Je reviens sur la monumentale claque que nous avons pris à l'issue de ces élections européennes avec certaines réflexions supplémentaires :
a) Bayrou devrait au minimum présenter ses excuses à Cohn-Bendit, comme le pressait de le faire d'ailleurs son état-major. Franchement, sur le moment, je dois faire deux confidences :
1. J'ai eu honte.
2. Cela ne m'a traversé l'esprit qu'environ quelques nano-secondes : je me suis demandé si je n'allais pas finalement voter pour Europe-écologie. Puis, très rapidement, je me suis repris. J'ai tout d'abord pensé aux militants démocrates et à tout le travail qu'ils avaient fourni, à nos têtes de liste et à leur engagement sincère pour l'Europe, à Marielle qui n'y était pour rien dans les dérapages de François (à mon avis, elle n'a pas du le féliciter...) et je me suis dit que ç'aurait vraiment été trop injuste pour tous ceux-là. Compte-tenu de mon contentieux avec les Verts en règle générale, pour que j'y songe, c'est que c'était vraiment passé de travers...
b) Il devrait aussi présenter ses plus plates excuses aux instituts de sondage ; perso, j'en ai ras-le-bol de passer pour un charlot à force de l'entendre énoncer de pseudo-théories du complot sarkozyste et tout le tralala sur la collusion entre les sondages et le pouvoir. Moi, ce que je vois surtout, c'est qu'à chaque élection, les sondages nous surévaluent largement. Je l'avais dit aussi. J'avais foi en Ipsos, mais là, ils se sont plantés aussi, manifestement...
c) En parlant de théorie du complot, il devrait désormais balayer de son champ sémantique et lexical toute référence au complot. En particulier pour cette campagne européenne, nous avons été bien servis : un cadeau de suffisamment de sénateurs centristes (mais pas tous attention, c'est passé de justesse, ne nous leurrons pas) pour avoir 20 minutes de temps de passage sur les grandes chaînes au lieu de quelques minutes, un battage médiatique inespéré avec la sortie du livre de François, qui lui a permis de s'exprimer sur de nombreuses chaînes.
d) Je suis d'accord pour m'opposer au projet de société que Sarkozy conduit. Mais cette opposition ne doit pas prendre le forme de critiques systématiques, primo, et secondo, il faut aussi lancer à intervalles réguliers de propositions, afin d'être soi-même crédible. A cet égard, Bayrou n'a pas eu tort de ne pas dissocier les problématiques de la France et celles de l'Europe : l'idée était bonne. Encore ne fallait-il pas transformer le croisement de ces problématiques en campagne pour ou contre Sarkozy.
e) Cela fait un moment que j'explique qu'il faut propulser d'autres têtes au MoDem. Pourquoi Marielle ou Sylvie Goulard ou Corine Lepage ne sont-ils pas venus sur France 2 ? Je ne dis pas que nous aurions fait alors des miracles, il y avait une tendance de fond, mais on n'en serait pas là aujourd'hui.
f) On est à ces élections, strictement sur notre socle électoral. Socle électoral qui était d'ailleurs à peu près celui de l'UDF, même s'il n'avait pas la même composition sociologique. François doit apprendre à lire les sondages :
Ipsos établissait que seuls 50% de nos électeurs potentiels étaient susceptibles de voter sans hésitation pour nous. Il en allait de même pour les Verts. L'abstention allait être forte. On pouvait donc en déduire deux choses : d'une part que ce serait surtout l'électorat pro-européen qui voterait, d'autre part qu'il faudrait un élément décisif pour les faire pencher d'un côté ou de l'autre. On savait aussi que les Verts et nous avions pour partie des électorats proches : ce n'était dans ces conditions certainement pas astucieux de se friter violemment avec les Verts. Les positions de Jean-Luc Benhamias qui avait parlé très tôt d'un groupe écolo-démocrate ou encore de Corine Lepage qui voulait axer la campagne sur le développement durable étaient sages et bien pensées. On pouvait attaquer les Verts, mais sur les failles de leur programme et sur nos différences avec eux (ce que le Crapaud et moi avions commencé à faire mais que nous n'avons pas eu le temps de développer davantage). Ces différences, Bayrou ne les a jamais évoquées. Sur ce point, je ne lui jette pas la pierre à lui seul. Je n'ai pas beaucoup entendu nos "verts" en parler...Silence radio côté Behnamias et Corine Lepage, alors que c'eût été à eux d'assumer ce rôle-là...
Bref, François doit comprendre que c'est biern gentil d'espérer 14% ou 15% mais que la confiance des électeurs, ça se mérite, ça se gagne, et que c'est un effort de tous les instants pour la conserver. Même les Socialistes qui tablaient sur un électorat bien plus fidèle que le nôtre s'en sont mordus les doigts eux aussi. Notre socle, je le redis, c'est 8% environ. Tout le reste, ce sont des électeurs que nous gagnons et qu'il faut fidéliser. Alors avant de viser la lune, faudrait peut-être consolider de ce côté-là en étant crédibles.
J'espère que François ne se vexera pas de toutes ces critiques. Ce n'est pas mon genre de tirer sur l'ambulance, mais là, il y a de sérieuses remises en question à opérer dans la démarche. Notamment, il doit enregistrer une dernière chose : il n'a pas seulement une responsabilité individuelle. Il a aussi une responsabilité collective. Quand Bayrou parle, l'opinion estime qu'il parle pour le MoDem. Tout ce qu'il dit est identifié au MoDem. Il doit garder en permanence cela présent à l'esprit, particulièrement lors des campagnes qui impliquent son parti. Je lui rappelle qu'il avait fait tout de même un coup similaire aux députés UDF lors de la présidentielle en précisant sans les avertir ni les consulter qu'il ne voterait pas pour Sarkozy. Je ne dis pas que les députés ne seraient pas partis, mais, au moins, cela se serait peut-être fait dans une atmosphère plus sereine s'ils en avaient été avisés auparavant...
Qu'on se le dise, ça va être ma semaine de déballage, alors je ne garantis pas que cela soit le dernier billet de ce type...