Ce n’est pas parce que Lee Fields a participé à l’enregistrement de plusieurs titres du gentil DJ de variété Martin Solveig que nous devons déconsidérer le travail de cet incroyable chanteur, dont la carrière débuta en 1969. Ce natif de Caroline du Nord, souvent désigné comme le James Brown underground, n’a jamais eu la chance d’être signé par Motown ou Stax et d’atteindre le niveau de reconnaissance d’un Al Green ou d’un Donny Hathaway. Et même si ses 45 tours de l’époque sont aujourd’hui très recherché par les collectionneurs, il lui faudra attendre les années 1990 et le revival soul pour revenir sur le devant de la scène, après une longue traversée du désert, grâce à certains des labels soul/funk new yorkais les plus intéressants, comme Truth & Soul, propriété de Jeff Silverman et Leon Michels, qui publie ce nouvel album.
Sans vouloir donner dans la surenchère, My World est tout simplement le meilleur album soul entendu depuis des années. The Expressions forment un backing-band idéal, composé de musiciens pour le moins chevronnés, collaborateurs, entre autres, de TV On The Radio, Sharon Jones, Amy Winehouse ou The Dap Kings. Très influencé par la scène de Philadelphie, leur son contient d’égales doses de soul orchestrale à la MFSB, de choeurs chatoyants à la Delfonics ou Stylistics, mais aussi d’éléments plus actuels, notamment des rythmiques proches du hip-hop. Pas étonnant quand on sait que le producteur de l’album, Leon Michels, a récemment commis un disque de reprises du premier album du Wu Tang Clan (Enter The 37th Chamber, par El Michels Affair... chaudement recommandé). My World n’est donc pas seulement un album adressé aux nostalgiques du son des 60s et 70s : il a également le potentiel pour séduire les fans de nu-soul façon Raphael Saadiq ou D’Angelo.
Cette mixture entre le vieux et le nouveau son soul est particulièrement palpable sur le morceau-titre, au beat sec et lourd assorti de cordes et de vibraphone - la version digitale propose justement un remix sur lequel le rappeur californien Aloe Blacc vient poser son flow. Il est par ailleurs assez difficile d’isoler un morceau des autres : ils sont tous excellents ! Comme sur les meilleurs disques de James brown, Lee Fields enchaîne ballades enivrantes et brûlots funky, romance et dénonciation sociale. La voix et même le physique du chanteur ressemblent à tel point à ceux du Godfather Of Soul que l’on est parfois amené à croire que celui-ci n’est pas mort, ayant juste changé d’identité pour plus de tranquillité. Même timbre éraillé, même puissance vocale, ou presque : la comparaison est inévitable, mais pas dommageable au vétéran, qui reprend régulièrement “Get On The Good Foot” ou “It’s A Man’s World” sur scène (voir vidéo).
De l’irrésistible riff acoustique de “Ladies” aux violons tragiques de “Money I$ A King”, tout est ici semblable à du miel - que dis-je ? - à de l’ambroisie. La reprise de “My World Is Empty Without You” des Supremes, hit Motown composé par la dream team Holland-Dozier-Holland, est ahurissante de fraîcheur et de douceur, avec sa guitare teintée de bossa-nova et la voix brûlante et désespérée de Lee. Les plages instrumentales, orientées deep-funk, sont tout aussi exaltantes - avec une mention spéciale au trompettiste pour son solo sur “Expressions Theme”. Mais pourquoi s’essouffler à vous décrire chaque titre ? My World est un disque fantastique, à acheter les yeux fermés.
En bref : Lee Fields n'est pas qu’un ersatz de James Brown, comme le prouve ce bijou de soul vintage mâtiné d’une légère touche de hip-hop. Impérial.
Lee Fields - Do You Love Me (Like You Say You Do).mp3
Lee Fields - My World.mp3
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Le Myspace de Lee Fields
Le site et le Myspace de Truth & Soul Records
Les répétitions de “Ladies”
Un bout de “It’s A Man’s World” par Lee Fields