Il s'est passé quelque chose d'incroyable dans les derniers jours de la campagne électorale. Nicolas Sarkozy s'exprimait devant les participants au 39ème Congrès de la Mutualité française, à Bordeaux. Et les annonces furent à la hauteur. Le président français a en effet expliqué qu'il souhaitait qu'on réfléchisse à transférer le financement des traitements des maladies longues aux mutuelles. Une vieille rengaine Depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy cherche à réduire le remboursement collectif des frais de santé. En janvier 2008, quatre nouvelles franchises médicales pénalisaient les patients, au motif qu'il fallait trouver quelques 650 millions d'euros pour financer la lutte contre la maladie d'Alzheimer. En avril 2008, Roselyne Bachelot provoqua une micro-tempête médiatique en suggérant qu'il faudrait transférer le remboursement des frais d'optique sur les mutuelles et autres assurances complémentaires. . En juin, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, rapidement approuvé par le ministre du Budget Eric Woerth, dévoilait une nouvelle idée: dérembourser de 65% certains médicaments pour les patients atteints d’affections de longue durée (ALD), actuellement pris en charge à 100% par la sécurité sociale. Devant le tollé général, le directeur retira sa proposition. Sarkozy et son gouvernement tentent de nous faire croire que ces "transferts" sont sans enjeu pour nos concitoyens. Eric Woerth a ainsi défendu que « les mutuelles prendraient le complément, donc le malade serait bien remboursé à 100% ». L'été dernier, le gouvernement a fait voter une taxe exceptionnelle sur le chiffre d'affaire des assurances et mutuelle de sant. Conséquence, ces dernières ont annoncé qu'elles augmenteraient leurs cotisations de3 à 4% en 2009... Le discours du 4 juin A Bordeaux jeudi dernier, Nicolas Sarkozy a été très explicite, en réclamant "un partenariat nouveau entre l'assurance-maladie et la Mutualité". "les régimes de base ne pourront pas tout financer". "Je souhaite que soient confiées de nouvelles responsabilités aux organismes complémentaires". Sarkozy demande d'aller vite: «Je souhaite, quand les contours du projet seront précisés, que des expérimentations soient lancées (…). Nous en évaluerons ensemble les résultats avant, peut-être, de généraliser.» Les mutuelles ne demandent que cela. Comme l'a rappelé le président de la Mutualité le même jour, elles souhaitent être davantage impliquées dans le contrôle des tarifs des soins : "Ce que l'assurance-maladie obligatoire n'arrive pas à faire, nous pouvons l'assumer." En juillet dernier, les mutuelles et complémentaires avaient déjà obtenu d'être associées aux négociations tarifaires sur l'optique et le dentaire, une maigre compensation à la taxe de un milliard d'euros dont elles furent frappées. Le débat est faussé Remplacer progressivement la Sécu par les mutuelles est une belle hypocrisie, un vraie injustice, voire une aberration. Cinq millions de Français n'ont pas de mutuelle. Comment feront ils ? De surcroît, la politique fiscale du gouvernement n'est pas fait pour arranger les comptes publics. Même si l'Etat rembourse à la Secu le manque à gagner de cotisations non perçues pour cause d'exonérations des heures supplémentaires, la facture est lourde. Plus de 650 millions d'euros par mois ! Ce transfert est économiquement aberrant. Comme le rappelait le blog Social & Societal il y a plusieurs mois déjà, les frais de gestion de ces organismes, à cause notamment de leurs dépenses marketing, sont 3 à 5 fois plus élevés que ceux de la Sécu. Enfin, les mutuelles sont des sociétés privées. Quand la plupart d'entre elles annoncent toutes des augmentations de leurs cotisations de 4 à 6% en 2008, que peuvent faire les cotisants ? Rien. Où sont la redistribution et l'équité ? Nulle part. Jeudi, Sarkozy bottait en touche en expliquant que ces organismes devraient "les règles de solidarité", sans plus de précision... Pour conclure, rappelons simplement