Cela coule entre les mains

Par Vanessav
Si je m’étais arrêtée au feuillet « La diable au corps », je pense que j’aurais été un peu frileuse à la lecture. Ce désir adulte pour le corps enfantin est un sujet un peu scabreux, qui peut, quelque fois volontairement, d’autres fois par frilosité des lecteurs, être une obscénité. Mais cette lecture "Les mains nues" de Simonetta GREGGIO m'a offerte une vision beaucoup plus subtile.

Il est bien question d’Emma, 47 ans, dans les bras de laquelle un jeune homme de moins de 15 ans se love. Mais justement ce ne fut pas ce désir le thème principal. Heureusement, j’aurais sûrement été déçue sachant que mon maître en la matière est bien Francis GARNUNG dans sa « Pomme rouge ». Ce qui semble être la ligne directrice est bien ce rapport à la vie, à nos choix et cette désolidarisation au monde. Elle a tenté de se trouver dans cette nature, en cherchant son authenticité, accompagnée uniquement de deux êtres proches, son vieux patron, reclus, solitaire et sage, et cette amie silencieuse venue se perdre en campagne et au travail de la terre.
En fait, pas de désolidarisation mais une entraide ciblée. Emma est vétérinaire de campagne et ne ménage pas sa peine de jour comme de nuit. Ce sont les êtres humains qu’elle laisse aux bords de son intimité. Les hommes mais aussi les convenances.
La venue de Gio, ce jeune adolescent, lui permet de se confronter à nouveau au monde, à la jeunesse, sa jeunesse et les choix de vie. Bien sûr il y a de la sensualité entre ses lignes, énormément, moins physique ou sexuelle (jamais un acte « pédophile » n’est explicité) que naturelle, une femme éprise de vie, en proie à la vie et à la mort.
Une sagesse s’infiltre entre les pages, sagesse d’un métier tout d’abord. « […]- non pas la connaissance elle-même, mais la mise en perspective de cette connaissance. Il m’a appris à me méfier de ce qu’on croit acquis, à remettre en jeu chaque fois mes certitudes. [..] J’ai compris à travers lui que tout change, que tout évolue. Il suffit d’attendre.
La base de notre travail tenait selon lui en quatre points : Savoir, Faire, Savoir faire et Faire savoir. »

*source vétérinaire en milieu rural : Hélène dans Nice-Matin
Sagesse de vie aussi, la vieillesse comme allant de soi, pas encensée mais juste étape de vie, « Etre jeune à nouveau ? Pour quoi faire ? ». Un retour aussi aux sens. Au toucher : Emma ne mets pas de gants, elle touche, enfourne ses mains sans bague, ressens ainsi le sang, les humeurs, la vie. A l’ouïe en prenant acte des bruits de la nature : du lever, du coucher, des bruits émis de douleur. La vie humaine est revenue dans un schéma plus saisonnier. La douleur animale, psychologique et la mort sont aussi très présents dans ce livre. Le manque des êtres chers, les moments de partages filiaux où la mort n’est pas si loin. Cette rumeur, cette accusation et ce jugement sont des étapes, des moments douloureux qui reprennent une place dans les choix de vie. Est-ce bon de vouloir « mourir au premier signe de déclin », de ne pas attendre la mort, de la choisir ?
Nous aurions pu aussi avoir la propagation de la rumeur ou une remise en perspective du passage à l’acte. Cela aurait pu n’être qu’une femme éprise d’un adolescent. Justement ce livre est pudique. La tourmente est là, le passé non cicatrisé aussi mais il n’y a aucune « banalité du mal ». Le tabou sexuel est repris ici avec la lecture d’un choix de vie féminin, sans entrave oui, mais aussi loin de toutes nos attaches conventionnelles ou normes de consommation et de quotidien. C’est peut-être là le plus grand vice du livre… une superbe approche du retour à la campagne (euh non) à la vie !

Lily vous propose sa lecture et des points marquants sur les mains, la mère absente, Malice remet une couche là. Katell nous livre cet amour sans âge. Ce livre a été lu dans le cadre du prix Landerneau 2009. Je remettrais là tous les autres avis une fois la liste des blogs participants connue.


Clarabel pour un autre prix ici