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Marguerite Yourcenar : Croquis et griffonnisPar Sue Lonoff de Cuevas, « Le promeneur », Gallimard, novembre 2008, 182 pages
Traduit de l’américain par Florence Gumpel
« C’est moi-même que je refais en refaisant mes livres » écrivait Marguerite Yourcenar qui avait la passion de la révision.
C’est le deuxième livre que je lis de cette intéressante collection « Le Promeneur » chez Gallimard. Il s’agit d’un recueil de croquis et de dessins entrecoupés de leurs analyses par une universitaire américaine.
Toute sa vie Marguerite Yourcenar a griffonné et dessiné dans les marges de ses manuscrits mais aussi sur ses propres livres et sur les livres des autres même ceux empruntés aux amis ou aux bibliothèques. En lisant, en écrivant, elle dessinait ; ce n’était pas un peintre et ses croquis sont maladroits mais toujours révélateurs de ses préoccupations concernant ses textes les plus hermétiques. Ils éclairent ses projets et la révèlent aussi, plus brouillonne et plus fantaisiste que ne le laissent supposer le sérieux et la profondeur de ses livres majeurs que sont « les Mémoires d’Hadrien » ou « L’œuvre au noir » .
Marguerite Yourcenar travaillait beaucoup ses textes, ne cessant d’améliorer ses mots et ses phrases, les raturant sans cesse. Au contraire, ses dessins sont spontanés, non travaillés. Ils l’aidaient à visualiser ses idées. Ses dessins favoris étaient les divinités grecques, les mains, les bateaux, les animaux, dont Kou Kou Haï , son pékinois chéri.
Quant au poème de Verlaine : « Pierrot », de "Jadis et naguère", il lui a inspiré 5 dessins de « Pierrot pendu », suspendu au gibet au-dessus d’un tas de livres écroulés et ce thème, elle l’ a repris plusieurs fois au cours de sa vie, comme un leit-motiv, le griffonnant sur le papier des hôtels où elle passait. Un rêveur qui meurt sur des livres qui s’écroulent ! Vanitas vanitatis.
Ces dessins sont de deux sortes , ceux extérieurs à la fiction qui réfléchissent sur l’acte de création et ceux qui participent à l’univers du récit et l’illustrent. Parfois il ne s’agit que d’un simple griffonnage, sans vraie raison. Proust et Cocteau aussi eurent cette habitude.
C’est en quelque sorte un journal graphique que ce livre. On le feuillette plus qu’on ne le lit. C’est une curiosité pour ceux qui aiment Marguerite Yourcenar. Il nous la rend plus familière. On a ainsi l’impression de mieux la connaître.