La liste….

Publié le 07 juin 2009 par Drzz

Ainsi, la ligne a été franchie, la liste validée qui nous ramène aux années trente. A Darquier s’affichant « candidat antijuif ». Et plus en amont encore, à Max Régis, maire d’Alger en 1900, à Drumont, député d’Algérie en 1898, aux « bouchers de la Villette » et au Jules Guérin de « fort Chabrol ».


Ainsi, pour la première fois depuis l’avant guerre, une liste dont le seul programme est la haine des Juifs aura droit de cité en Ile de France, validée par les autorités de la République.

Ses bulletins et ses tracts seront adressés à chacun, ses affiches auront droit d’exposition légale deux semaines durant.


C
hacun recevra chez lui un appel à « désioniser la France ». Traduction post-Auschwitz : à la « désenjuiver ».

Depuis vingt ans, voire davantage, on a martelé le devoir de mémoire. On nous a encouragé à enseigner l’histoire. On s’est étourdi de la religion civile du « plus jamais ça », ce viatique d’impuissants.


Et « ça » est là, et chacun dort en paix quand cette seule idée devrait nous ôter le sommeil pour longtemps.

« France, ma patrie… » écrivait Henri Irénée Marrou au temps de la torture en Algérie. Et Aragon, seize ans plus tôt, avait dit le chagrin des Ponts de Cé, « ô ma France, ô ma délaissée ».


A
ujourd’hui que le navire prend eau de toute part, je ressens, dans l’intime, l’automne 1940 de Charles d’Aragon et de Pierre Brossolette, de Geneviève de Gaulle et d’Anne Lise Postel Vinay.

Et de tous les autres.


Le rideau est tombé sur la scène de ce pays. Ce n’est pas l’histrion et sa troupe famélique de haineux qui m’importent, ni même qui m’inquiètent.

C’est la démission de ce qu’auraient dû être les élites de ce pays.


Georges Bensoussan © Primo, 4 juin 2009

Historien, attaché au Centre d’histoire de l’Europe centrale, Université Paris IV Sorbonne.
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