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Et un Fanta pour Fanti !

Publié le 07 juin 2009 par Kalvin Whiteoak

Alcatraz numérique, enquête !!!

Diable, que voilà un titre d’ouvrage qui fleure bon la nouveauté voire l’énigme. Un peu comme l’odeur du café-croissant vers laquelle d’aucuns sont inexorablement attirés, quelle que soit la qualité du café qui parfois n’est de loin pas à la hauteur des espérances induites par les effluves.

Et malheureusement, l’analogie avec l’odeur prometteuse du café s’applique au dernier ouvrage de l’omniprésent et médiatique Sébastien Fanti : il promet beaucoup … et déçoit tout autant.  Bon il est jeune le brave, mais il est quand même avocat - certes valaisan - et soi disant spécialiste de la question.

Ce qui ne l’empêche pas de nous gratifier avec cet opus de cent-cinquante pages d’un discours qui pêche autant dans la forme que dans le fond. Et qui en plus ne frappe pas par la modestie chez son auteur …

La forme: quand on commande le bouquin qui coûte quand même Fr. 30.– (ou 16 Euros …, un éditeur qui applique donc la tabelle de conversion franco-suisse à l’envers), on imagine que pour le prix on va recevoir un ouvrage imprimé en bonne et due forme et pas simplement un fichier informatique mal mis en page, ronéotypé luxe modèle “ère numérique” et agrémenté de nombreuses fautes d’orthographe et de syntaxe.

Même du haut du barreau, on ne s’improvise visiblement pas rédacteur. Quant à l’éditeur Xénia du sémillant Despot, à part la couverture qui est passable, il ne produit pas là un ouvrage à la hauteur des espérances qu’il veut mettre en avant dans son discours usuel.

Le jeune auteur, pour rester sur la forme, prend le lecteur moyen pour un inculte profond. Ne lui sert-il pas en français dans le texte (page 23 note 23) ce que veut dire “Pythie” dans la mythologie grecque, car il a trouvé amusant de nommer ainsi une de ses consoeurs que visiblement il ne porte pas dans son coeur.

Plus loin, toujours dans le même travers (page 91) il nous gratifie d’un rappel complet de la légende du Cyclope, et pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, en page 127 c’est Dédale, Minos, Thésée et le mythe d’Icare qui sont revisités, sans doute pour éviter que le lecteur benêt ne meurt encore plus benêt après la lecture de cette “somme”.

Sans compter sur le fait que l’ouvrage est truffé de langage juridico-juridique qui est inaccessible au commun des mortels, même si parfois, devant cette difficulté, l’auteur condescend à donner une version allégée et simplifiée de son discours.

Le fond maintenant: on nous explique en titre que l’ouvrage est une enquête. Il se trouve qu’en réalité c’est une sorte de condensé de pièces de procédures que le jeune avocat valaisan a utilisées dans trois affaires symptomatiques qu’il traite professionnellement: Razorback, Logistep/Techland et son propre combat contre l’IFPI.  On veut bien le suivre dans sa dénonciation d’un système judiciaire suisse aux ordres du grand capital et surtout totalement dépassé par les enjeux techniques relatifs aux droits de la personnalité et à la protection de cette dernière sur Internet : on ira même jusqu’à dire que si le Valais et ses “superjuges” d’instruction sont totalement à côté de la plaque en la matière (notamment), leurs homologues d’autres cantons n’ont rien à leur envier.

Mais là où le fond pêche singulièrement, c’est dans l’analyse et surtout dans l’absence de moyens proposés à l’internaute pour assurer sa protection, ou pour renforcer cette dernière. Ou encore pour s’opposer à d’éventuels contrôles. Car si on veut bien admettre que les animateurs de Razorback ont droit à une protection de leur personnalité, il ne faudrait quand même pas renverser les rôles : ces sites de P2P sont là pour échanger sans frais des œuvres protégées par le droit d’auteur, et la mesure des intérêts en présence ne penche pas forcément en faveur du téléchargeur, surtout lorsqu’il en fait commerce.

On oublie en effet de noter dans l’ouvrage que les sites en question vivent très bien de la publicité online dans la mesure où un trafic très important afflue vers ces passerelles … et la pureté des intentions des Bile 666 et autres ne paraît pas forcément évidente au premier abord.

Si l’on défend farouchement sur ce blog la protection de la personnalité, et singulièrement sur internet, on ne peut manquer de noter que les trop longs développements de l’auteur sur les distinctions subtiles entre IP fixes et IP mobiles ne servent à rien: dans l’affaire Logistep, le Tribunal fédéral administratif vient de lui donner tort. Il va sans doute porter l’affaire plus loin, mais il manquera un élément crucial dans ses développements :

Une IP peut certes conduire à un ordinateur précis dans certaines circonstances, mais pas à son utilisateur final, car rien ne permet de dire qui a “pianoté” sur cet ordinateur et à quelle heure sauf à prendre le “délinquant” sur le fait. Par ailleurs, il existe nombre de systèmes permettant de fausser la perception que peut avoir un programme espion de l’IP qui est en ligne et en train de télécharger tel ou tel film, voire même d’utiliser des IP différentes et protectrices géographiquement.

Or jusqu’à preuve du contraire, il appartient à l’autorité pénale d’amener la preuve ou un faisceau d’indices concluants permettant de dire que tel ou tel internaute a bel et bien commis une infraction (et pas seulement tel ou tel ordinateur). Laisser donc les juges assimiler l’IP à un ordinateur et au titulaire du raccordement téléphonique est un raccourci dangereux, déjà qu’ils ne pigent pas grand chose en la matière.

Autre aspect à ne pas figurer au chapitre des éléments importants : toute la problématique du droit applicable à raison du lieu, les serveurs sur lesquels des IP sont collectées par des officines glauques (que Securitas ne renierait pas …) n’étant pas forcément en Suisse.

Bref, on a beau faire en sorte d’être médiatique, on n’en est pas moins limité. Et ce qui frappe après la lecture de l’ouvrage en question, c’est la jeunesse de son rédacteur (ça se soigne sans médicament) et la naïveté touchante dont il fait preuve.

C’est la raison pour laquelle on lui offre ici un Fanta pour lui donner du courage dans son travail de thèse à l’Université de Lausanne, en espérant que ce dernier se révèlera plus convaincant qu’Alcatraz !

Ce billet provient du blog ouVertures.info, une autre lecture de l'info.Reproduction et diffusion autorisées exclusivement sur la base d'un accord préalable écrit.

Et un Fanta pour Fanti !

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