La défaite du Hezbollah ne règle rien. Son désarmement demeure une question sensible.
A Washington et dans les chancelleries occidentales, on attendait le verdict des élections législatives libanaises avec impatience. Dimanche, la victoire de la pro-occidentale «Alliance du
14 mars» (2005), baptisée ainsi au lendemain de l’assassinat du premier ministre libanais Rafic Hariri, les rassure. La coalition anti-syrienne emmenée par Saad Hariri, fils du premier
ministre Rafic assassiné en février 2005, a obtenu 71 des 128 sièges du parlement. Le Hezbollah, parti chiite soutenu par la Syrie et l’Iran, associé à un autre mouvement chiite, Amal, et au
chrétien Courant patriotique libre du général Michel Aoun, n’a glané que 57 sièges.
Scénario à la palestinienne
Pourtant très ancré dans la société libanaise, «le Hezbollah reste fort dans son terrain de prédilection, mais il n’a pas réussi à progresser. Surtout, son allié, le chrétien Michel Aoun, qui a certes remporté une victoire symbolique dans le fief du patriarcat maronite, n’a pas apporté le soutien espéré avec son Courant patriotique libre», analyse Karam Karam, politologue et chercheur au Lebanese Center for Policy Studies. Un scénario de type Hamas ne s’est donc pas concrétisé. Les Occidentaux craignaient que le Parti de Dieu de Hassan Nasrallah ne sorte vainqueur de ce scrutin. Dans un tel cas de figure, ils auraient été tentés d’appliquer la même stratégie que celle visant le Hamas, boycotté par les Etats-Unis et l’Europe malgré sa victoire aux élections palestiniennes de janvier 2006.
Voici quelques jours, le commandant en chef américain David Petraeus déclarait au quotidien Al-Hayat que le Hezbollah était toujours considéré par l’administration du président Barack Obama comme une organisation terroriste et qu’il «n’avait pas contribué à la stabilité du Liban». Le vice-président américain Joe Biden avait aussi menacé, lors de sa visite au Pays du Cèdre, que son pays était prêt à couper l’aide au Liban en cas de victoire du parti chiite.
Les élections de dimanche ont connu une participation considérable traduisant la vivacité de la démocratie libanaise: 54% des Libanais se sont rendus aux urnes. Saad Hariri ne s’est pas privé de
le souligner: «C’est un grand jour pour l’histoire du Liban démocratique.» Le leader du Courant du futur pourrait devenir le futur chef du gouvernement, réservé, en fonction des accords de Taëf,
aux sunnites alors que la présidence du parlement est destinée aux chiites et la présidence de la République aux chrétiens.
En dépit de résultats qui paraissent clairs, rien n’est toutefois joué. La constitution d’un gouvernement restera un exercice très délicat. Le Hezbollah et le mouvement de Michel Aoun appellent déjà à un gouvernement d’union nationale. Une revendication qui rappelle le dangereux blocage institutionnel qui avait miné le pays à la fin de 2006. «Tout dépendra de l’interprétation qu’auront les partis de la Constitution», relève Karam Karam. Le passé a montré qu’à cet égard, la marge d’interprétation peut être relativement extensible. Le risque n’est pas négligeable qu’on retombe dans un face-à-face paralysant entre le camp du «14 mars» et celui du «8 mars», d’autant que les affrontements intercommunautaires du printemps 2008 sont encore dans toutes les mémoires.
L’un des enjeux considérables que devra relever le nouveau parlement aura sans doute trait à la question du désarmement du Hezbollah. Le Parti de Dieu détiendrait 40 000 lance-roquettes Katioucha, mais aussi un arsenal qu’il a réussi à reconstruire au lendemain de la guerre du Liban de l’été 2006 contre Israël. Pour l’heure, le parti de Hassan Nasrallah ne laisse pas planer le doute: le désarmement du Parti de Dieu est «un sujet non négociable».
PublicitéL’autre grande question qui demeure, c’est le lien de proximité de plusieurs politiciens libanais avec Damas. Des responsables de la coalition pro-occidentale dénoncent le fait que la Syrie continuerait d’armer les camps palestiniens du Liban. L’épineux dossier du tribunal Hariri censé faire la lumière sur l’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri est par ailleurs loin d’être clos.
La démocratie libanaise est vivace, mais reste très fragile. Le leader druze Walid Joumblatt en a conscience: «Il faut éviter d’isoler le camp adverse.»
Article de Stéphane Bussard
pour Le Temps
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Et moi de vous demander : Que veut dire " Eviter d´isoler le camp adverse " ?
A vous,
Rachel