Corps meurtri, pensées qui s'entrechoquent, je manque de
temps et je continue de tenir cette chronique. Je n'ai pas abandonné ; le temps se dilate, les articles se font rares, mais je continue d'écrire ces petites nouvelles d'un quotidien
ordinaire. Constamment confronté à la difficulté (pour ne pas écrire l'impossibilité) d'organiser le temps, et toujours, je continue d'écrire ces mots.
Plus de samedi ni de dimanche depuis de nombreuses semaines, les yeux se troublent, la vision est floue et je continue de
raconter nos histoires ...
Depuis vendredi 5 juin, trois jours de travail acharné, peintures et nettoyage, les nouveaux locaux devaient accueillir l'équipe à nouveau au complet ce matin... Corps cassé, mains gonflées, je
tente d'organiser l'espace. Je vois, le temps a été trop court pour que nous puissions nous remettre au travail dès ce jour. Malgré tout, en une réunion, nous nous sommes fixés les objectifs des
prochains jours. Entre retards et avancées, faisant le point sur les actions, Camille et Françoise semblaient ne plus
savoir où donner de la tête.
Assis autour d'une table de fortune, malgré l'urgence de la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous étions tous sereins. Oui, le secteur de l'arbrisseau à Lille-Sud devenait invivable, et
notre travail en souffrait depuis de longs mois. Je ne comprends pas ! Comment ne m'en suis-je pas rendu compte avant ? Pourquoi me suis-je obstiné à rester ? Je ne comprends pas, je ne me
comprends pas !
Le quartier dans lequel nous nous sommes installés, n'est pas réputé facile mais pour nous, le comparant à l'arbrisseau, c'est un nouvel eden. Je ne comprends pas, si les semaines ressemblent à des
secondes elles sont aussi denses que des mois ! Corps usé, je continue de tisser des liens virtuels. Les lignes téléphoniques ne sont toujours pas transférées, je m'impatiente ; je continue et
trace le programme sur les nerfs. Jour après jour réduisant la durée du sommeil, j'essaie d'agrandir l'amplitude des journées ; et tout le temps je m'aperçois qu'un jour n'est qu'un jour et que
demain sera un autre (même) jour. Mes mots sont flous, demain je recommence.
Fabrice Levy-Hadida - Cie Les Mille et une Vies - Théâtre de Marionnettes Itinérant
* Photographie Les Mille et une Vies - Seul(s) 2005