Interview d’Yvan Taïeb du label Roy Music

Publié le 01 juin 2009 par Chroniquemusicale @chronikmusicale

“Tout se fait au coup de cœur.”

Roy Music est un label indépendant, qui produit des artistes de qualités (quelques-uns déjà chroniqués sur CM), et qui a monté un partenariat très novateur avec NoMajorMusik.

Yvan Taïeb, l’un des trois associés de Roy Music, a eu la gentillesse de nous recevoir pour nous détailler ces points.

(En fin d’interview, vous retrouverez l’ensemble des liens vers les artistes et références cités qui apparaissent en gras)

Chronique Musicale : Pouvez-vous nous présenter votre Label, sa structure, son histoire ?

Yvan Taïb : On est un label qui existe depuis 4 ans, ce qui est plutôt pas mal, à la vue de la situation actuelle. Il s’est monté en janvier 2005. Au départ nous sommes trois associés (Rodolphe Dardalhon, Olivier Chini et moi Yvan Taïeb). Nous sommes tous les trois des passionnés. Rodolphe et moi venons du management d’artistes. Olivier a un profil de producteur audiovisuel. Quand on a lancé le label, on n’avait pas vraiment de rôle prédéfini, avec chacun des sensibilités musicales et des capacités différentes selon les uns et les autres. C’est avec le temps finalement, que l’on a réussi à se mettre des postes précis.

Au début c’était un peu compliqué. Mais maintenant le fait d’être trois associés, ça permet de dégager une majorité, c’est assez pratique pour prendre des décisions. Avec le temps, on a réussi à trouver chacun son poste.

Olivier s’occupe de toute la partie « image » du label au sens large. Outre les pochettes d’albums, tout ce qui est visuels, flyers, affiches, il s’occupe aussi des clips. On a d’ailleurs monté une boîte de prod qui s’appelle 10h08. On commence à faire des clips pour d’autres maisons de disques, des documentaires, pas mal de choses audiovisuelles ciblées sur la musique.

Rodolphe s’occupe de tout ce qui est la gestion de la boite, des éditions et des activités annexes qu’on peut mettre en place. On a acheté notamment des locaux de répet’ à Pantin qui s’appellent Blue Roy, où l’on fait des résidences d’artistes.

Et moi, je m’occupe du volet artistique, d’internet, et je fais un peu office de chef de produit. En fait, des trois c’est moi qui suis le plus « label manager », on va dire. Je suis vraiment à 100% sur le label lui-même.

Quels sont les principaux artistes du label ?

On a commencé avec un artiste qui s’appelle Jérome Attal, qui était un artiste que manageait Rodolphe. On a produit 2 albums avec lui. Un live et un album. Ca a moyennement fonctionné, mais c’était un moyen de faire démarrer le label, d’apprendre à se connaître, de voir quels sont les rouages pour vendre des disques.

Après ça, il y a eu Mademoiselle K que je manageait. J’ai arrêté d’être son manager pour devenir son producteur et co-éditeur. On a trouvé une licence avec EMI. On se charge de faire tous les masters audio et vidéo, et EMI se charge des les promotionner et de les vendre. On est à plus de 100 000 albums vendus pour les deux albums, ce qui plutôt bien et est de loin notre meilleure vente.

Ensuite on a signé Jean Racine. Jean Racine, on pensait que ça allait cartonner, on était sûr de ça. Au moment où on a signé Jean Racine, toutes les majors se sont battues pour l’avoir. On avait des appels tous les jours « il faut signer avec nous, il faut signer avec nous… » Incroyable ! On ne savait plus comment faire. Finalement on a signé avec EMI.
On pensait tous que ça allait cartonner, vraiment. En fait, ça n’a pas marché, parce que ça n’est pas rentré en radio. Or c’est un projet très radio. Ce n’est pas un projet comme Mademoiselle K, où tout se fait dans la sueur et sur le terrain. Là, c’est ou tu passes en radio ou tu ne passes pas en radio et c’est mort ou presque.

On a continué notre petit bout de chemin, malgré tout, on n’allait pas s’arrêter en si bonne voie. On a signé le premier album d’Izabo, il y a 2 ans. On n’est pas producteur, on est en licence pour la France (nldr: car c’est un groupe de rock israélien). On n’en a pas tellement vendu, mais il a eu un très beau succès d’estime. On a fait Taratata notamment. Ils étaient « Révélation des Trans Musicales ». C’était plutôt pas mal. Pour moi Izabo, c’est le meilleur groupe que je n’ai jamais signé et que je ne signerai jamais. Ils sont pour moi très très au dessus du lot. Mais le monde ne l’a pas encore compris ! Je pense que le groupe à la grandeur et la valeur d’un Red Hot Chili Pepper, dans le sens très original avec des supers compos.
Peut-être un peu moins de tubes par rapport aux Red Hot, mais aussi fort, et sur scène c’est juste une machine de guerre. Ils peuvent faire le stade de France demain, ils seraient tout, sauf ridicules, tellement ça joue. C’est d’ailleurs presque plus un groupe de stade que de petites salles, tellement ça joue bien.

Jil is Lucky qui est sorti il y a un mois. Ca commence à marcher. On a eu un bon buzz en tout cas, une bonne visibilité. Maintenant ça chante en anglais, et on est en France. C’est très dur de se battre avec des groupes qui chantent en anglais en France. Ca va se faire sur la longueur à mon avis. D’abord parce qu’ils sont très bons sur scène, c’est super festif, et tu prends beaucoup de plaisir à les voir, que lui est très drôle et ils font de la très bonne musique. Je pense donc, qu’on va arriver sur la longueur à faire en sorte que ça fonctionne et que ça fasse parler d’eux.
Pour l’instant on manque un peu de radio. On est en playlist de France Inter et FIP. Sélection FIP, ça c’est plutôt classe.  C’est bien, mais pour vendre il faut passer sur Virgin ou sur des radios plus commerciales. Ce n’est pas encore le cas : Ils adorent le titre, mais ils ne le rentrent toujours pas pour des raisons que j’ignore… va comprendre !

Tout se fait au coup de cœur ou il y a une cohérence dans tout ça ?

Non, tout se fait au coup de cœur. Sur le label, il n’y a pas de cohérence musicale. Je sais que, en gros, n’importe qui peut ramener un projet au label.

Moi j’ai le droit de veto pour dire oui ou non (ce qui m’arrange d’ailleurs). Parce que je suis celui qui bosse le plus sur un artiste. Donc si je ne bosse pas sur un artiste, eh bien le truc ne se fera pas. J’aime la musique et je serais un peu dégoûté de sortir un truc qui ne m’intéresse pas du tout.
Parfois, je me dis « j’ai mes coups de cœur auxquels contre vents et marées j’irai » et quelque fois, je suis un peu plus pragmatique, en me disant « bon, maintenant il faut que ça tourne, on est quand même 5 salariés, il faut que l’argent rentre tous les mois ». Ce n’est pas si simple.

Là, par exemple on sort un groupe qui n’est pas spécialement musicalement notre truc mais qui sur scène est super bien, c’est Odelaf et Monsieur D. Sur scène ça déchire tout, mais là on va être un petit peu opportuniste sur le coup. On les a rencontrés. Le chanteur/ auteur/ compositeur nous a fait écouter des titres qu’il a composé, pour un album solo dans 1 an. C’est ça qui nous a intéressé. Il nous a dit « Entre temps, j’ai un groupe qui cartonne, qui remplit toutes les salles, et qui fait l’Olympia début 2010. On a pas de maison de disques ». Alors on s’est dit, il y a peut-être une opportunité quand même financière, juste. Il n’y a pas à avoir honte, car c’est quand même bien rigolo. Après, je ne vais pas délirer sur Odelaf et Monsieur D. Ca n’a pas l’originalité musicalement des autres artistes –et ce n’est pas leur but-, mais sur scène c’est excellent et je pense qu’il y a moyen d’en vendre un petit peu.

Comment trouvez-vous les artistes ? Est-ce eux qui vous contactent ?

Oui, principalement. Après il peut arriver qu’il y ait du bouche-à-oreille, l’ami d’un ami qui me dit « tiens va écouter ça ».

En plus de notre activité de label, on fait la programmation de deux soirées parisiennes qui sont « We are the lions » et  les « Cute as a cat ». « We are the Lions » une soirée plutôt rock  au Glaz’Art ( Soirée anciennement à la Flèche). « Cute as a cat » une soirée plutôt pop qui est au Réservoir.

Grâce à ces soirées, ça me permet d’être en amont, d’avoir plein de demandes. J’écoute entre 15 et 20 groupes tous les jours, sur les divers MySpace, suite à des demandes de groupe. J’essaie de répondre à tous d’ailleurs. En général je le fais.
Bizarrement je réponds à tous les mails avec un lien myspace alors que lorsqu’on m’envoie des CD physique, je l’écoute mais je ne prends pas le temps de recopier le mail et d’envoyer un petit mot…
C’est comme ça que je découvre des groupes, pour mon label. On fait 1 à 2 signatures par an, c’est donc assez rare,
Pour les soirées, là c’est plus facile parce qu’il y a 8 groupes par mois entre les 2 soirées.

Quel rôle joue internet chez Roy Music ?

Internet c’est bien pour se promotionner. Maintenant…je commence un peu à déchanter par rapport à ça. Ca fait 10 ans que je « spamme » honteusement … j’ai 200 000 mails. Mais j’essaye d’être consciencieux et de proposer un lien de désinscription immédiat si je saoule trop les gens.

Je fais un envoi hebdomadaire sur nos soirées, nos artistes. Il y a 5-6 ans j’avais 50 000 mails, et c’était beaucoup plus efficace qu’aujourd’hui. J’en déduis que les gens reçoivent trop de spams, trop de publicités. Sortir du lot via des Newsletters ça me paraît très compliqué.
Néanmoins, je sais qu’avec ces 200 000 mails, quand on s’occupe d’un artiste, il hallucine, parce qu’une fois qu’on a communiqué sur lui, quand il va n’importe où, tout le monde le connaît.
Je le vois quand je vais dans n’importe quelle soirée, il y a toujours une deux trois personnes qui reçoivent mes Newsletters. C’est un truc assez rigolo. Tout le monde me connaît alors que je ne connais personne !

Myspace, évidemment, on s’en sert, on l’utilise. On a pas mal de relations avec Dailymotion pour avoir des mises en avant. Même chose pour Deezer. Généralement ils aiment beaucoup nos artistes donc ils les mettent quasiment tous en avant. Ca c’est plutôt cool, mais ça ne fait pas vendre. Internet, c’est bien pour le buzz. Là, on a fait un widget, tu peux aller le voir sur le MySpace de Jil Is Lucky. Le but c’est qu’il tourne à droite à gauche.

On va monter aussi une boutique en ligne. Une boutique Roy Music, où on va vendre tous nos artistes exceptés ceux qu’on a en licence, car nous n’avons pas le choix (Mademoiselle K est en licence avec EMI. Je vais voir s’il y a un moyen de trouver un arrangement, mais ça me paraît difficile). On va vendre tous nos artistes, l’album CD à 10 euros par la poste ou l’album en MP3 ou WAV (si les gens préfèrent graver un CD, plutôt qu’une merde de MP3, il faut dire les choses comme elles sont) à 7 euros au lieu de 10 euros dans toutes les autres plates-formes. Parce qu’on a moins d’intermédiaires, pour nous ça revient financièrement au même.

Ce qui est géant avec internet, c’est ce qu’on a fait avec NoMajorMusik. On est le premier label au monde à le faire. A ma connaissance, il n’y en a pas d’autre pour le moment. Je pense qu’on va être suivi, sinon les mecs seraient vraiment très cons. Parce qu’on ne vend plus de disques, il faut donc bien trouver d’autres moyens.
L’idée, c’est le système participatif habituel sauf que nous on propose des artistes qui sont déjà produits, les nôtres.
Nous disons aux gens « Ne soyez pas producteurs, Roy Music l’est déjà (parce qu’en fait c’est n’importe quoi, les gens ne sont jamais producteurs en fait sur ce genre de plateformes, producteur est un métier avec des obligations tant légales que pratiques que les internautes ne peuvent tenir), mais aidez nous au développement commercial et au développement de nos groupes. Vous pouvez toucher de l’argent, autant que sur les autres sites, pas moins, pas plus. »
Sur NoMajorMusik, on propose aux gens de participer et d’être payés si ça marche. Maintenant c’est dur de vendre des disques. Quand les gens misent, ils prennent des risques. On essaie de compenser le risque pris par des goodies qu’on offre aux gens.
Je suis moyennent fier de moi en ce moment car je manque de temps pour bien le faire. On a pris un stagiaire pour ça justement. L’idée c’est de faire une sorte de fan club. Les gens misent. Si ça marche, eh bien tant mieux ils gagnent de l’argent. Si ça ne marche pas ils ne gagnent pas d’argent, mais au moins ils ont des MP3 gratos, ils pourront rencontrer l’artiste, aller à des concerts privés, qu’on aimerait organiser, ce genre de choses.

Pour conclure quelles sont vos prochaines sorties ?

On a 4 sorties à venir, par ordre d’arrivée :

7 Questions, un groupe de pop rock en anglais, très bien, groupe parisien qui sort fin août.

En octobre on a Quaisoir, qui est de la chanson rock, un peu à la Dominique A, pour le dire vite. Grosse qualité d’écriture.

Après on sort un truc qui s’appelle Boulbar. Je suis très très fier de ce truc. C’est un concept album, sur un boxeur inventé aux Etats-Unis dans les années 60. C’est un peu grandeur et déchéance de ce boxeur. C’est toute une histoire, extrêmement belle et très bien écrite. Un peu dans l’esprit à la Melody Nelson, pour situer. Au début on peut se dire « encore du sous-Gainsbourg », mais en fait non, c’est très fort. J’ai très bon espoir là-dessus. C’est très sombre, il y a zéro single, ça va être dur à vendre, mais je pense qu’on est vraiment pas à l’abri d’un succès, parce que c’est très original. En plus on va faire un CD-BD avec un super dessinateur. C’est un beau projet ça aussi.

Et puis on sort, normalement en début d’année prochaine, Rachel des Bois qui était avant chez Universal.

Synthèses des liens évoqués dans l’interview (par ordre d’apparition) :

Roy Music : www.roymusic.com

NoMajorMusik : www.nomajormusik.com

Studios Blue Roy : www.myspace.com/studiosblueroy

Jérome Attal : www.myspace.com/jeromeattal

Mademoiselle K : www.myspace.com/01mademoisellek

Jean Racine : www.myspace.com/jeanracine

Izabo : www.myspace.com/izaboband

Jil Is Lucky : www.myspace.com/jilislucky

Odelaf et Monsieur D : www.myspace.com/oldelafmonsieurd

We are the Lions : www.wearethelions.com

Cute As a Cat : www.cuteasacat.com

Roy Music sur Dailymotion : www.dailymotion.com/roymusic

7 Questions : www.myspace.com/7questions

Quaisoir  : www.myspace.com/quaisoir2

Boulbar : www.myspace.com/boulbar

Rachel des Bois : www.myspace.com/racheldesbois