(photo :Patrick Kovarik/AFP) "Je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier", a affirmé François Fillon vendredi. Que n'avait-il pas dit là ! Et chacun d'y aller de son petit commentaire. Pour les journalistes, c'est une façon de voler la vedette à N. Sarkozy et une opération de communication. Pour Fr. Hollande, c'est "surtout la faillite de la droite depuis 2002". Quant à Dominique de Villepin, il prétend avoir "laissé l'Etat dans une situation meilleure qu'aujourd'hui".
Bref, les réactions ne montrent qu'une chose, c'est que le problème du poids de la dette de la France (plus de 1200 milliards d'euros) semble n'intéresser personne. Les journalistes font du journalisme "people" et préfèrent s'intéresser à une prétendue lutte entre Fr. Fillon et N. Sarkozy pour occuper le devant des media (autrement dit les media se regardent le nombril) ; les politiques refusent de parler du fond et se refilent la patate chaude : la dette, c'est pas moi, c'est les autres.
Comme si le problème datait de 2002 ! Le budget était déjà déficitaire sous Mitterrand. Comme si le gouvernement précédent n'avait rien à voir avec la situation actuelle de la France ! La France fonctionne aujourd'hui avec le budget de D. de Villepin. Quant au paquet fiscal voté cet été (que d'aucuns appellent les cadeaux fiscaux), il n'est pas encore entré en application et ne peut donc être responsable de la dette. Et même si certaines mesures peuvent ponctuellement laisser dubitatif dans leur efficacité (je pense à la déduction fiscale des intérêts d'emprunt), globalement, des décisions telles que l'investissement dans la recherche, la détaxation des heures supplémentaires ont des chances, sur le long terme, de jouer en faveur de la santé de notre économie.
Finalement, seul Jean-claude Trichet, le président de la BCE, est allé dans le sens de Fr. Fillon, en affirmant sur Europe 1 : "Les finances publiques françaises sont en très grande difficulté, et c'est un fait que (...) que le premier ministre a eu raison de souligner." Mais il faut reconnaître que la phrase intervient sur un fond de polémique avec N.Sarkozy sur la baisse des taux, et que la remarque de J.-C. Trichet sonne surtout comme une petite pique à l'égard du Président de la République.
Techniquement affirme l'économiste Elie Cohen (voir le lien), la France n'est pas en faillite, puisque "les prêteurs se bousculent pour prêter de l'argent à la France". Cela se comprend facilement, puisque jusqu'ici la France a toujours honoré ses dettes. Sauf que ce n'est pas parce que le système d'endettement a globalement pu fonctionner jusqu'ici qu'il pourra continuer de le faire dans l'avenir. Ceux qui défendent le fonctionnement actuel diront que la France est encore loin de la situation des Etats-Unis, où la dette totale en 2005 atteint 400% du PIB. Mais justement, le système américain est en train de se fissurer et les Etats-Unis sont menacés à court ou moyen terme d'une crise économique sans précédent ; tous les économistes ou les hommes politiques lucides le savent (même s'il ne faut pas le dire trop fort, car il n'y aurait rien de plus dévastateur qu'une panique collective).
C'est la logique de l'endettement continuel pour gérer les dépenses de fonctionnement qu'il faut absolument remettre en cause (comme ont su le dire Fr. Bayrou et N. Sarkozy pendant la campagne), ce qui n'interdit pas des dépenses d'investissement destinées à ramener la croissance et à penser l'avenir de la France. Le gouvernement doit s'en tenir à cette idée, et Fr. Fillon a raison de la marteler.