Sarkozy, faux écolo, vrai communiquant
On peut reconnaître à Nicolas Sarkozy le sens des opportunités. En 2007, il s'était saisi du Pacte Ecologique de Nicolas Hulot, s'engageant sur la tenue d'un Grenelle de l'Environnement et une taxe carbone. Quelques mois après son élection, en octobre, ledit Grenelle rendait ses conclusions. Ce dernier pourrait être vu comme un progrès, la prise de conscience, même à droite, que la planète n'attend plus. Finalement, on comprend surtout que c'était un piège, une grande foire où les contraires s'annulent. Ceux qui ne veulent rien changer eurent autant de voix que ceux qui militent pour le contraire. Les déceptions furent ensuite nombreuses, et concernant jusqu'aux plus indulgents :
- Une grève de la faim pour faire craquer le gouvernement sur le moratoire d'un maïs transgénique,
- La liberté de produire OGM,
- La construction de 3 nouvelles autoroutes à la faveur du plan de relance (800 millions d'euros de travaux),
- Le rejet par l'Assemblée Nationale d'un projet de loi "tendant à réduire l’empreinte écologique de la France," présenté par Yves Cochet, Noël Mamère, Martine Billard, et François de Rugy, et déposé le 6 janvier 2009;
- Le rejet le 2 juin dernier, par l'Assemblée Nationale (à gauche comme à droite, hormis les 4 députés Verts), du projet de loi de "Transformation écologique de l'économie"
- Le compromis minimaliste sur l'engagement européen à l'horizon 2020: à peine 4% de réduction des émissions carbone sur son territoire (autrement dénommé "Paquet Energie Climat")
- La promotion de l'énergie nucléaire auprès de régimes dictatoriaux (Libye, l'Algérie, la Tunisie, l'Arabie Saoudite, Abou Dhabi, l'Egypte, en attendant l'Iran), et la création de France Nucléaire International, une agence pour promouvoir l'industrie nucléaire française. Il est vrai que même à gauche, certains présentent le nucléaire comme l'énergie d'avenir qui permettra au monde de maintenir son niveau de consommation sans retenue.
- La non-tenue des engagements du Grenelle en matière de transports;
- La construction d'un second EPR sous couvert du "Programme des Infrastructures Energétiques", au lieu de se concentrer sur les énergies renouvelables: « Alors que c'est au regard des besoins électriques que la PPI doit définir les investissements souhaitables, le gouvernement a totalement détourné le but de la PPI pour en faire un outil de programmation nucléaire. C'est scandaleux, on sacrifie à nouveau notre politique énergétique sur l'hôtel de l'atome ! » a critiqué Greenpeace France.
Sarkozy tactique
"L'UMP doit mobiliser nos amis, l'ouverture doit diviser nos adversaires." Ainsi se serait exprimé Nicolas Sarkozy lundi matin face à quelques proches de l'UMP. Effectivement, la stratégie est claire, et de bonne guerre. Mardi 9 juin, le président français parlait donc d'énergies renouvables, et il ne fut pas avare d'annonces:
- Principale annonce : "Là où on dépense un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies propres". Et d'ajouter que : "Nous allons prendre dans les énergies renouvelables un virage aussi important que le général de Gaulle pour le nucléaire dans les années 1960. Ce n'est pas l'un ou l'autre. C'est l'un et l'autre". La France dépense aujourd'hui quelques 5 milliards d'euros en investissement dans son industrie nucléaire, pour l'essentiel pour la construction de 2 EPR, et importe quelques 49 milliards d'euros par an en importation de pétrole, gaz et charbon.
- Second point, il "propose des Etats généraux de l'énergie renouvelable", un nouveau Grenelle où il faudra aussi parler de la pollution "esthétique": fidèle à sa "Grenelle-habitude", le monarque replace chaque argument face à son contraire, comme ici sur l'éolien.
- Côté étiquette, le président français a suggéré de renommer le CEA (commissariat à l'énergie atomique) et l'IFP (institut français du pétrole), car ils évoqueraient deux énergies réprouvées par les Verts. Une vraie révolution, n'est-ce-pas ?
- Sarkozy a promis de maintenir les tarifs d'achat aux producteurs d'énergie solaire et éolienne jusqu'en à 2012 à conditions que ces derniers crééent des emplois. Qu'importe si les industries polluantes en détruisent, pour cause de crise; il faut que les vertueuses en crééent. Double peine ?
- Sarkozy a encore défendu enfin sa TVA écolo, sa fameuse taxe carbone, imposée sans redistribution aucune (en fonction des revenus).
Promise dès 2007, on attend toujours la taxe carbone. Pendant la Présidence française de l'UE, Nicolas Sarkozy avait échoué à convaincre ses partenaires européens d'introduire cette taxe dans le Paquet Energie Climat. En Europe comme en France, le président français souhaite que la fiscalité écologique remplace, au moins partiellement, les impôts traditionnels. En d'autres termes, que la pollution, plutôt que le travail ou le patrimoine, soit désormais taxée. Un jeu à somme nulle qui ne redistribue rien, mais fait porter la charge fiscale sur de nouveaux enjeux... et sur tous les consommateurs quelque soient leurs revenus. Or, certains promoteurs de ladite taxe espéraient que ses revenus viendraient soulager les ménages les plus modestes, dans cet effort de contribution générale à la réduction de la pollution. Le 3 juin dernier, une table ronde sur les suites du Grenelle de l'Environnement se tenait au Sénat. Les socialistes ont ainsi rappelé l'idée d'une redistribution en faveur des ménages défavorisés et des entreprises qui n'auraient pas les moyens de s'adapter. On sait bien que les comportements pollueurs sont souvent globalement moins chers. La redistribution est donc tout aussi importante que la sanction de la pollution.
De beaux discours, rapidement vernis de vert.
A l'Elysée, on murmure qu'il prépare un "gros coup", sans doute à l'occasion du prochain remaniement ministériel.
Sans blague.&alt;=rss