L’examen de l’article 20 habilitant le Gouvernement à réformer la biologie médicale a eu lieu dans l’enceinte du Sénat dans la nuit du mercredi 3 juin 2009.
Le Sénateur Alain Milon, rapporteur a rappelé en préambule les enjeux de la réforme : obtenir la meilleure qualité d’examens possible au moyen de l’accréditation et préserver le caractère médical de l’exercice d’une discipline indispensable qui ne doit pas être soumise au droit de la concurrence que pourrait imposer la CJCE.
Comme d’autres spécialités médicales, la biologie médicale nécessite des actes techniques de plus en plus sophistiqués et coûteux. Sous ce prétexte, des eurotechnocrates et des financiers peu scrupuleux veulent réduire cette spécialité aux seuls actes techniques et la considérer comme une prestation de service, dans le but principal de générer à court terme des profits issus d’une financiarisation du capital des laboratoires et d’une industrialisation technique.
La dernière version du projet d’ordonnance ayant été communiqué par Mme La Ministre à l’ensemble des commissaires des Affaires Sociales, c’est donc une assemblée pleinement éclairée sur le contenu du projet de loi qui a examiné l’article 20. Le recours à l’Ordonnance, pratique peu appréciée par le Parlement, a été de nouveau justifiée par la « technicité » du projet nécessitant une parfaite cohérence.
Le recours à l’Ordonnance pour réformer en profondeur l’exercice d’une profession médicale à elle seule responsable de 80% des diagnostics médicaux a apparu pour certains sénateurs trop risqué et contraire à l’esprit de la loi de modernisation des institutions de la République du 23 juillet 2008 replaçant les chambres parlementaires au cœur des décisions politiques. Les différents amendement visant à supprimer l’article 20 pour préserver l’application de certains dogmes libéraux à la Biologie Médicale et présentés par Le Sénateur François Autain ont néanmoins été rejetés.
Le Sénateur Dominique Leclerc a fait valoir que l’ensemble des amendements déposés (et qui vont être exposés dans cet article) visaient à protéger la spécialité médicale de la Biologie Médicale, ses conditions d’exercice et son avenir : qualité, indépendance et compétence des professionnels, proximité et permanence des soins. La profession doit pouvoir se réformer dans un cadre réglementaire strict, en préservant l’indépendance de la biologie médicale et en donnant aux biologistes les moyens de s’organiser pour financer leurs collaborations professionnelles, pour respecter les exigences de qualité et pour favoriser l’intégration des jeunes biologistes dans le capital des sociétés d’exercice libéral des laboratoires.
En tout, 17 amendements ont étés déposés et examinés, en partie grâce au concours du SJBM. 10 ont été retirés, sans qu’ils soient soumis au vote, 4 ont été rejetés à l’issue du vote, 2 n’ont pas été présentés (suppression de l’article 20), un seul a été adopté, ajoutant un 9eme alinéa à l’article 20.
Par souci de clarté, la présentation des amendements ne suit pas l’ordre chronologique de leur examen en séance.
DIRECTION DU LABORATOIRE
L’amendement 764 visait à garantir l’autorité du médecin biologiste ou du pharmacien biologiste sur l’activité du laboratoire de biologie médicale et éviter les conflits d’intérêts en interdisant toute détention directe ou indirecte de tout ou partie du capital social d’une société exploitant un laboratoire à toute personne physique ou morale exerçant sous quelque forme que ce soit les professions ou activités visées à l’article 12 du décret n° 92-545 du 17 juin 1992 (activité de fournisseur, distributeur ou fabricant de matériel ou de réactifs d’analyses de biologie médicale, entreprises d’assurance et de capitalisation, organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale obligatoires ou facultatifs, établissements de santé, sociaux et médico-sociaux de droit privé).
Le rapporteur a fait valoir que le texte proposé par le projet d’ordonnance pour l’article L. 6211-6 du code de la santé publique place l’activité du laboratoire sous l’autorité du biologiste responsable, et pour l’article L. 6223-4 du même code, qui impose qu’un biologiste responsable détienne une part du capital social et qui interdit à plusieurs personnes et entreprises de détenir une part de ce capital, satisfait pleinement l’amendement n° 764.
Le SJBM en prend acte et sera attentif à la rédaction de l’Ordonnance afin qu’aucun conflit d’intérêt ne puisse mettre en péril la gouvernance et l’autorité réelle des biologistes en exercice au sein de leur Laboratoire.
L’amendement n° 195, présenté par le Sénateur Le Menn et soutenu par la commission des affaires sociales vise à garantir un nombre de biologistes co-responsables au moins égal au nombre de site du laboratoire.
L’amendement n° 769, présenté le Sénateur Jean-Pierre Godefroy prévoit que, dans les laboratoires de biologie médicale comportant plusieurs sites, chaque site doit être dirigé par au moins un médecin biologiste ou un pharmacien biologiste associé exerçant à titre libéral. Cet amendement vise à apporter une précision garantissant le caractère libéral de l’exercice de la biologie médicale privée en évitant que des biologistes ne puissent posséder plusieurs sites avec des biologistes salariés à leur tête.
La Ministre a rassuré les Sénateurs en déclarant qu’il était capital de garantir un nombre de biologistes médicaux en adéquation avec l’activité exercée au sein du laboratoire. « Il est essentiel que, sur chaque site d’un laboratoire, il y ait un biologiste médical, médecin ou pharmacien, présent aux heures d’ouverture du site. Il est prévu de préciser, dans le projet d’ordonnance, que le nombre de biologistes médicaux détenant une fraction du capital social d’un laboratoire de biologie médicale constitué sous la forme d’une structure privée à but lucratif soit au moins égal au nombre de sites. »
Les deux amendements n°764, 195 et 769 ont donc été retirés, à la condition que figurent dans l’ordonnance ces dispositions essentielles, comme la Ministre s’y est engagée.
Enfin, l’amendement n° 767, présenté par le Sénateur Cazeau, visant à affirmer qu’un laboratoire de biologie médicale ne peut être autorisé à fonctionner que sous la direction et la responsabilité d’un médecin ou pharmacien spécialiste en biologie médicale à l’exclusion de toute autre dénomination, ou le cas échéant d’un professionnel de santé européen ayant des diplômes équivalents. Il fut également satisfait et donc retiré.
FORMES SOCIETALES D’EXERCICE
L’amendement n° 1272, présenté par M. Milon, au nom de la commission, prévoit de limiter les formes d’exercice de la biologie médicale aux sociétés civiles professionnelles et aux sociétés d’exercice libéral et prévoir les mesures transitoires nécessaires pour la conversion sous l’une de ces deux formes des autres sociétés existantes.
L’amendement n° 145 de M. Leclerc, auquel la commission a également donné un avis favorable dispose que les LABM privés doivent être exploités en nom propre ou sous la forme d’organismes à but non lucratif, de sociétés civiles professionnelles régies par la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ou de sociétés d’exercice libéral régies par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, ou de sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée qui, à la date de publication de la présente loi, exploitent un laboratoire de biologie médicale dans les conditions fixées à l’article L. 6212-4 du code de la santé publique devront, dans le délai d’un an suivant la publication de la loi ratifiant l’ordonnance prévue au présent article, transférer cette exploitation à une société ou à un organisme relevant de l’une des catégories mentionnées au présent alinéa.
Cet amendement vise les structures juridiques autorisées pour l’exploitation de laboratoires : les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d’exercice libéral, ou SEL, ces dernières devenant maintenant la forme privilégiée d’exploitation. Les sociétés de droit commun – sociétés anonymes ou SARL – parce qu’elles ne sont pas susceptibles d’être inscrites à un ordre professionnel ni soumises aux devoirs déontologiques et aux éventuelles procédures disciplinaires correspondantes, sont exclues de cette possibilité.
Ce dernier amendement n°145 fut adopté.
CAPITAL ET DROIT DE VOTE
L’amendement n° 146, présenté par le Sénateur Leclerc, vise à interdire les actions de préférence mentionnées à l’article L. 228-11 du code de commerce dans les sociétés exploitant des laboratoires de biologie médical afin d’éviter la financiarisation de la profession.
Les actions de préférence peuvent conférer à leurs détenteurs des droits particuliers leur assurant au sein de la société une position prépondérante. Or, le risque de voir des associés, personnes physiques ou morales, n’exerçant pas la profession ou le faisant en dehors de la société, se partager l’essentiel des dividendes, quelle que soit leur part dans le capital, est contraire aux principes déontologiques. De telles actions n’ont pas leur place dans des sociétés spécialement conçues pour permettre à des professionnels libéraux de santé l’exercice en commun, et en toute indépendance, de leur profession.
Cet amendement fut retiré.
L’argumentaire développé par Mme La Ministre s’est basé sur le risque de priver les biologistes médicaux d’une possibilité intéressante de s’attribuer des actions préférentielles assorties de droits de vote doubles leur permettant d’avoir plus de droits de vote qu’ils n’ont de participation au capital. La majorité en droit de vote pourrait être de cette façon toujours assurée, même en cas de participation ultra minoritaire au capital social, de manière à rester pleinement maîtres des décisions relatives au fonctionnement du laboratoire de biologie médicale. La deuxième partie de la démonstration est moins évidente. La ministre déclare qu’interdire les actions de préférence serait contraire au droit des sociétés, l’article L. 228-11 du code de commerce concernant toutes les sociétés commerciales, quelle que soit l’activité exercée. Il n’existe donc aucune justification de nature à restreindre à certains secteurs d’activité la possibilité de prévoir l’attribution d’actions de préférence.
Etant donné la récente interdiction des formes d’exercice commerciale SA et SARL de l’exploitation des laboratoires, cet argument paraît quelque peu anachronique.
L’amendement n° 196, présenté par le Sénateur Leclerc concerne le tristement célèbre second alinéa de l’article 5-1de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales concernant l’application des décrets en Conseil d’État.
En effet, historiquement, l’application de cet article dans le domaine médical a permis à certains fonds financiers de prendre possession en partie de SEL de laboratoires. Il a également permis la constitution de chaînes de laboratoires ayant pour seule vocation de maximiser leur productivité, au mépris du système de protection sociale et, souvent, de certaines règles déontologiques. De plus, l’artifice utilisé est d’ores et déjà applicable à toutes les SEL médicales. Son application dans le domaine de la santé en général, et de la biologie en particulier, est de nature à porter atteinte à l’exercice de ces professions, au respect de l’indépendance de ses membres ainsi qu’aux règles déontologiques qui leur sont propres.
Cet amendement, pourtant crucial dans la conduite de la réforme, fut retiré.
Mme La Ministre a déclaré que les décrets d’application sont de nature réglementaire et ne relèvent pas du domaine législatif. La Commission européenne a par ailleurs traduit la France devant la CJCE sur les restrictions à l’accès au capital des laboratoires de biologie médicale. Comme les décrets d’application de ce type doivent être notifiés à la Commission européenne, la tentative pourrait apparaître comme déplacée par la CE. La Ministre reporte donc sa décision sur le 5.1 et se tourne vers la CJCE, arguant qu’il sera toujours temps de revenir par voie réglementaire sur ce sujet quand le verdict sera rendu.
L’amendement n° 768, présenté par M. Yves Daudigny prévoit que le nombre de sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale dans lesquelles une même personne physique ou morale peut détenir des participations directes ou indirectes soit limité à deux.
La législation et la réglementation actuelles permettent déjà, mais de façon incomplète, de limiter le nombre de participations qu’une même personne physique ou morale peut détenir directement ou indirectement dans des sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale. Cette limitation concerne les professionnels ou leurs ayants droit mais ne s’applique pas aux non-professionnels. Cette faille de la législation actuelle est utilisée par certains groupes d’investisseurs. Des groupes financiers peuvent ainsi prendre des participations dans la limite de 25 % du capital dans un nombre illimité de sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale. Cette possibilité, combinée à certains montages, permet d’aboutir à un résultat contraire à l’esprit de la loi.
Cet amendement fut retiré pour les mêmes raisons, en raison du contentieux européen en cours.
Le projet de réforme vise en outre à empêcher, notamment, qu’une fragilité d’un investisseur ne mette en péril l’offre locale de biologie sur un territoire de santé ou les territoires contigus, puisqu’une personne physique ou morale ne peut détenir directement ou indirectement une fraction du capital social dans plusieurs laboratoires de biologie médicale situés sur un même territoire de santé ou sur des territoires de santé contigus. La limitation locale, dont le but est cette pluralité de l’offre sur un territoire et la non-fragilisation de l’offre sur le territoire de santé dans le cas où un laboratoire commettrait une erreur stratégique ou perdrait son accréditation, est suffisante et proportionnée au but recherché, sur le plan de la santé publique.
L’amendement n° 770, présenté par Le Sénateur Jean-Luc Fichet prévoit que, dans les sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale, plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue, directement ou indirectement, par des médecins biologistes ou pharmaciens biologistes exerçant au sein du laboratoire.
La suppression du 6° sur l’ouverture du capital était indispensable, mais elle ne suffit pas à elle seule, en l’état actuel de la législation, à atteindre le but recherché, comme le démontrent les montages réalisés par des groupes financiers afin de s’assurer la prise de contrôle de laboratoires de biologie médicale.
Cet amendement fut voté mais ne fut pas adopté pour les mêmes raisons.
La Ministre a ajouté que cette mesure pourra parfaitement, après concertation, être prise par voie réglementaire à l’issue du jugement de la CJCE.
ORGANISATION DU LABORATOIRE
L’amendement n° 765, présenté par Le Sénateur Cazeau visait à limiter le nombre de sites d’un laboratoire à cinq avec obligation pour chaque site d’avoir une activité technique réelle prouvée à l’exception de la simple urgence, afin que des regroupements de laboratoires puissent rester à taille humaine et soient compatibles avec l’exercice libéral.
L’amendement fut retiré pour deux raisons. La première est que la présence d’un biologiste par site limite naturellement le nombre de site d’un laboratoire de biologie médicale. La seconde est que le nombre de sites se trouve déjà limité, puisque le projet d’ordonnance prévoit que les sites d’un laboratoire de biologie médicale devront être implantés sur une zone déterminée dans la logique d’une offre territoriale de soins.
L’amendement n° 766, présenté par le Sénateur Daudigny s’interroge sur l’opportunité de maintenir le principe des contrats de collaboration tel que défini à l’article L. 6211-5 du code de la santé publique.
Il fut retiré après explication de la Ministre. Dans la configuration actuelle, le contrat de collaboration présente de vraies faiblesses : certains laboratoires sont des guichets de prélèvements, les examens étant en réalité effectués par un autre laboratoire qui n’a pas alors la maîtrise de l’ensemble des examens, du prélèvement au rendu du résultat interprété. La possibilité de mutualisation, indispensable pour certaines analyses extrêmement spécialisées, prendra la forme d’un contrat de coopération défini ainsi : « contrat signé entre deux laboratoires de biologie médicale situés sur un même territoire de santé ou sur deux territoires de santé contigus ou sur des territoires de santé définis par le SROS en vue de la mutualisation réciproque de moyens pour la réalisation de la phase analytique d’examens de biologie médicale déterminés. »
Il est en effet prévu dans la réforme que chaque laboratoire de biologie médicale s’organise pour pouvoir maîtriser et réaliser tous les examens de biologie médicale et a minima la biologie médicale courante.
QUALITE
L’amendement N° 783, présenté par M. Jacky Le Menn, visait à « assouplir » la réglementation qualité en laissant le système d’assurance qualité au libre choix du Laboratoire et sous le contrôle de la HAS.
Il a fait valoir la disproportion entre le caractère obligatoire de la norme ISO15189 (qui relève de la démarche volontaire partout ailleurs en Europe) et la globale qualité de la biologie médicale française (contrôle qualité mis en place depuis plus de 30 ans, GBEA (guide de bonne exécution des analyses) depuis 1994, Bio Qualité, contrôle de qualité national obligatoire, inspection et sanction administrative en cas de manquement). La biologie française est unanimement reconnue comme étant l’une des meilleures en Europe et une des disciplines médicales les plus avancées en matière d’assurance qualité. L’instauration d’un système d’assurance qualité unique lié exclusivement à une accréditation est extrêmement difficile à mettre en place pour tous les laboratoires de biologie médicale ; il aboutit à des excès de procédures inutiles, le plus souvent de nature purement industrielle, et peu adaptées au domaine médical et mettrait en très sérieuse difficulté une grande partie des laboratoires car totalement inabordable financièrement en coûts directs et indirects. Le fait qu’un seul organisme soit habilité à délivrer une accréditation – en France, le COFRAC – qui entend faire appliquer la norme européenne 15189 place l’organisme dans une situation de monopole qui paraît abusive. Une concurrence entre les différents systèmes d’assurance qualité mis actuellement à la disposition des laboratoires de biologie médicale est saine, source de progrès et d’émulation.
Cette question d’importance a été éludée très rapidement, le rapporteur a signalé que le texte proposé par le projet d’ordonnance pour l’article L. 6221-1 du code de la santé publique prévoyait un système d’accréditation sous l’égide de la HAS, tandis que les dispositions prévues pour l’article L. 6221-2 du même code instituaient des contrôles extérieurs sous l’égide de l’AFSSAPS. Ce dispositif était suffisant. Il garantit la qualité des examens de biologie médicale. Par ailleurs, les professionnels peuvent recourir à l’assurance de leur choix (?).
Mme la Ministre Roselyne Bachelot a complété le propos, ne trouvant pas trouvé opportun de procéder à la « libéralisation » des organismes d’accréditation, un seul organisme public indépendant devant se porter garant des procédures d’accréditation. Elle a par ailleurs affirmé le rôle essentiel de la HAS dans le système d’assurance qualité des laboratoires. La mise en œuvre de l’accréditation se fera en lien étroit avec cette instance, qui travaillera avec le COFRAC, le Comité français d’accréditation, c’est-à-dire l’organisme public chargé de cette mission, afin non seulement de garantir la cohérence des procédures suivies avec la politique nationale de santé, mais aussi d’élaborer le manuel d’accréditation, appelé « Document d’exigences spécifiques pour l’accréditation des laboratoires de biologie médicale ». La commission ainsi que le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement et il a été rejeté au terme du vote.
EXERCICE DES VETERINAIRES
L’amendement n°184 présenté par le Sénateur Beaumont, vétérinaire de profession, visait à maintenir la possibilité (spécifiquement française) pour les vétérinaires de se spécialiser en biologie médicale.
L’argumentation a été double. Leur éviction a apparu nécessaire d’abord d’un point de vue réglementaire. Les vétérinaires n’étant pas reconnus comme les membres d’une profession médicale, s’ils peuvent avoir la responsabilité de diriger un laboratoire de biologie médicale, les instances européennes risque d’affirmer que la Biologie Médicale n’est pas en France une profession de santé mais une prestation de service, et la directive dite « Bolkestein » s’appliquera à la Biologie Médicale, ce qui fera courir un risque énorme à la profession. Le deuxième argument, plus évident, relève du fait de la médicalisation de la biologie médicale. Il ne peut être confié à un professionnel qui ne connaît pas la médecine humaine la responsabilité d’actes médicaux tels que le rendu d’analyses médicales. Rien dans les études vétérinaires ne concerne en effet la connaissance de l’Homme. Le titre de biologiste médical doit être réservé aux professionnels de santé, c’est-à-dire aux docteurs en médecine et en pharmacie spécialisés en biologie médicale ou, le cas échéant, aux personnes possédant des qualifications professionnelles reconnues comme équivalentes, selon une procédure définie, et dont la formation concerne la prise en charge de patients humains.
Dans le cadre d’une biologie médicale centrée sur le patient humain, il est donc mis fin aux rares procédures dérogatoires d’exception qui donnaient aux vétérinaires diplômés un accès au titre de biologiste médical, excepté pour les vétérinaires exerçant actuellement les fonctions de directeur ou DA de laboratoire ou pour ceux entrés effectivement en spécialisation de biologie médicale avant la date de promulgation du texte portant la réforme.
Le DES de biologie médicale, en tant que formation complémentaire et seul diplôme qualifiant dans ce domaine en France, restera bien sur ouvert aux vétérinaires.
L’article 20 a donc été adopté sous cette nouvelle forme :
Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi, réformant les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale et visant à :
1° Harmoniser les dispositions applicables aux laboratoires de biologie médicale publics et privés ; 2° Mieux garantir la qualité des examens de biologie médicale, notamment en mettant en place une procédure d’accréditation des laboratoires ; 3° Définir les missions du biologiste, du laboratoire de biologie médicale et du personnel technique dans le cadre du parcours de soins du patient, en assurant l’efficacité des dépenses de santé ; 4° Instituer les mesures permettant d’assurer la pérennité de l’offre de biologie médicale dans le cadre de l’organisation territoriale de l’offre de soins ; 5° Éviter les conflits d’intérêts et garantir l’autorité du biologiste responsable sur l’activité du laboratoire de biologie médicale ; 6° (Supprimé) 7° Adapter les missions et prérogatives des agents habilités à effectuer l’inspection des laboratoires de biologie médicale ; 8° Adapter le régime des sanctions administratives et pénales ; 9° (nouveau) Disposer que les laboratoires de biologie médicale privés doivent être exploités en nom propre ou sous la forme d’organismes à but non lucratif, de sociétés civiles professionnelles régies par la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ou de sociétés d’exercice libéral régies par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, ou de sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée qui, à la date de publication de la présente loi, exploitent un laboratoire de biologie médicale dans les conditions fixées à l’article L. 6212-4 du code de la santé publique devront, dans le délai d’un an suivant la publication de la loi ratifiant l’ordonnance prévue au présent article, transférer cette exploitation à une société ou à un organisme relevant de l’une des catégories mentionnées au présent alinéa.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Mme La Ministre a précisé que l’ordonnance devra être ratifiée explicitement par le Parlement.
Les principaux points positifs sont évidemment la place centrale réservée à la médicalisation de la biologie, Mme la Ministre tient régulièrement des propos rassurants à l’égard de notre spécialité « le biologiste médical responsable est un élément indispensable de l’équipe soignante et a un réel contact avec le médecin », « Le biologiste médical est évidemment responsable de la qualité de toutes les étapes de l’examen, du prélèvement jusqu’au compte rendu du résultat validé et interprété en fonction des éléments pertinents que le clinicien lui aura communiqués » « C’est un spécialiste qui noue un véritable contact avec le malade, qui lui parle, qui évoque sa pathologie, qui fait partie d’une équipe soignante ».
Nous sommes très loin des récentes déclarations d’un PDG que nous aurons « l’indécence » de ne pas nommer! « La biologie n’est pas un acte médical mais une activité de service ». Chant du cygne ou clairvoyance cynique ?
Ce qui est sur, c’est que le rejet de tous les amendements visant à définitivement écarter les financiers de la conquête de notre discipline fait reporter la décision à 18 mois avec le verdict de la CJCE.
La jurisprudence en rapport avec le récent verdict sur la propriété des officines laisse penser que la CE pourrait affirmer que la France peut restreindre l’ouverture du capital de ces laboratoires dans un souci proportionné de sauvegarde de la santé publique.
Mme La Ministre a déclaré lors de la séance « Les défenseurs de la détention du capital par les professionnels siègent du côté droit de l’hémicycle. Si des doutes peuvent parfois exister, tel n’est pas le cas sur ce point ! »
Dans ce cas, le SJBM veillera à ce que le processus législatif reprenne son cours sitôt le verdict rendu et qu’enfin, 30 ans après la loi de 1975, une loi digne de l’enjeu que représente le développement de la Biologie Médicale du 3ème millénaire voit enfin le jour.
Cette biologie, nous l’appelons de nos vœux, ne sera pas financière mais praticienne et innovante, le patient en permanence au centre de nos préoccupations.
En attendant, les professionnels biologistes se trouvent face à un véritable défi et vont devoir aborder les prochaines mois avec détermination, volontarisme et pragmatisme. La jeune génération de biologiste a plus que jamais un rôle capital à jouer dans cette logique, laissons lui toute la place qu’elle mérite.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme (François Rabelais, extrait de Pantagruel)