Seul Nicolas Sarkozy reste serein. La remise d'un rapport "consensuel" sur la réforme des lycées, des meetings à répétition, une belle division de l'opposition, et une visite d'Obama pour booster sa stature de chef d'Etat européen la veille du scrutin lui donnent quelques motifs de satisfaction: le scrutin de dimanche a été "neutralisé" comme prévu.
Descoings présente bien
Difficile de critiquer la démarche de Richard Descoings, le directeur de Sciences Po mandaté par Sarkozy pour proposer une nouvelle réforme du lycée. Ses recommandations, rendues mardi, ont suscité une approbation polie. Après tout, la tournée de près de 80 lycées depuis 5 mois lui ont donné une vision assez claire de la situation. Xavier Darcos souhaitait simplement réduire les cours obligatoires. Richard Descoings arrive avec d'autres conclusions : un catalogue à la Prévert, souvent très juste, qui propose de favoriser l'autonomie des élèves, d'accompagner leur orientation en intégrant davantage le monde professionnel, de rééquilibrer les filières, et de rénover les enseignements en revalorisant notamment les activités extra-scolaires, le dialogue sur les programmes ou développer de nouveaux apprentissages comme la prise de parole ou la rédactiuon de CV. Qui est contre ? Les plus dubitatifs jugeront que ces belles intentions sont très éloignées des préoccupations gouvernementales; que ce n'est pas le premier "Grenelle" qui ne déboucherait sur ... rien. Richard Descoings valide partiellement les intentions initiales de Nicolas Sarkozy (réduire la "charge de travail", et donc les moyens, par la réduction des cours communs, ou l'allègement du nombre d'heures hebdomadaires en classe). Mais il argumente, en contre-partie, pour davantage d'activités extra-scolaires ou culturelles et sportives, de stages, d'information, de césures, etc. Avec quels moyens ? On ne sait pas. On sait simplement que Nicolas Sarkozy a promis d'appliquer "tout ou partie" de ses recommandations dès la rentrée de septembre 2010. "Tout ou partie"...
Sarkozy disperse l'opposition
Le président français a bien préparé son coup. Sylvie Pierre-Brossolette, dans le Point, juge qu'il est parvenu à neutraliser l'élection européenne. Le scrutin de dimanche aurait pu se transformer en un référendum contre ses échecs, à l'instar des désastreuses élections municipales de mars 2008. L'UMP a tardé à dévoiler ses listes, et donc soigneusement évité de plonger dans le débat de fonds. Elle a aussi solidifié son camp, en récompensant d'une place ici ou là les différentes composantes de ses maigres légions, et surtout en remettant la lutte contre l'insécurité et l'immigration sur le devant de la scène, deux sujets qui ont peu à voir avec les urgences européennes du moment. Du côté de l'opposition, la division fut de mise. L'UMP semble assurée d'arriver en tête, même si les trois quarts des suffrages lui seront défavorables. Tandis qu'elle prenait le chef de l'Etat comme tête de gondole de sa campagne, ce dernier s'est bien gardé d'évoquer les sujets européens (crise écologique, protection sociale, investissements publics, défense européenne). Dimanche avec Angela Merkel, mercredi contre l'Iran, jeudi à Bordeaux, samedi avec Obama, Nicolas Sarkozy a préféré intervenir sur des sujets internationaux, ou appeler à voter. Il reste serein. Ce n'est pas grave si la campagne est ratée.
Mardi soir, 5 ministres s'affichaient en campagne à Clermont-Ferrand, devant 1800 militants UMP, dans une salle à demi-vide. L'abstention est déjà au rendez-vous du parti majoritaire. Jusqu'au bout, la Sarkofrance au pouvoir tente de faire illusion: Nicolas 1er serait celui qui a sauvé l'Europe de la crise. Pourtant, même le très modéré quotidien Le Monde confirmait ces derniers jours notre analyse: l'action présidentielle en Europe a produit des résultats... inattendus: son action sur l'invasion russe de l'imprudente Géorgie en août dernier a consisté à faire accepter l'irrémédiable en prétendant le contraire. Quand la crise financière frappa les esprits en septembre, Nicolas Sarkozy resta coi, puis tenta "d'organiser la cohue". Chacun des pays européens alla de son plan de relance. Voici "l'Europe retrouvée" que défend le président... Plus tard, il tenta même de nous faire croire que le G20 de Londres, en avril dernier, avait supprimé les paradis fiscaux et moralisé le capitalisme. Faut-il prendre des vessies pour des lanternes ?
Tout le monde n'est pas resté aussi serein. Rachida Dati, puis François Bayrou ont dérapé cette semaine. L'exaspération frappe donc aussi nos politiques. La première s'est lâchée contre un journaliste de RTL dimanche dernier. Ce dernier insistait sur son probable absentéisme à la mairie du 7ème arrondissement de Paris, quand elle serait élue à Strasbourg. La Garde des Sceaux sort de ses gonds: "Allez-vous faire foutre". Comme le journaliste insistait une troisième fois, la voici qui ajoute: "Et ta mère, elle s'intéresse au VIIème arrondissement ?" Bel exemple ! Il paraît qu'elle plaisantait... La justice a deux visages que la Justice ne comprend pas. Jeudi prochain, une landaise, mère de famille, est convoquée au commissariat de Dax. Son crime ? Elle a commenté une video sur Dailymotion figurant Nadine Morano de la remarque suivante: "Hou la menteuse". Nadine Morano a déposé plainte début février. "Insultes publiques" est la qualification judiciaire qu'il convient donc d'accabler la citoyenne énervée...
François Bayrou, lui, a glissé sur la pente dangereuse de la calomnie à l'encontre de Dany Cohn Bendit. Jeudi soir sur France 2, il n'a pas supporté le mauvais sondage du jour (qui donnait Europe Ecologie devant le Modem). Exaspéré lui aussi, ou victime du virus de l'Elysée ? Le soir même, sur le plateau de France 2, Xavier Bertrand se frottait les mains, tranquille et heureux de ces chamailleries.
De son côté, le président français a tout fait pour préserver sa photo avec Obama sur les plages de Normandie samedi 6 juin. Il a insisté pour un dîner, un repas, un tête à tête, une rencontre informelle avec épouses et bien sûr photographes. Obama hésite. Il fait remarquer que le Monarque a oublié d'inviter la Reine d'Angleterre aux cérémonies du 65ème anniversaire du débarquement allié en Normandie. Il reste discret sur son séjour à Paris. Le Figaro nous explique: «Pour l'instant, on n'a pas de programme», s'agace-t-on au palais. Finalement, Obama n'a rien concédé, et limité sa présence française au strict minimum . Pour ses soirées de vendredi et samedi, il est resté en famille. Affront suprême, il a même passé sa soirée à quelques mètres de l'Elysée, à l'ambassade américaine. Pire, il a fait savoir qu'il espérait rencontrer ... Jacques Chirac !
Mais Nicolas tient à sa photo. Samedi matin, Barack et Michèle Obama ont retrouvé le couple Sarkozy à Caen. Devant la préfecture du Calvados, la foule était composée de quelques 300 militants UMP triés sur le volet. Sarkozy a eu sa photo, une micro-conférence de presse (une dizaine de minutes), et un "déjeuner de travail". Lors de sa courte "conférence de presse", Obama s'est excusé de son planning trop chargé pour rester avec Sarkozy: "de bons amis ne se préoccupent pas des symboles, des conventions et des protocoles". Visiblement énervé par une polémique grandissante, Sarkozy a cru bon de rajouter : "Vous croyez qu'on n'a pas autre chose à faire que de belles photos sur papier glacé ?" Non, nous sommes même assez sûrs que tu ne penses qu'à ça depuis des semaines, Cher Président... Sarkozy cherche surtout à masquer les désaccords qui se multiplient avec son homologue américain : après l'adhésion de la Turquie à l'Europe et la relance mondiale, voici qu'Obama a provoqué la France sur deux sujets bien précis lors de son discours au Caire, jeudi 4 juin: le port du voile, qu'il légitime, et la "diplomatie nucléaire". Sarkozy a étouffé le premier point en expliquant que "en France, toute jeune fille qui veut porter le voile peut le faire", "hors dess guichets de l'administration" sans évoquer son interdiction dans les écoles publiques. Sur le second point, Barack Obama avait été très explicite en prenant l'"engagement à ce (...) qu'aucun pays n'ait la bombe atomique." Depuis 2007, Nicolas Sarkozy est allé vendre notre technologie nucléaire à une belle brochette de pays plus ou moins politiquement stables et démocratiques (Libye, Syrie, Gabon, Algérie, etc). A Caen, Nicolas Sarkozy a botté en touche en expliquant que la France et les Etats Unis ne voulaient pas que l'Iran dispose de l'arme nucléaire, mais que l'Iran pouvait développer son nucléaire civil sous contrôle de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique.
L'avant-veille du 6 juin, le dernier meeting de l'UMP fut l'occasion de diffuser un joli clip à la gloire du Monarque. Quelques images d'un Nicolas Sarkozy au côté de son homologue américain Barack Obama, filmée lors du 60ème anniversaire de l’Otan.
Récupération, quand tu nous tiens...
Mais la France reste exaspérée...
En fin de semaine, Nicolas Sarkozy a failli dérapé. Mais les médias, trop occupés à la polémique Bayrou/Cohn-Bendit, n'ont qu'à peine relever ses deux dernières provocations sociales. Jeudi, il s'est d'abord permis de louer sa réforme de la recherche. Intervenant au 39ème Congrès de la Mutualité Française à Bordeaux, il a aussi annoncé la couleur d'une nouvelle "rupture" : "la croissance de notre économie, même quand nous serons sortis de la crise, ne permettra sans doute pas aux régimes de protection sociale de base de couvrir l'intégralité des nouveaux besoins". Le voici qui suggère que les mutuelles prennent le relais de l'assurance maladie pour l'indemnisation des longues maladies. Et pour les 5 millions de Français qui n'ont pas de mutuelles ?
Sans rire, on murmure également que Nicolas Sarkozy voudrait proposer un "pacte mondial pour l'emploi" au prochain sommet du G20 programmé le 24 septembre prochain à Pittsburgh, aux Etats-Unis. Pourrait-il déjà s'occuper du chômage en France et en Europe ? Lundi, les RMIstes ont disparu, remplacés aussitôt par les RSAistes. Le Revenu de Solidarité Active, l'unique mesure sociale d'envergure de la mandature sarkozyenne, entrait en vigueur. Il était temps. Quelques 183000 personnes ont été précipitées au chômage partiel au cours du premier trimestre. Le taux de chômage s'est établi à 9,1% de la population active, celui des jeunes a dépassé les 22%. Le pôle emploi est débordé. Laurent Wauquiez demande une trêve dans les critiques, à la faveur du crash de l'Airbus d'Air France. S'est-il trompé de poste ? Le Secrétaire d'Etat à la Compassion devrait se tourner vers les ordres. On craint 3 millions de chômeurs dans la seule catégorie A à la fin de l'année...
Une élection manipulée, une France exaspérée, un Président serein.
Ami sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss