Vote à la bobine

Publié le 07 juin 2009 par Jlhuss

-Mais pour vous, M’ame Michu, l’Europe c’est quoi ?

-Pour moi c’est la France, M’ame Daube, la France avec des tas de gens autour, plus ou moins aimables, plus ou moins bien élevés, comme dans mon immeuble : bonjour, bonsoir, un mot sur le printemps pourri, le prix des légumes, la coqueluche du petit dernier, et puis chacun chez soi.

-Mais l’Europe, c’est la paix, M’ame Michu !

-Qu’on nous la fiche.

-Et la monnaie commune ?

-Elle a fait le beurre de ma crémière.

-Quand même, le Parlement de Strasbourg, la Commission de Bruxelles …

-Les assemblées de copropriétaires m’ont toujours assommée. Le syndic habite aux antipodes mais nous couve comme fourmi ses pucerons, il veut toujours refaire quelque chose : repeindre la cage, ravaler la façade, changer la gouttière ou la femme de ménage, et bien sûr l’éternel serpent de mer : pire que l’entrée de la Turquie, l’aménagement d’un ascenseur ! Moi, je loge au second et j’ai mes jambes.

-Donc, vous ne votez pas ?

-Si, bien sûr, y a pas tant d’occasions de présenter ses papiers pour une vieille de souche. Mais ne me demandez pas ce que je pense des programmes, m’ame Daube. Je vote à la bobine, au filigne comme dit ma nièce.

-Allez, M’ame Michu, trêve d’isoloir, dites-moi la bobine qui vous revient. La petite Dati ?

-Ah non, par exemple ! envoyer en Alsace une brune piquante qui pond à la va-vite, refuse de nommer le coq et se pare des plumes du paon !

-Vous voilà bien pipole…Martine, peut-être ?

-Dans le genre grande Zoa, je préférais Régine.

-Mélenchon ?

-Je l’aimais assez. Fini. Je ne donnerai pas ma voix au malotru envoyant « au diable » la pauvre Arlette Chabot, qui s’était échinée à mijoter un plateau de petites tables comme en terrasse « Chez Eugène » pour la friture de rivière et le cabernet.

- Ne me dites pas que vous allez voter Cohn-Bendit ?

-Mon Dieu non, y a un âge pour tout, M’ame Daube. Le genre sale gosse, quatre décennies après Nanterre, c’est un peu réchauffé. Lancer « T’es trop minable, mon pote » à un agrégé des Lettres !

-J’y suis, c’est pour Bayrou que vous en pincez.

-Du tout. Ne me parlez pas de ce montreur d’ours, cracheur de feu et père noble à rodomontades.

-De Villiers ?

-Le problème de ce vicomte, c’est d’abord la déglutition.

-La fille Le Pen ?

-Trop d’épaules et d’encolure. Elle serait parfaite en natation.

-Alors Besancenot. Je parie que c’est le joufflu que vous rêviez toujours d’emmailloter.

-Hélas ! je vois trop le grand couteau pointer dans la poche revolver.

-Marie-George Buffet ?

-Le prénom est louche, le nom sent l’encaustique. Sans doute une personne accorte, bien causante, possible pour un thé de loin en loin.

-Mais enfin, M’ame Michu, alors qui ? Quelle bobine ? Je perds le fil.

-Voulez-vous que je vous dise ? Vraiment ? Alors faut d’abord que je vous expose mon idée de l’Europe.

-Aïe… Faites vite, mon neveu passe me prendre dans une demi-heure.

-Dix secondes suffisent : une Europe totalement intégrée, une sorte de nation-continent de l’Atlantique à l’Oural et de Helsinki à Gibraltar. Et, pour unifier toutes ces populations, un hymne : la Marseillaise ; une monnaie : l’ancien franc ; une langue : celle de Molière ; un régime : l’Empire, avec le bourguignon comme poule au pot tous les dimanches.

-Mais quelle bobine, M’ame Michu, à la tête de ce grand machin ?

-Ne faites pas l’innocente, vous voyez très bien.

-Lui ?

-Je m’en vais de ce pas inscrire son nom en bleu blanc rouge sur le bulletin de Dieudonné.

-Ça fera un nul.

-Je ne vous le fais pas dire.

Arion