La fine fleur de l'anthropologie londonienne se réunit un soir pour accueillir en grande pompe une invitée d'honneur, la récente veuve d'un homme très riche qui a promis à l'un des doyens de fonder une nouvelle bibliothèque ainsi qu'un centre de recherches et de doter un certain nombre d'étudiants de bourses d'études. L'avenir de presque toutes les personnes présentes ce soir-là dépend de cet argent inespéré. Comme toujours dans ce genre de cocktails, des groupes se forment selon les affinités, des amitiés se créent et des idylles naissent. L'ambition, la richesse, la séduction rejouent la foire aux vanités. Le reste du roman consistera à résoudre les problèmes et les conflits évoqués durant cette soirée très riche en mini événements.
La petite veuve à l'argent généreux tiendra-t-elle ses promesses? Le coup de foudre d'une étudiante pour le bel anthropologue entre deux missions détruira-t-il la liaison solide de celui-ci avec l'héroïne du roman, Catherine Oliphant, un des rares personnages n'appartenant pas à la sphère des scientifiques, par conséquent la meilleure observatrice possible de tout ce petit monde si centré sur lui-même et si vite aveuglé et manipulé.
Ces scientifiques s'en vont tous très loin en mission pour observer le comportement humain de tribus oubliées, mais la romancière , elle, s'en donne à coeur joie à croquer les ridicules de ses compatriotes. A la fin du récit, son héroïne remarque "combien il était préférable parfois d'observer la vie confortablement en spectateur, simplement du haut de sa fenêtre."
Tout est délicieux dans ce roman, écrit d'une plume vive et acérée. C'est plein d'humour, de moqueries respectables, de dignités détruites, de scandales vite modérés, d'égoïsmes et de férocités ambitieuses. On y retrouve bien sûr tout ce qu'on aime dans les romans anglais traditionnels, de Jane Austen à Agatha Christie: le thé, les vieilles demoiselles cancanières, les pasteurs et leurs femmes,les étudiants arrivistes mais fauchés, les jeunes filles opportunistes ou très naïves.
Pour faire le résumé, j'ai dû relire plusieurs passages et tout le premier chapitre où apparaissent tous les personnages , d'un seul coup, ce qui est un peu déroutant de prime abord. Cette relecture m'a permis de savourer encore davantage le talent de Barbara Pym. Certains détails ne m'avaient pas frappée tout de suite et ici la relecture est un vrai plaisir!
L'explication du titre est donnée en exergue: 4 vers de Alexander Pope
"Que veulent les hommes qui tantôt dans les airs s'élèvent, Et moins que les anges veulent être davantage, Qui tantôt baissent les yeux et se lamentent, Pleurant la force du taureau, de l'ours le pelage."
Deux portraits parmi tant d'autres:
L'héroïne: "Catherine était petite, menue et se considérait non sans une certaine complaisance comme une nouvelle Jane Eyre ou une enfant de l'époque victorienne dont on aurait coupé les cheveux à la suite d'une scarlatine, (...) apparemment taillés aux ciseaux à ongles."
La veuve, future bienfaitrice: "Mrs Foresight, une petite blonde replète toute vêtue de bleu layette, pénétra dans la salle en clignant des yeux à la vue de la foule."
Sans les blogs de Keisha, Manu et Lou, je n'aurais jamais entendu parler de Barbara Pym, cette romancière anglaise décédée en 1980, à 67 ans. On la connaît si peu en France que ses livres sont devenus rares. C'est donc à la bibliothèque que j'ai choisi "Moins que les anges" paru chez Bourgois en 1992
C'est le deuxième roman anglais que je lis en moins de 15 jours et je suis prête à poursuivre sur ma lancée. Pas de lassitude, au contraire!
Barbara Pym: Moins que les angesChristian Bourgois éditeur (305 pages), traduit de l'anglais par Sabine PorteDocument de couverture: Nature morte aux jonquilles par John Singer Sargent