Cela se confirme à chaque sortie, ou presque, du Premier ministre : il est difficile d'exister dans l'ombre d'un président de la République omniprésent. Et ce n'est pas dernière provocation de François Fillon, qui a déclaré être à "la tête d'un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier, qui est depuis 15 ans en déficit chronique", qui va rendre plus aisée sa tâche.
Bien entendu avec une dette publique de plus de 1 000 milliards d'euros, la situation économique de la France, qui n'a pas voté le moindre budget en équilibre depuis près de trois décennies, est très mauvaise. En dépit de la volonté de Nicolas Sarkozy de dépénaliser le droit des affaires, une entreprise gérée comme la France aurait depuis un bail mis la clé sous la porte et ses dirigeants auraient sans nul doute gagné un abonnement au pôle financier du parquet de Paris puis une interdiction de gérance, voire un séjour au quartier VIP de la Santé. Mais venant de quelqu'un dont le premier geste en arrivant à Matignon a été de creuser le déficit de 15 milliards d'euros par des cadeaux fiscaux, un tel constat serait risible si la situation n'était pas aussi grave. Bref, cela revient à essayer d'éteindre un feu en jetant de l'alcool dessus… quand on utilise une technique aussi absurde, il faut faire attention aux retour de flammes au risque de finir carbonisé !!!
Sans surprise, les premiers à avoir répliqué aux propos de François Fillon sont ses prédécesseurs, qui se sont sans doute sentis concernés voire accusés, à l'exception de Jean-Pierre Raffarin qui souffrant de sarkozysme maladif s'impose un devoir de réserve. Ainsi Lionel Jospin, oubliant pour un temps Ségolène Royale, rappelle que c'est la droite qui a fait "exploser la dette" depuis 2002. Dominique de Villepin, qui semble avoir pris la tête de l'opposition à Nicolas Sarkozy depuis quelques semaines, affirme "avoir laissé l'Etat dans une situation meilleure qu'aujourd'hui"…
François Goulard, pourtant député UMP, en remet une couche en relevant au passage un pêché d'orgueil du Premier ministre: "M. Fillon a commis deux erreurs. C'est totalement excessif de dire que la France est en faillite et il se trompe en pensant qu'il est à la tête de l'Etat"… Mais la critique sans doute la plus dure et la plus sensée, est l'œuvre de François Bayrou pour qui la sortie du Premier ministre est "d'une certaine manière une terrible autocritique", avant d'ajouter que "tout ceci prélude à des décisions qui seront lourdes de conséquences. Au lieu d'avoir fait une politique sérieuse tout de suite, on a fait une politique laxiste et injuste. Ça fait plaisir quelques jours, quelques semaines et puis après, la réalité rattrape la fiction"…
Et c'est peu de dire que la défense de François Fillon, qui très courageusement est revenu sur ses propos en les qualifiant d' "image" à destination des paysans (lesquels apprécieront sans doute que le Premier ministre daigne s'abaisser à leur niveau en leur parlant par "image"…), est peu convaincante.