Magazine Jeunesse
La nuit du visiteur
Benoît Jacques
Benoît Jacques - 10/09
108 pages - à partir de 3 ans - 17 euros
« C’est la fin de la journée,
l’heure où partout s’étend le crépuscule.
Dans la forêt Mère-Grand s’est enfermée
au fond de sa cabane minuscule.
Fatiguée, inquiète et solitaire,
Elle attend assise dans son lit
Le petit chaperon retardataire
Qui doit venir comme tous les vendredis.
Toc, toc, toc,
On frappe à la porte. »
Voici le début de ce remake du petit chaperon rouge.
Où classiquement le loup est d’abord passé chez la Mère-Grand pour la boulotter avant que n’arrive le dessert. Sauf que cette fois la mémé a décidé de ne pas se laisser faire, ou alors elle a Alzheimer. A chaque coup à la porte elle fait la sourde à la mémoire vacillante, et à chaque coup le loup change de prénom pour enfin trouver la clef d’entrée.
Et de plus en plus ce grand méchant s’énerve, s’époumone. Et le texte s’agrandit avec sa frustration. A la fin la mémé a même oublié la formule magique et baragouine des « Fais frire les croquettes et la raclette fondra ! » et des « Ote la chemisette et la salopette tombera ! ».
Le loup va aller en exploser de colère au fond de la forêt.
Sur ce arrive le petit chaperon rouge à qui la Mère-Grand rappelle qu’elle est moderne et qu’elle un système à clef tout bête, et que la clef est sous le paillasson…
Le plus étonnant dans tout ça c’est la tension dramatique instaurée par les échanges entre la Mère-Grand et le grand méchant loup qui se dévoile à la fin. Cette tension est aidée par les 3 couleurs utilisées : le noir, le blanc et bien sûr le rouge. Et aussi par les illustrations où le loup est représenté différemment selon les prénoms qu’il utilise qui vont de « Bruno qui en a plein le dos » à Barnabé qui se fait passer pour un livreur à domicile. Et comme indiquer sur la quatrième de couverture « il vous faudra des nerfs d’acier pour ne pas abandonner cette lecture éprouvante en cours de route et risquer ainsi de louper la clef de l’énigme ». Et cela fait très actuel, on imagine très bien une mamie de l’autre côté de son hygiaphone tentant de se débarrasser d’un importun malveillant. Un livre-objet superbe qui a gagné le prix baobab à Montreuil cette année, créé, conçu et découpé par Benoît Jacques dans son petit atelier.