Au bowling on appelle ça un strike. Nicolas Sarkozy a réussi son pari. Il a laminé le PS épine dorsale de la gauche et pulvérisé François Bayrou qui se présentait comme son principal opposant. La route est désormais libre pour l’hyperprésident débarrassé de tout ce qui pourrait ressembler à une opposition audible. Et tant pis pour l’Europe qui continue son chemin sans adhésion populaire. Image ô combien parlante hier soir. Xavier Bertrand taulier par la grâce présidentielle de l’UMP est apparu entouré des débauchés du Sarkozysme, le “club des Judas” : Eric Besson et Jean-Marie Bockel les transfuges socialistes, Hervé Morin l’ancien porte-parole de François Bayrou, l’ex-villepiniste Bruno Le Maire et Christine Albanel ancienne plume de Jacques Chirac.
“Au fond du trou” comme l’a reconnu Jean-Luc Mélenchon, la gauche est condamnée à se reconstruire. Autour d’Europe-Ecologie fantasme Daniel Cohn-Bendit. Comme si son attelage hétéroclite était susceptible d’avoir un avenir dans la cour intérieure française. Le leader vert peut remercier le PS de son délitement lié à une absence totale de ligne politique. L’ambigu Jack Lang résume bien l’échec de la maison socialiste lorsqu’il déclare que, “Ce n’est plus le parti de l’espérance”. Ce que reconnaissait ce matin Martine Aubry sur France Inter “nous avons oublié nos valeurs, nous avons défendu un discours d’hier“. Le temps est donc à la refondation appelée de vive voix par la jeune garde Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Vincent Peillon…
L’enjeu est plus difficile qu’il n’y paraît. Il s’agit pour la gauche de recréer les conditions du débat sur toutes les questions de la société et de recréer du lien avec celle-ci. Son échec est aussi celui d’avoir voulu faire l’économie d’un éclaircissement de sa position sur la construction européenne. Comme si les nonistes de 2005 avaient disparu ou s’étaient soudainement convertis à une Europe illisible, incontrôlable, irrésistiblement libérale. Solférino a eu la faiblesse de céder aux sirènes du Parti socialiste européen. De croire qu’il suffisait de crier Europe, Europe, Europe autour de la plateforme programmatique commune des partis socialistes européen, le Manifesto, pour obtenir un succès électoral. Tout le contraire. Les partis sociaux-démocrates enregistrent un recul historique au moment où la crise économique aurait du leur ouvrir un boulevard. Le consensus mou démontre ses limites. Prime a été donné à des positions plus tranchées, plus clivantes, parfois populistes mais toujours mieux assumées.
L’effondrement des sociaux-démocrates ne serait pas aussi inquiétant s’il n’était assorti d’un taux d’abstention qui culmine au niveau européen à 56,99 %. Paradoxalement, la leçon semble mieux tirée en dehors de l’Union par nos amis Suisses. “Bruxelles doit écouter les urnes” titre le quotidien Genevois Le Temps. Mais, qui incarne tout de suite l’Europe hormis José Manuel Barroso? Le président de la Commission européenne si décrié pendant la campagne a désormais de bonnes chances d’être reconduit lors du sommet européen des 18 et 19 juin avec le soutien du PPE (conservateur) mais aussi d’une partie des sociaux-démocrates. Un pied de nez à une réorientation de la construction européenne qui conforte les abstentionnistes dans leur sentiment que de toute façon, les peuples européens lorsqu’ils s’expriment ne sont pas entendus.
A cet égard, le règlement de la question Irlandaise constituera un test essentiel pour l’espace démocratique européen. Le Non avait été formulé clairement mais le rouleau compresseur de l’UE semble innarrêtable. Combien de fois faudra-t-il faire voter les Irlandais, quelles garanties juridiques faudra-t-il concéder, pour décrocher un sésame à la mise en œuvre du Traité de Lisbonne, accepté à ce jour par vingt-six des vingt-sept Etats membres ? La rénovation du PS exige un discours vérité, sans faux fuyants. Qu’il commence à s’interroger sur l’assise démocratique de l’UE.