Articles et textes sont les reflets de leur époque, mais résonnent encore parfois dans l'actualité des décennies plus tard. Philostrate profite de quelques jours d'absence pour vous faire partager quelques extraits de livres et de chroniques qui, par-delà le temps, ont encore des choses à nous dire. Dernier de cette série, ce passage d'un article de 1932 consacré à la pratique de la natation à Paris, intéressant à l'heure où la capitale s'apprête à lancer le chantier de son nouveau stade nautique, dont l'ouverture est attendue pour 2012.
"Un récent accident, la disparition de notre brillant confrère Albert Londres, a dû faire réfléchir nombre de gens sur l'utilité de la natation. On peut en effet nommer sa disparition un accident, car il ne fut pas brûlé dans la catastrophe du Georges-Philippar et il tomba à l'eau non évanoui, non blessé. Il ne savait pas nager, et c'est probablement à cela seulement que nous devons de déplorer sa perte ! Dans la plupart des sinistres maritimes les personnes qui savent nager trouvent moyen de se cramponner à quelque objet léger et peuvent être sauvées. Depuis longtemps, en France (…), la Fédération nationale de natation fait campagne pour développer ce sport dans notre peuple. Ses efforts auprès de la jeunesse ont été couronnés de succès, mais insuffisamment, et l'indifférence du public est bien coupable. Voyez ce qui se passe en Allemagne, pays cependant plus nettement continental que le nôtre et moins pourvu d'admirables rivages ! À la Wannsee, aux lacs formés par la Havel, la Sprée, autour de Berlin, dans nombre de belles pièces d'eau des foules de demi-nudistes se pressent. En France, ce n'est pas seulement chaque ville, mais chaque caserne qui devrait avoir une piscine. Or, que voyons-nous, par exemple, à Paris ? Pour près de trois millions d'habitants, une vingtaine de piscines. On n'a jamais calculé ce qu'elles pourraient contenir en y comprimant l'humanité comme dans un Métro à six heures du soir, mais on peut estimer qu'elles ne renfermeraient pas 20 000 personnes (…) Tous ceux, de la clientèle de Molitor à celle des Tourelles ou de Blomet, qui nagent à Paris recevront nos encouragements parce qu'ils sortent de chez eux, boivent du soleil avec leur peau, respirent un autre air que celui des salles de cinéma. Ils retournent à notre milieu naturel. Qu'est-ce que l'homme à en croire les savants ? Une sorte de moule qui a réussi ! Encore beaucoup sont-ils restés des moules et n'ont-ils pas réussi…"
Texte de Hervé Lauwick, paru dans l'édition du 27 août 1932 de L'Illustration. On appréciera le ton très "hygiéniste" de l'auteur, sa référence au naufrage qui coûta la vie au grand reporter Albert Londres… et le fait que la piscine des Tourelles venait alors d'accueillir avec les championnats d'Europe 1931 la dernière grande compétition internationale de natation organisée à Paris !