Eric Chevillard : "L'autofictif"

Par Schlabaya


«En septembre 2007, sans autre intention que de me distraire d’un roman en cours d’écriture, j’ai ouvert un blog, quel vilain mot, j’ai donc ouvert un vilain blog et je lui ai donné un vilain titre, plutôt par dérision envers le genre complaisant de l’autofiction qui excite depuis longtemps ma mauvaise ironie. Rapidement j’ai pris goût, et même un goût extrême, à cet exercice quotidien d’intervention dans le deuxième monde que constitue aujourd’hui Internet et à ces petites écritures absolument libres de toute injonction. Mon identité de diariste est ici fluctuante, trompeuse, protéiforme. Je me considère à mon tour comme un personnage, je bascule entièrement dans mes univers de fiction où se rencontre aussi, non moins chimérique, le réel. Je ne m’y interdis rien, c’est le principe, ni la sincérité ni la mauvaise foi, ni même à l’occasion l’assassinat. Ces pages pourront être lues ainsi comme la chronique nerveuse ou énervée d’une vie dans la tension particulière de chaque jour.» Éric Chevillard
Je ne vais pas vous parler du livre, que je n'ai pas lu, mais du blog, que je fréquente depuis peu et que dont j'apprécie beaucoup l'esprit. Cela revient à peu près au même, puisque le livre reprend le contenu du blog. Quotidiennement, Eric Chevillard met en ligne un billet qui contient à chaque fois trois courtes notes : aphorismes, mini-récits ou réflexions diverses. En lui-même, l'exercice de style est assez original pour être remarqué, et on peut saluer l'astreinte à laquelle se soumet l'auteur, même s'll est possible que ces billets soient écrits à l'avance et que la publication quotidienne en soit programmée. Quoi qu'il en soit, ce qui fait l'intérêt de la chose, c'est le résultat. Chaque jour, le lecteur de ce blog se voit proposer trois petites assertions drôles, inattendues et variées : on peut dire que le pari est tenu.
Quelques extraits :

Je ne serre pas le nœud de mes lacets ; aussi dois-je souvent m’arrêter en chemin pour le refaire ; et c’est exprès, car je sais que ce contretemps me sauve à chaque fois in extremis et par miracle de la mort qui m’attendait au tournant.

S’il y a une échelle contre le mur, eh bien, pourquoi s’en priverait-il, le lierre emprunte aussi l’échelle.

Xavier Darcos attendait Agathe sur le seuil de la halte-garderie. Après une fouille consciencieuse, il lui confisqua le hochet contondant qu’elle agitait, reconnaissons-le, de façon extrêmement menaçante.


Nous sommes toujours un peu accablés de voir un gros s’attabler pour déjeuner, comme si c’était vraiment pour lui la dernière chose à faire que de se nourrir.


Le seul avantage du tabouret sur la chaise consiste en son moindre encombrement. Est-il bien malin dès lors de le flanquer si souvent d’un piano ?