Cinquante sept secondes. TOP. Le métro venait d'arriver à Denfert-Rochereau en cinquante sept secondes depuis la dernière station. Les gens autour de moi n'osaient pas tellement regarder dans ma direction. Ils jetaient des coups d'oeil discrets. Ils avaient tous les lèvres pincées et un petit air gêné et embarassé d'être ici, scrutant l'affiche qui montrait la ligne de métro, comme si leur unique but était de l'apprendre par coeur.
Une vieille dame était assise à coté de moi, un peu forte, elle portait une robe grise. Ses bras avait la taille de mes mollets. C'était elle qui provoquait la réaction de tout le wagon. Elle avait posé sur ses genoux un sac rempli de louches. Cette vieille femme était déjà là quand je suis montée dans le train. Depuis déjà pas mal de temps, elle s'amusait à les casser. Oui, elle essayait tant bien que mal à rompre les ustensiles de cuisine. Quand elle n'y parvenait pas, elle les tordaient dans tous les sens en grommelant "Satanés de bons à rien, je vais vous tordre le cou, moi, avec vos histoires!". Cette femme ne paraissait pas remarquer qu'autour d'elle, si les gens ne s'inquiétaient pas, ils riaient nerveusement dans leurs écharpes.
C'est à ce moment-là que je vis la pancarte indiquant MONTPARNASSE. Je me levai de mon strapontin. A regret, oui, car j'aurais aimé avoir la clef de ce mystère. Je suis sortie du métro, en me retournant une dernière fois, juste à temps pour voir la vieille dame, derrière la vitre quasiment opaque, pleurer.