Les Liz Dunn de ce monde ont tendance à se marier, puis vingt-trois mois après leur mariage et la naissance de leur premier enfant, elles optent pour une coupe de cheveux pratique et plus facile d'entretien qui leur dure toute la vie. Les Liz Dunn prennent des cours de pâtisserie et préféreraient mâchonner des ballons de foot que de priver leurs enfants de muesli. Elles possèdent un vibromasseur, et un fantasme mettant en scène un cow-boy pour accompagner son utilisation. Non, pas un cow-boy - plus un type qui construit des terrasses, d'onéreuses terrasses de designer avec spas multijets intégrés - des types qui consacreraient des heures, si nécessaire, à aider une Liz à trouver la bonne couleur de mastic pour la rénovation du carrelage de la chambre d'amis.
Je ne fais pas honneur à mon nom : je ne suis ni enjouée, ni femme d'intérieur. Je suis morne, maussade et sans amis. J'occupe mes journées à mener un combat permanent pour préserver ma dignité. La solitude est ma malédiction - la malédiction de notre espèce -, c'est l'arme qui tire les balles qui nous font danser sur le plancher d'un saloon et nous humilier devant des inconnus.
D'où vient la solitude ? Je hasarderais que le coup de dés auquel on peut assimiler la famille est loin d'être étranger à tout ça - père alcoolique ; mère agoraphobe ; enfant unique ; cadet ; aîné ; mère enquiquinante ; père qui triche au golf... Et vous, quel est votre héritage familial. Vous êtes là. En train de lire ces lignes. Coincidence ? Vous pensez peut-être que le destin c'est seulement pour les autres. Vous êtes peut-être gêné de lire un livre qui parle de solitude - quelqu'un va peut-être vous surprendre et découvrir alors votre honteux secret. Et d'ailleurs vous n'êtes peut-être même pas certain de savoir ce qu'est la solitude - c'est courant. On handicape nos enfants pour le restant de leurs jours en omettant de leur expliquer ce qu'est la solitude, avec toutes ses nuances, ses tonalités et ses incidences. Quand ça nous tombe sur le coin de l'oeil, généralement juste après avoir quitté le domicile familial, on est totalement pris au dépourvu. On n'a aucune idée de ce qui nous arrive. On croit qu'on est malade, schizoïde, bipolaire, monstrueux, avec en prime une carence en zinc. Il faut attendre d'avoir trente ans pour comprendre ce qui a pompé la joie de notre enfance, qui a transformé notre cerveau en une fournaise hurlante, alors même qu'en apparence on semblait aussi confiant et bronzé qu'un pilote de Qantas Airways. La solitude.
All the lonely people
Where do they all come from ?
All the lonely people
Where do they all belong ?
Célibataire de trente-six ans, Liz Dunn vit seule dans un appartement sans charme. Elle vient de se faire opérer des dents de sagesse et occupe sa semaine de convalescence à regarder des vidéos de films tristes. Sa famille s'inquiéte pour elle alors que Liz fait preuve d'un pragmatisme déconcertant. Elle n'a pas d'amis, et alors ? Ce n'est pas que ça la dérange, c'est plutôt le regard des autres, qui portent sur elle un gros point d'interrogation, qui la rend foncièrement sarcastique.
Jusqu'au jour où elle reçoit un appel téléphonique, Liz fait trois bonds en arrière, se rappelle son voyage scolaire en Europe, à Rome. Elle avait seize ans. Soudain, sa solitude chérie, dans laquelle elle apprécie tant s'envelopper, va être quelque peu bousculée.
S'annonce un roman atypique, à l'humour féroce, hanté par des figures grotesques, pathétiques, touchantes ou extravagantes. J'avoue avoir été souvent perplexe, puis intriguée par ce style. Ce n'est pas ce que je raffole le plus, mais de temps en temps c'est appréciable. Toutefois le roman est parfois déroutant, le cynisme de Liz fait l'effet d'une douche froide à plus d'une occasion, à petites doses ça me fait sourire, en 300 pages on peut friser l'overdose.
J'en suis sortie légèrement étourdie. Certaine d'avoir passé un agréable moment de lecture, et pourtant...
10 / 18 - 2009 - 300 pages - 7,90€
traduit de l'anglais par Christophe Grosdider