Toute assurance a pour fonction de couvrir les risques contractuels. Le risque garanti est par principe une conjonction de deux facteurs :
– il faut qu’un dommage soit causé à la chose, au patrimoine, ou à la personne assurée
– par un évènement (fait générateur ou fait dommageable) déterminé.
En matière d’assurance responsabilité, la police d’assurance doit préciser la nature de l’activité à l’occasion de laquelle la responsabilité de l’assuré est susceptible d’être recherchée. De plus, tout contrat d’assurance doit préciser les risques exclus de sa garantie. Certains risques sont exclus de la garantie par la loi, comme les actes relevant de la solidarité nationale (par exemple les dommages résultant d’une guerre) ou les dommages nés, non d’un risque (le risque étant par principe aléatoire), mais d’une faute intentionnelle de l’assuré.
La Haute juridiction est venue préciser ce que le législateur entendait par faute intentionnelle inassurable. En l’espèce (1), une société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte devant le tribunal de commerce de Reims. Un administrateur judiciaire et un juge commissaire sont désignés par la cour du tribunal de commerce de Reims. Par suite, un plan de cession de la société est adopté. Deux sociétés actionnaires de la société en redressement judiciaire ont décidé d’assigner devant le tribunal d’une part l’administrateur judiciaire pour mettre en jeu sa responsabilité civile et d’autre part l’assureur de responsabilité professionnelle de ce dernier.
La Cour d’appel saisie du dossier relève que l’administrateur judiciaire a présenté le plan de continuation de son entreprise de façon erronée et tardive au juge commissaire chargé de son étude. De plus, elle a mis en évidence qu’il est intervenu délibérément dans la procédure pour que ce plan de continuation ne soit pas comparé avec l’offre de reprise d’un autre repreneur potentiel. De sorte qu’il a systématiquement et arbitrairement privilégié le plan de continuation au cours de sa mission. Or, la cour relève que le contrat d’assurance responsabilité professionnelle de l’administrateur pose un cas d’exclusion de garantie, la faute intentionnelle de l’assuré. Ainsi, les juges du fond en déduisent que l’assurance responsabilité professionnelle ne peut jouer.
L’administrateur forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Cette dernière doit répondre à une question claire : l’administrateur judiciaire commet-il une faute intentionnelle en privilégiant un plan de continuation au détriment d’une offre de reprise, lors d’un redressement judiciaire ?
La Haute cour répond par l’affirmative. Elle décide qu’en relevant que l’assuré « avait volontairement présenté de façon erronée et tardive le plan de continuation émané de la société, qu’il était intervenu de façon délibérée afin que ce plan de continuation ne soit pas comparé avec l’offre de reprise d’une autre, laquelle avait été arbitrairement privilégiée » sans en déduire la faute intentionnelle de l’administrateur judiciaire, « la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé. »
Par cette simple décision la cour met en lumière un principe fondamental : le professionnel qui n’a pas rempli la mission qui lui est dévolue par la loi, et ce délibérément, commet une faute intentionnelle (2).
(1) 2ème civ. 16 octobre 2008 n° 07-14373
(2) R.Bigot : « La faute intentionnelle ou le phoenix de l’assurance de responsabilité professionnelle », Revue Lamy Droit Civil, Avril 2009, 3406.