Analyse politique après les Européennes

Publié le 11 juin 2009 par Sof
Je m'étais essayé sur ce blog à une analyse du nouveau contexte politique issu des présidentielles de 2007. Au lendemain des élections Européennes qui ont vu une nouvelle étape dans l'effondrement du Parti socialiste en France et une "vague bleue" au Parlement européen (selon les grands médias...), nouvelle tentative d'analyse politique des résultats du vote et de ce qui pourrait advenir par la suite.
- Stagnation des équilibres au Parlement: constat du maintient des grands équilibres entre les partis européens, à l'exception près de l'apparition d'une troisième force (devant les libéraux et démocrates) de non inscrits rassemblant listes exotiques (parti pirate suédois) et euro-sceptiques. Quelle remarque à cela? D'abord que comme le fait remarquer Pierre Larrouturou, seuls 34% des gens ont voté, ce qui discrédite toute signification politique des résultats (ce que ne se gênent pourtant pas de faire tous les politologues). Et que mécaniquement (lorsque l'on connaît la démographie du vote en France) le vote des "anciens" et des classes relativement aisées a été sur-représenté... exactement comme lors des élections présidentielles où 20% des 18-24 ans s'étaient abstenus (contre 12% des plus de 50 ans)!1 Les "seniors" sont traditionnellement une population civique (qui vote) et ancrée à droite, lui apportant ainsi un socle garanti. Le socle de la gauche (jeunes et classes populaires), lui, ne vote plus ou se disperse entre différentes formations. Tant qu'une alliance entre gauche radicale (Parti de Gauche, PCF) et mouvements écologistes ne se fait pas, la droite restera mécaniquement majoritaire, quel que soit le ressenti des électeurs envers le pouvoirs.
- Catastrophe du traitement médiatique en France, où lors de la soirée électorale (uniquement sur France 3, France 2 et TF1 préférant traiter le sujet dans le journal pour passer ensuite la série du dimanche soir...) l'on put entendre un journaliste demander avec insistance à M. Cohn-Bendit ce qu'il comptait faire sur le plan national quand l'interrogé insistait pour parler d'Europe au soir d'une élection européenne... L'on s'est longtemps interrogé du soi-disant non-intérêt des électeurs pour ce scrutin. Il serait pourtant intéressant de regarder les statistiques de fréquentation des sites des partis engagés dans l'élection. Le référendum de 2004 a montré, justement, cet intérêt et une étonnante maturité européenne de l'électorat. Mais comment intéresser les gens lorsque des journalistes demandent de parler national lors d'une élection européenne (sans doute considéré comme plus "médiatiquement parlant") et que les candidats sont soit parachutés, soit incompétents, soit je-m'en-foutistes? L'attitude d'une Rachida Dati est symptomatique. En outre, pas un média (presse comme web) n'a annoncé les résultats sur l'ensemble de l'Union avant le lundi matin, alors que la France pèse moins de 10% des députés sur l'ensemble du Parlement! Un ras de marrée rose en France n'aurais eu aucune implication sur l'équilibre du Parlement de Strasbourg...

- L'effondrement du Modem
sur cette élection ne signifie rien sur le plan national (contrairement à la majorité des commentaires qui donnent M. Bayrou fini) étant donné la spécificité de l'élection. Le Modem reste un parti jeune, sa campagne s'est trompée de direction en ne parlant pas d'Europe et l'échec du parti centriste n'est pas plus significatif que les chiffres de la plupart des formations de gauche. SI l'on regarde les résultats post présidentielle (très conjoncturelle puisque portée sur un homme), le Modem a fait 3.7% aux municipales sur les villes de plus de 35.000 habitants et 7.61% aux législatives. Les 8.45% des Européennes ne semblent donc pas si catastrophiques avec un peu de recul. L'attaque de M. Bayrou sur les sondages aurait peut-être été plus pertinente quand à leur gonflement de son score...
La seule information (d'importance) est la perte de sang-froid du troisième homme de la présidentielle à la veille de l'élection. Entendre l'homme qui se proclamait l'incarnation d'une République digne qui ne tombe jamais dans les travers politiciens, se vautrer dans des accusations hasardeuses et nauséabondes (l'attaque contre les sondages et contre M. Cohn-Bendit) risque de porter un coup à son image, élément essentiel de sa conquête de 2012.

- Le parti de Gauche
fait plus de 5% (même s'il est allié avec les communistes) six mois après sa naissance. Il est étonnant de noter les commentaires plutôt positifs sur le parti de M. Dupont-Aignan quand au jeune age de sa formation, alors que le Front de gauche est donné comme perdant au regard du poids du non de gauche au référendum constitutionnel de 2004... En outre,  certaine incohérence pointent dans les commentaires: soit le PCF s'est fortement ressaisi depuis la dernière présidentielle (moins de 2%) et c'est très positif, soit le Parti de Gauche fait un score énorme à 5% alors qu'il vient de naître...

- Sur le déroulement de la campagne:
Europe-Ecologie est le seul parti a avoir présenté un véritable programme point par point, affichant une compétence technique sur l'Europe. Le seul également à avoir présenté des têtes médiatiques fortes, issues de la société civile. Les candidats ont évité toute tentative de débordement du sujet et les querelles (cf Cohn-Bendit/Bayrou). C'est plus la méthode qu'une réelle fureur écolo qui a probablement séduit les électeurs. Ainsi, M.Cohn-Bendit demandant à Mme Dati de débattre de justice avec Mme Joly (toutes deux magistrats, candidates sur la même circonscription) et se voyant retourner une fin de non recevoir...

- Ce qu'il peut advenir:

La question se pose de savoir si l'électeur français a enfin digéré les fortes mutations du paysage politique national depuis dix ans en comprenant enfin que chaque élection est devenue un enjeu unique découplé des autres scrutins? Il se pourrait que ce vote montre que oui. Il se pourrait que le vote continue à se porter sur le PS (ou la "gauche de la gauche") sur les prochains scrutins locaux et aux législatives et portent un homme seul, incarnation d'un projet de société plus que d'une ligne politique, sorte de président mode IV° République garant des institutions de la République. Dans ce cadre un Strauss-Kahn, un Bayrou, (voir même un Cohn-Bendit ou un Hulot...) pourraient tirer les marrons du feu.
Les possibilités de Nicolas Sarkozy sont faibles. Tous les analystes soulignent l'épuisement de sa "filière d'ouverture". Et aucune alliance n'est possible tant l'UMP est seule à droite. En politique l'on sait comme il est dangereux de connaître exactement ses capacités de voix sans réserve possible. C'est dans cette situation que se trouve l'UMP. Cela suffira tant que personne n'aura éclos en face. La France demande à être "prise" par une personnalité acceptable (que n'est pas Ségolène Royal, considérée aussi anxiogène que Nicolas Sarkozy)...
L'image du changement va-t'elle tenir encore 3 ans? Il y a un risque d'effondrement juste avant 2010 faute de possibilités de nouveauté. Sarkozy est victime de son système du changement permanent.
 Le salut du PS passe par une nouvelle modestie (entrouverte par Benoit Hamon le lendemain du scrutin) qui doit redevenir l'un des partis de la gauche (et non LA  gauche) et abandonner toute supériorité, en acceptant de constituer un programme sur la base du Parti de Gauche, du PCF et des écologistes avec répartition équitable des rôles (par exemple en cédant le poste de premier ministre).
- Le rôle de François Bayrou n'est pas terminé, s'il comprend qu'il doit réellement se poser au dessus des partis mais en prenant personnellement position et en annonçant sa volonté, non de construire une force politique, mais un entourage autour d'une figure paternelle apolitique travaillant avec un gouvernement issu de l'alliance PG-PS-Verts.
1 - Les cinq leçons des votes de 2007 (Alternatives economiques, juillet 2007)