Quel internaute s'étant un peu frotté à la « blogosphère littéraire » ne connaît pas Dahlia ? Derrière ce pseudonyme floral se cache (ou pas) Chloé Saffy, 28 ans. Son premier roman sort chez Léo Scheer, dans la collection M@nuscrits
On l'a un peu vue sur tous les fronts : Dahlia participe à bien des débats. Et elle s'est notamment intéressée à l'entreprise expérimentale de Léo Scheer, les fameux M@nuscrits, qui remportent un franc succès sur la toile. Dahlia a donc soumis son premier roman aux
Connaissant un peu Dahlia grâce à l'Internet, je reçois son roman, bellement intitulé Adore, que je lis avec grand intérêt, impatient notamment de savoir ce que Dahlia nous réserve, mais également très intrigué par ce nouveau concept littéraire qui semble se développer à grande vitesse.
Une petite déception au départ, malgré mon engouement ; la couverture du livre est, plus que sobre, carrément impersonnelle. Ce dépouillement est-il dû à l'empressement réjoui des concepteurs ? Il m'apparaît comme paradoxal : alors que le projet se caractérise pas des élans fort sains de recherche de bons manuscrits, et que Léo Scheer, ainsi que ses acolytes, ont le mérite de vouloir dénicher des romans prometteurs en réservant aux aspirants écrivains une exposition non négligeable sur leur site, ces couvertures nues semblent signifier, à tort, qu'il ne faut néanmoins pas considérer ces romans au même titre que ceux dont la démarche de publication s'est faite traditionnellement. Évidemment, la réponse des protagonistes serait de me détromper. Toutefois, c'est un sentiment de moindre importance que j'ai ressenti en voyant, dans une librairie lausannoise, ces petits livres couleur crème entre les romans aux couvertures bigarrées.
Mais, ce détail superficiel oublié, je suis vite revenu au texte, le texte, rien que le texte. Malheureusement, et je le déplore, rien ne s'est arrangé. En toute franchise, je ne comprends pas comment un tel texte a pu être publié. Mes critères de (très humble) critique littéraire ne classent pas ce roman dans la catégorie des livres publiables et je doute que les autres romans non publiés des M@nuscrits soient tous moins bon que Adore au point que ce dernier leur passe devant. Les mauvaises langues diront que c'est la petite notoriété de Dahlia qui fut la raison de sa publication. Et ce serait dès lors les responsables de la collection qu'il faudrait blâmer, non pas l'auteur, qui a simplement proposé son texte comme des centaines d'illustres inconnus.
Je ne vais pas jusque-là. Le choix et l'appréciation d'un texte sont ce qu'il y a de plus subjectif. Néanmoins, et vous me passerez l'expression, cela semble « un peu gros ».
Entrons dans le texte. Dahlia cite les Nin Inch Nails en exergue ; jusqu'ici, aucun problème. Suit la description d'un réveil fort douloureux. Un homme est attaché, et ce dans son propre appartement. Dahlia décrit fort bien la douleur lancinante que le pauvre homme endure. Une certaine élégance dans le vocabulaire, le livre démarre plutôt bien, même si une tendance au « name-dropping » est augurée par la citation de deux longs-métrages. Au demeurant, cela n'est pas dérangeant ; au contraire, il est plutôt agréable qu'un roman soit agrémenté de quelques rappels à d'autres œuvres. Mais lorsque ceux-ci sont trop nombreux et parfois introduits avec une certaine maladresse – maladresse qui nuit au rythme et à la spontanéité du texte –, il est plutôt souhaitable d'en limiter l'usage.
Un homme, donc. Bâillonné et apeuré. Il n'est pas seul : une jeune femme fumant des Black Devil est assise face à lui. La situation est déjà vue et n'est pas sans rappeler quelques huis clos nothombiens. Soit. Le livre de Dahlia n'a rien à voir. La quatrième de couverture annonce, elle, un « huis clos violent et sensuel ». Mais, malheureusement, Adore est plutôt un roman qui tend à être cela. Mais Dahlia a manqué sa cible. Son roman, même s'il parle d'amour, de rupture et de chatterton, n'a de violence que celle de son mauvais goût et, de sensualité, n'a rien.
L'homme, qui se prénomme Verlaine, un écrivain arrogant et lubrique, vient de quitter la jeune femme, Anabel, qui le retient prisonnier. Celle-ci, que la passion habite toujours, n'accepte pas cette rupture « par sms » et veut lui faire entendre sa colère et son mal. Entrecoupé de « rewinds », le petit réquisitoire d'Anabel ne fonctionne en rien. L'amour n'y est pas violent, et encore moins sensuel. Il a plutôt tendance à se rapprocher de la niaiserie. Le récit de la rencontre, puis la réconciliation sur fond de « Ne pleure pas ma petite fée. », « Je n'étais pas à la hauteur. », ou encore : « C'est effrayant d'être face à quelqu'un qui nous touche plus qu'on ne le croit. », n'ont pas le ton qu'il faut pour répondre aux attentes que suscite la présentation de l'éditeur.
On y croit encore moins lorsque Dahlia se lance dans l'analyse du roman de son Verlaine, « Par-delà les cimes ». Qu'y a-t-il de plus risqué que de vouloir livrer le message d'un livre qui n'existe pas ? Dahlia s'y vautre magistralement, en nous livrant une morale de bien peu de valeur, qui fera qu'Anabel, ô miracle, découvrira une facette insoupçonnée de l'insupportable Verlaine, qui semble avoir dépucelé tout Paris.
Le ton est doucereux, tout autant que les dialogues, et le résultat sonne comme une longue suite de galimatias, d'enfantillages. Le début du roman est aussi inconcevable que son dénouement. On n'ose même pas penser à de la « chick-lit », les livres du genre ont au moins le mérite d'être quelque peu vendeurs. Bref, je m'excuse, chère Dahlia, mais moi, j'adore pas.