Européennes : c’est la politique qui a gagné

Soyons immodeste : je l’avais pronostiqué fin avril en demandant pour qui voter ; je l’avais dénoncé fin mai en pointant la pauvreté politique de la campagne ; je l’avais analysé en décryptant la semaine écoulée les tracts des listes. Hélas ! J’avais raison. C’est la politique qui a gagné et les politicards qui ont perdu. Vous savez, ceux qui font de la politique un métier exclusif, hors des réalités ; ceux qui savent mieux que les gens ce qu’il leur faut ; ceux qui préfèrent les intrigues d’appareil et donnent des leçons de morale à tous les autres… Ceux-là - les Aubry, les Bayrou, les Besancenot, les Villiers, les Dupont-Aignan – ont clairement perdu. Au profit des autres, ceux qui ont un projet, ceux qui veulent agir, ceux qui se rassemblent – l’UMP avec le Nouveau centre, Europe écologie, le Front de gauche.

Quatre effets de ces Européennes : le doute, la crainte, la protestation - mais le projet.

Le doute est manifesté par le niveau d’abstention : 59.5% en France, autour de 57% en Europe. Le parlement de l’UE est peu lisible, les élections noyées, la campagne peu audible sur des enjeux flous.

La crainte vient de la crise financière et économique, des risques géopolitiques, d’une population qui vieillit et qui voit émerger de jeunes pays dynamiques et immenses. Elle renforce le légitimisme, donc les partis conservateurs. Ce n’est pas nouveau, autant regarder ce sein que la gauche idéaliste aimerait ne pas voir. J’en ai déjà parlé. Rien d’étonnant à ce que l’UMP flanquée du Nouveau centre écrase le PS éclaté par le Front de gauche : 28% à moins de 17% (et 14% en Île-de-France ! – la déroute). C’est le même réflexe dans le reste de l’Europe où les partis conservateurs devraient rester la moitié du Parlement.

Les protestataires sont nombreux, l’équivalent des ruines du PS, autour de 17% : le FN devance le NPA (dont le discours langue de bois ne parvient pas à accrocher…), tandis que Villiers plafonne et que LO comme Dupont-Aignan disparaissent.

Mais est-ce pour cela qu’il faut démissionner comme le PS ? Certes non ! C’est là où le projet politique – on ne le dira jamais assez – peut entraîner l’adhésion et rebattre les cartes. Les partis du passé, arcboutés sur l’anti-sarkozysme primaire et sur l’enfermement national des enjeux, traités avec les grands mots vides habituels - ces partis ringards s’effondrent littéralement : le PS et le Modem. En revanche, les partis novateurs, ceux qui proposent du concret – ceux qui « font de la politique », explosent : Europe écologie et le Front de gauche. Quasi inexistant hier, ils s’imposent aujourd’hui : Europe écologie largement devant le Modem et talonnant le PS (l’écrasant même en Île-de-France avec 21% contre 14% - et c’est encore plus dans les quartiers centraux de Paris !…) ; le Front de gauche devance largement le NPA du facteur populaire. Le projet politique est désormais écologiste – façon Daniel Cohn-Bendit, gouailleuse, négociatrice, concrète. Pas façon PS, langue de bois, rigide, abonné aux grands mots vides. Le socialisme ne représente plus l’avenir, l’écologisme l’a supplanté. Et l’on entend les éternels lamentos du PS : il faut faire notre autocritique, il faut nous rassembler, il faut rénover notre projet… on les entend depuis 2002 ! Le PS est atteint d’impuissance. A l’inverse, l’irruption de Cohn-Bendit dans la campagne a donné un sens aux écolos français éclatés et trop missionnaires jusqu’ici.

Je le disais dans ‘Pauvreté politique’, « L’anti-sarkozysme primaire va faire beaucoup de mal au PS car il cache l’indigence manifeste de ses propositions sur l’Europe et l’écart massif entre le jacobinisme franchouillard et presque tous les démocrates européens ». Les comptes de Martine sur la chute de l’UMP étaient des contes de bonne femme. Ceux qui regardent l’avenir dans le rétroviseur ont pris une vraie claque et telle est la vraie leçon des Européennes : quand beaucoup s’abstiennent, les vrais projets l’emportent !