La cuvée 2009 des élections européennes aura été marquée par un renforcement parlementaire des différentes familles de l’extrême droite, même si ces formations ont connu des fortunes diverses en fonction des Etats et de leurs résultats électoraux précédents. Parmi les pays les plus touchés par le phénomène, le Royaume-Uni (inquiétante percée du British National Party, proche du néonazisme), la Flandre toujours (les régionalistes xénophobes captent près du quart des suffrages), la Hongrie (le mouvement Jobbik, violemment anti-rom, réalise une percée historique) et les Pays-Bas (la nouvelle droite populiste de Geert Wilders remporte la deuxième place). Au rayon bonnes nouvelles, la Pologne, où l’extrême droite disparaît totalement du paysage politique après son triomphe aux dernières élections européennes de 2004 (26,7% et 16 eurodéputés). Tour d’horizon de la nouvelle géographie électorale de l’extrême droite.
FRANCE
En France, l’extrême droite poursuit son reflux amorcé depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Le Front National (FN), avec 6,34% des suffrages et 3 sièges, perd 4 eurodéputés par rapport au précédent scrutin de 2004 (9,81%). Une myriade de groupuscules tous plus obscurs les uns que les autres ont émergé dans le sillage de ce reflux. De fait, l’histoire de l’extrême droite française est, depuis quelque temps, très compliquée à suivre dans l’espace périphérique du Front National ! Elle est faite de scissions, de revirements, d’exclusions, de démissions, de créations de structures qui n’ont d’autre objectif que de consacrer « président » leur fondateur. L’emprise de Marine Le Pen – héritière désignée du Chef – sur le parti interdisant à ces califes tout espoir d’en prendre un jour les rênes, ils préfèrent être les maîtres d’une coquille vide que les cadres besogneux d’un grand parti ! Ainsi Carl Lang, transfuge du FN, a créé le Parti de la France (PDF), allié à la Maison de la Vie et des Libertés (MVL) de Jean-Claude Martinez, lui-même
ROYAUME-UNI
Longtemps, le Royaume-Uni a fait figure d’exception dans une Europe gagnée par la prolifération de l’extrême droite, protégé par son système électoral (scrutin majoritaire à un tour) qui contribue à la marginalisation des petits partis, et donc à la groupuscularisation de l’extrême droite. Mais aujourd’hui, au Royaume-Uni, c’est le choc. Le British National Party (BNP), jusqu’alors confiné à la marge du jeu politique, réalise une percée inédite (6,02% des suffrages) et envoie 2 députés à Strasbourg. Le BNP, ce n’est pas le Front National, et encore moins le PVdV de Geert Wilders. Le BNP, dirigé par le sinistre Nick Griffin, est un parti ouvertement raciste, antisémite, lié par un partenariat stratégique et idéologique au NPD allemand néonazi. Parti d’extrême droite le plus virulent d’Europe, le BNP s’engage dans son programme à « enrayer le flux migratoire non-blanc et à restaurer la composition majoritairement blanche de la population britannique qui existait en Grande-Bretagne avant 1948 ». Sous le slogan « Rights for Whites », l’adhésion au parti est soumise à des critères raciaux (ne sont autorisés à devenir membres du parti que « les groupes ethniques britanniques et indigènes provenant de la classe de Caucasien indigène »). Son racialisme biologique le rattache à la famille de l’extrême droite néonazie, avec laquelle les convergences défraient régulièrement la chronique. En 2002, le chef des jeunesses nationalistes du BNP, Mark Collett, déclarait son admiration pour Adolf Hitler et sa haine des Juifs, « qui ne déposeront jamais leur couronne sur la tête du Royaume-Uni ». D’autres membres du parti, comme Scott McLean, sont régulièrement épinglés par les caméras cachées des journalistes à des meetings néonazis, faisant le salut hitlérien devant la croix celtique des suprématistes blancs, entonnant des chants parodiques sur Auschwitz ou embrassant la croix gammée. Aujourd’hui, le parti focalise surtout son discours sur « l’invasion islamique », et appelle à la chasse aux Musulmans. Prospérant dans les banlieues déshéritées ravagées par la misère sociale, les conflits communautaires, l’analphabétisme et le chômage endémique, le BNP avait déjà connu des succès limités géographiquement à la faveur des élections locales de mai 2006.
PAYS-BAS
Rien de tel aux Pays-Bas. Le PvdV de Geert Wilders appartient à une tout autre catégorie de partis d’extrême droite, qui ont réorganisé leur discours autour de problématiques contemporaines, et rompu tout lien avec les partis d’obédience fasciste ou néonazie. Porte-drapeau de la nouvelle droite néoconservatrice, populiste et identitaire (lire ICI notre dossier sur les différentes familles de l’extrême droite européenne), le PvdV a occupé l’espace du populisme néerlandais laissé vacant depuis la chute du parti de Pim Fortuyn en réalisant une percée spectaculaire, avec 17% et 4 sièges, se hissant à la seconde place de l’éventail politique du pays, juste derrière le parti chrétien-démocrate. Promoteur du petit clip de propagande anti-Islam « Fitna », qui ne s’embarrasse guère de nuances pour jouer sur la fibre émotionnelle et flatter les bas instincts populistes de ses compatriotes, Geert Wilders est devenu le symbole de la guerre de civilisation contre l’invasion islamique mais surtout contre les musulmans ! Le parfait petit idiot-utile des islamistes, en somme, avec lesquels il partage le même manichéisme simplificateur et la désignation de boucs émissaires sur lesquels repose la responsabilité d’une culture en décadence… Comme tout néoconservateur qui se respecte, il n’a rien compris (lire notre dossier : populisme et nouvelle droite aux Pays-Bas) !
BELGIQUE
Le pays connaît depuis une quinzaine d’années une crise d’identité exacerbée qui se conjugue à une crise politique latente, dont profite l’extrême droite à chaque scrutin. La problématique irrédentiste a pris des proportions considérables dans le royaume, à un niveau que n’atteint aucun autre État fédéral d’Europe (notamment l’Italie ou l’Espagne). La Flandre, plus riche que la Wallonie, est sensible depuis 1978 aux poussées sécessionnistes portées par le parti d’extrême droite Vlaams Belang (Intérêt Flamand). Fondé en 1978 par des dissidents radicaux de la Volksunie (le premier parti nationaliste important de l’après-guerre) sous le nom de Vlaams Blok, le parti a dû changer de nom le 14 novembre 2004 suite à sa condamnation pour « incitation permanente à la ségrégation et au racisme ». Formellement dirigé par Frank Vanhecke, président à vie du Vlaams Belang, le véritable leader du mouvement est Filip Dewinter, figure de proue du parti dans son bastion d’Anvers, issu du courant interne nationaliste-révolutionnaire. Farouchement xénophobe et sécessionniste, le parti connaît une progression constante qui plombe un peu plus chaque scrutin au fil des années. Filip Dewinter tente depuis un an d’organiser la nouvelle droite néoconservatrice et l’extrême droite autour d’une plateforme commune destinée à lutter contre l’islamisation des villes européennes et la construction de mosquées (avec Hans-Christian Strache, président du FPÖ autrichien ; l’avocat Markus Beisicht, du mouvement allemand Pro-Köln, Robert Spieler, de la Nouvelle Droite Populaire ; les Republikaner allemands, la Lega Nord de Padanie, le Dansk Folkeparti danois et le PvdV hollandais).
Excellente nouvelle de ces élections : le Vlaams Belang enregistre, pour la première fois depuis plus de quinze ans, un net reflux électoral. Avec 9,85% des suffrages sur l’ensemble du pays (15,88% en Flandre), contre 14,3% (23,16%) lors des dernières élections de 2004, le Vlaams Belang abandonne la place de seconde formation politique du royaume qu’il occupait depuis 1995 pour tomber à la quatrième place. Mais ce mauvais score apparent est en trompe l’œil. Le Vlaams Belang a en effet subi la concurrence électorale d’un petit parti nationaliste et populiste évoluant dans les mêmes eaux sécessionnistes : la Lijst Dedeker (LDD : 4,51% et 7,28% en Flandre).
BULGARIE
Ataka, dirigé par Volen Siderov (le « men in black » qui ne sourit jamais), a été fondé en 2005 ; jusqu’alors, la Bulgarie n’avait pas de parti d’extrême droite structuré. Sorti des limbes, le parti a instantanément obtenu 8,93% des voix et 13 députés aux législatives du 25 juin 2005, et connaît depuis une fuite en avant fulgurante et inquiétante dans les sondages. Violemment antisémite et extrémiste, Ataka est un véritable parti national-populiste, qui surprend dans le paysage politique relativement modéré de l’Europe balkanique post-communiste (hormis la Serbie). Lors des premières élections européennes du pays le 20 mai 2007, Ataka a remporté 14,22% ; le 7 juin dernier, il maintient peu ou prou ce résultat, avec 11,2% des suffrages et 2 sièges.
HONGRIE ET RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Relativement épargnés par le phénomène national-populiste jusqu’en 2006, les deux pays connaissent aujourd’hui un violent retour de flamme dans le sillage de la crise économique, avec la désignation de boucs émissaires sur lesquels se concentrent les attaques racistes : la communauté rom et tzigane. C’est en République tchèque que la campagne raciste a atteint son paroxysme, suscitant l’indignation générale,
Même exutoire à la crise en Hongrie. Les Roms sont les victimes expiatoires des ravages sociaux que connaît le pays. Le mouvement identitaire et raciste Jobbik, qui peinait alors à sortir d’un ghetto groupusculaire électoral, a bondi à 14,77% des suffrages et envoie 3 députés au Parlement européen. Un choc pour la classe politique du pays. L’ONU a tiré la sonnette d’alarme : les Tziganes, exterminés par les nazis, sont désormais en proie à une nouvelle vague de haine raciste qui a dépassé le stade des discours ; les Roms sont également pourchassés au Kosovo. Comme dans les années 30, les ravages sociaux induits par la crise économique trouvent un débouché naturel dans le repli identitaire et la criminalisation de minorités ethniques ou religieuses, sur lesquels reposent tous les maux, et accusées de menacer la pureté et l’identité de la nation.
SLOVAQUIE ET SLOVÉNIE
Le SNS (Slovenska Narodna Strana, Parti National Slovaque) de Jan Slota, parti d’extrême droite violemment xénophobe, anti-slovène et anti-tzigane, est devenu la troisième force du pays aux législatives du 17 juin 2006. Le SNS est passé de 3,3% en 2002 à 11,73%. Il participe depuis au gouvernement de la gauche populiste du parti SMER. À l’issue des élections européennes, il remporte 5,56% des suffrages et envoie un eurodéputé à Strasbourg. En Slovénie, le SNS (Parti National Slovène – Slovenska Nacionalna Stranka), dirigé par Zmago Jelinčič est un parti d’extrême droite xénophobe sur le modèle du SNS slovaque. Lors des élections législatives, il n’obtient toutefois pas le même succès que son voisin, et échoue à troubler le jeu politique national. Aux élections européennes, il n’obtient que 2,88% des voix.
ROUMANIE
Romania Mare (Partidul România Mare – Parti de la Grande Roumanie, PRM), dirigé par Corneliu Vadim Tudor, est un parti d’extrême droite mêlant ultranationalisme irrédentiste et nostalgies communistes de l’ère Ceaucescu. Antisémite, anti-hongrois et anti-tziganes, le parti a connu son apogée lors des élections législatives et présidentielles de 2000 qui l’ont propulsé à la deuxième place de l’échiquier politique roumain. Aux élections présidentielles du 16 novembre 2000, Corneliu Vadim Tudor s’est en effet hissé en deuxième position avec 28,7% des suffrages, se qualifiant ainsi pour le second tour où il a obtenu 33% des voix. Avec 8,68% des suffrages aux élections européennes, il envoie 3 eurodéputés à Strasbourg.
GRÈCE
Forte poussée du LAOS dans le pays, qui enregistre un score de 7,15% (contre 4,1% aux dernières européennes de 2004) et envoie 2 eurodéputés à Strasbourg. Formé en 2000, le Laikos Orthodoxos Synagermos (LAOS), Rassemblement populaire orthodoxe, est un parti d’extrême droite dirigé par Giorgos Karatzaferis, transfuge de Nouvelle Démocratie (ND), la grande formation de droite du pays. Violemment antisémite et nationaliste, il peut compter sur le soutien de l’Eglise Orthodoxe grecque, et entend accroître son influence en débauchant les tenants de l’aile nationaliste et populiste de Nouvelle Démocratie.
PAYS NORDIQUES
En Suède, le Sverigedemokraterna remporte 3,3% des suffrages, et n’obtient aucun élu. Au Danemark, le Dansk Folkeparti (DF – Parti du Peuple Danois) réalise une percée spectaculaire, passant de 6,8% en 2004 à 14,8% (2 sièges), à la quatrième place. Le DF fait partie de cette nouvelle droite proche du néoconservatisme, à l’image du PvdV de Geert Wilders, du Parti du Progrès norvégien, ou du FPÖ autrichien (lire notre dossier : l’extrême droite et la nouvelle droite nordique).
AUTRICHE ET ITALIE
En Autriche, l’extrême droite ne parvient pas à réitérer ses excellents résultats de la décennie 90, lorsque feu Jörg Haider représentait la figure la plus importante du national-populisme européen. Les deux partis de l’extrême droite (FPÖ et BZÖ) réalisent cependant une forte progression par rapport au scrutin de 2004 (6,3%), avec respectivement 13,1% (2 sièges) et 4,7%. Véritable star auprès des jeunes (50% des 16-18 ans ont voté pour le FPÖ…), Hans-Christian Strache cultive son image cool et fêtarde, comme son mentor décédé, pour faire oublier l’antisémitisme toujours présent dans le discours du parti, ses velléités antislovènes en Carinthie, et bien sûr son discours anti-musulman. L’extrême droite a subi, pour la deuxième fois, la concurrence d’un parti populiste de circonstance, antifiscaliste, qui ne se manifeste qu’à l’occasion des élections européennes : la Liste Hans-Peter Martin. Avec 17,9% des suffrages, elle a constitué la sensation de ces européennes, en se positionnant à la troisième place sur l’échiquier politique (la liste avait déjà remporté 14% des suffrages en 2004).
MALTE
Last but not least, impossible de faire l’impasse sur l’extrême droite maltaise, à laquelle nous avons déjà consacré un article (lire ICI). Le parti mystico-nazi Imperium Europa, dirigé par l’illuminé Norman Lowell, a triplé son score de 2004, avec 1,47% des suffrages. Mine de rien, à la faveur de ces élections, il devient la quatrième formation du pays…