J'ai pris soin de mettre un gros point d'interrogation à la question. Alors que les indices d'inflation sont actuellement proches de 0, que les Banques Centrales maintiennent leurs taux d'intervention à des niveaux également proches de 0, il peut sembler audacieux de reparler d'inflation. Quelques indices montrent pourtant que les marchés, moins myopes que ce que l'on imagine, intègrent à nouveau ce risque.
La crise financière, dans son caractère systémique, est bien finie. Mais le flot de liquidités déversé de façon ininterrompu par les Banques Centrales donnent plutôt l'impression d'un barrage rompu : on finance à guichet ouvert, sans limite. A lire les discours de Bernanke comme de Trichet, on voit bien que le souci des modalités de sortie de crise commence à les hanter. L'addiction à l'argent gratuit et sans limite a un effet euphorisant qu'il conviendra de stopper, sous peine de contrôle anti dopage violent.
Quel est l'avis des marchés sur l'inflation future ? Il suffit de regarder le point mort d'inflation, c'est-à-dire la différence entre le rendement des obligations d'Etat classiques et celui de celles indexées sur l'inflation. Cet écart nous donne justement l'inflation anticipée sur longue période.Sur ce graphique publié par l'Agence France Trésor, on voit que le point mort d'inflation à 20 ans est remonté à 2,5% début juin, soit le niveau qui prévalait il y a exactement 1 an, quand le pétrole valait 120 dollars, et que la BCE augmentait son taux directeur à 4,25%, à contre-temps de l'activité économique. Ce chart est vraiment très instructif. Sur les 2 courbes rose et rouge, qui montrent l'inflation anticipée à 20-25 ans sur les indices des prix français et européen, on voit la remarquable stabilité entre 2 et 2,5%, de 2005 jusqu'au début de 2008, preuve du bon ancrage des anticipations d'inflation à long terme, pour reprendre le jargon BCE. Après le creux à 1,3% de décembre 2008, au plus fort de la crise financière, cet écart est remonté régulièrement pour retrouver le niveau de 2,5% atteint à l'été dernier. Mais que fait donc Trichet ?!La remontée des taux longs s'explique en partie par le nouvel appétit pour le risque, qui fait que les investisseurs sortent des actifs les plus sûrs et liquides, bons du Trésor, pour racheter du risque : actions, crédit corporate. J'ai déjà parlé de ce mouvement d'asset allocation.Remarquons également que, aux USA, le rendement du T-bonds 10 ans est passé de 2% en décembre 2008 à 4% maintenant, et que l'écart avec le 30 ans est actuellement de 75 pb. Ceci alors que la FED intervient directement sur le marché des taux longs. Il serait mal venu de contester les politiques de soutien au marché et à l'économie qui ont été mises en place depuis 8 mois, avec leurs conséquences budgétaires. Mais de même que la crise a été exceptionnelle, la méthode de sortie de crise est également terra incognita. Il me semble que c'est ce que les marchés sont en train de nous dire.