jours, avant de découvrir qu'elle lui a donné un faux nom - elle s'appelle Sonja, et non pas Randi. Puis, après la disparition de la jeune femme, il trouve un sac plastique rempli de billets de banque.
Quinze ans plus tard, il revoit Sonja dans la rue, la suit, puis prend contact avec elle. Sonja accepte alors de lui raconter son histoire. Issue d'un milieu modeste, elle part travailler comme jeune fille au pair à Francfort, en Allemagne. Elle y rencontre Thorwald, qui la fascine, et qui l'introduit dans un groupuscule d'extrême-gauche dirigée par une certaine Angela. Bien que dénuée de toute conscience politique, Sonja participe alors à quelques activités du groupe, sans véritablement réaliser ce qu'elle fait... Puis, rentrée au Danemark, elle cherche à oublier, se marie, et mène une vie bourgeoise. Mais lorsqu'elle apprend par les journaux que Thorwald et Angela ont été extradés de Syrie et qu'un procès aura lieu en Allemagne, elle ne peut plus éviter la question de sa propre responsabilité, voire de sa culpabilité.
Mains rouges confirme le grand talent de Jens Christian Gnandahl, passé maître dans l'évocation des existences au carrefour de la grande et de la petite histoire.
Jens Christian Grondahl est né à Copenhague en 1959. Il est aujourd'hui un auteur vedette dans son pays et ses livres sont traduits dans de nombreux pays. Les cinq romans publiés aux éditions Gallimard depuis 1999 lui ont valu un accueil critique enthousiaste et un lectorat de plus en plus large.
Jean-Michel Delacomptée, Langue morte. Bossuet (L'Un et l'Autre, 17 septembre)
On n'est pas obligé de partager sa foi, encore moins sa doctrine. Mais l'élévation de ses ouvrages, dès qu'on y pénètre, touche l'athée fatigué de la trivialité des temps. La voûte moderne est basse. Le règne des objets chasse l'esprit. L'ennui s'ensuit, on se divertit. Tout lasse.
Bossuet savait quel ennui nous appesantit, quand les jours s'étirent sans rien qui les révèle. Et moi qui ne crois pas au Ciel, qui m'incline devant les croyants mais qui me représente mal ce qu'on croit quant on croit, qui respire à le lire, j'en éprouve comme une gratitude.