07 juin 2009
(1) Les langues au temps du Coran selon Luxenberg
Les langues au temps du Coran selon Luxenberg
Cette langue, appelée actuellement De par son utilisation dans la traduction de la Bible, le syro-araméen acquit une telle extension qu'il dépassa bientôt les frontières de la Syrie pour atteindre, entre autres contrées, la Perse. A un moment où l'arabe écrit n'était pas encore constitué, les Arabes instruits eux-mêmes l'utilisaient comme langue de culte et de culture. Selon Nöldeke, les gens de Palmyre et les Nabatéens, qui étaient eux-mêmes des Arabes (ou descendants d'Arabes), considéraient cette langue comme étant " hautement respectable et civilisée ". On dirait aujourd'hui, en termes modernes, qu'une situation de Il s'ensuit que le Coran a été révélé à une communauté pluriethnique, pluriconfessionnelle (Juifs, une grande partie d'Arabes christianisés aux côtés d'autres Arabes païens), et surtout plurilinguistique et
Le philologue Christoph Luxenberg, qui a créé l'évènement en 2000 avec sa " contribution au décodage de la langue coranique ", revient dans son avant-propos à l'édition anglaise de son livre (2007) sur ce qu'il appelle la langue syro-araméenne. Cette dernière constitue en effet la perspective principale à partir de laquelle il entendait éclairer nombre de passages obscurs du livre sacré des musulmans.
syriaque, est une branche de l'araméen qui était parlé au Proche Orient, notamment à Edesse et dans le Nord Ouest de la Mésopotamie. L'araméen, rappelle l'auteur, a constitué pendant un millénaire la lingua franca de toute la région du Moyen Orient, avant d'être remplacé par l'arabe. Depuis la christianisation jusqu'au début de la révélation coranique, le syro-araméen était la langue écrite dominante, utilisée notamment dans la liturgie. Ce sont les Grecs qui ont appelé cette langue syriaque, langue de l'Assyrie du temps d'Alexandre le Grand. Les Chrétiens araméens ont repris le nom à leur compte, par volonté de se distinguer de leurs " compatriotes " restés païens. Les premiers écrits arabes, au nombre desquels figurent les recueils de hadiths, appliquent le nom de diglossie caractérisait le nord et le sud de l'Arabie pré-coranique, de telle sorte que le syro-araméen était la langue formelle, dite haute (H), au moment où les dialectes non écrits constituaient les langues dites " basse(s) " (L) (cf. Ferguson puis Fishman, Calvet et d'autres). [c'est moi qui comprend cette situation comme diglossie] Syriaques à ces mêmes chrétiens araméens, signalant par là l'importance de cette langue précisément au moment de la naissance de l'arabe écrit (Luxenberg, pp. 9-10)
diglossique (syro-araméen comme langue formelle, dialectes non écrits : hébreu, dialectes proto-arabes devenant plus tard, sous l'influence du syro-araméen, de l'arabo-araméen). Les initiateurs de l'uniformisation et de la mise à l'écrit des dialectes arabes étaient eux-mêmes formés dans la langue syro-araméenne et dans la liturgie chrétienne. Il n'est dés lors pas étonnant qu'ils aient introduit des aramaïsmes et des éléments de leur langue formelle dans l'arabe qu'ils commençaient à mettre à l'écrit.
Sujet du prochain post : histoire de la mise à l'écrit des dialectes arabes
1) Rappeler pour la énième fois ici que le Coran a été révélé en arabe classique, en citant tous les versets hyper connus, ne sert à rien. On traitera de ces versets dans un autre post, car tout dépend de ce que le texte désigne par 2) Si les Arabes écrivaient le syro-araméen au temps du Coran, comment expliquer la poésie antéislamique, bel et bien écrite en : Originellement, c'est une langue de communication parlée dans l'ensemble des ports de la Méditerranée et composée d'un vocabulaire emprunté à beaucoup de langues du bassin (espagnol, italien, provençal, turc, arabe, maltais, etc.). Les linguistes appellent cela une langue
qor anane arabiyyane.
arabe classique ? Eh bien, tous les doutes sont permis concernant cette poésie et sa datation. Sa compilation n'est pas fondée sur des écrits matériels légués par la période dite de la " Jahiliyya " mais sur des traditions orales, supposées solides et fiables. Or, plusieurs faits remettent en question le mythe de la " mémoire phénoménale " des Arabes, qui auraient fidèlement gardé des quantités impressionnantes de poésie de génération en génération, rien que par la transmission orale. Aucun ethnologue par exemple ne souscrirait à l'hypothèse d'une tradition orale fiable et littéralement fidèle sur plus d'un siècle, ou même sur quelques dizaines d'années. C'est que la mémoire populaire n'est pas un CD. La hamza qui apparaît dans cette poésie dite antéislamique est aujourd'hui considérée comme un signe postérieur au Coran, ajouté bien plus tard. Il semble donc que cette poésie a été fixée sur la base de traditions orales par des auteurs qui la faisaient approximativement remonter à l'ère antéislamique. (Taha Hussein a déjà exprimé cette thèse dans Sur la poésie antéislamique, 1926). En réalité, le Coran reste le premier texte écrit en " arabe ". C'est l'interprétation du Coran qui, semble-t-il, a déterminé la constitution de grammaires et de dictionnaires des siècles plus tard. Le Coran apparaît ainsi comme le catalyseur de l'uniformisation linguistique de l'arabe.
Vocabulaire :
véhiculaire (car utilisée comme langue de contact avec les étrangers) et l'opposent aux langues vernaculaires (qu'on ne peut parler qu'à l'intérieur de sa communauté linguistique). Luxenberg avance ici l'idée que le syro-araméen était la langue véhiculaire de l'époque du Coran.
lingua franca
Diglossie : situation d'une société ou d'un groupe où deux langues sont utilisées concurremment, mais dont l'une, dite variété " haute ", est valorisée, normée, véhicule une littérature reconnue et est réservée à certains usages formels (liturgie, administration, etc.) et dont l'autre, dévalorisée et dominée, dite variété " basse ", est utilisée dans des situations informelles (échanges quotidiens, etc.). L'exemple actuel type serait l'arabe dit standard ou littéraire, par opposition aux différents dialectes effectivement parlés dans le monde arabe.