Magazine Côté Femmes
En avant les petits Maestros !
Alors que l’un de nos plus éminents ténors, il signore Pavarotti, nous a quittés récemment, c’est avec émotion que nous livrons le fruit de notre enquête en mélomanie. On y découvre
qu’une sensibilisation précoce à la musique et à l’opéra constitue un important capital épanouissement, tant pour le bébé que pour l’adulte en devenir.
Paru le 20.09.2007, par Sandra de Vivies - http://madame.lefigaro.fr/
D. R.
Si les oreilles du fœtus se forment au tout début de la gestation, ce n’est qu’aux alentours de la 30e semaine que le système auditif s’avère fonctionnel. Comme l’a démontré le professeur
Alfred Tomatis (1), ce sont les sons, émis par la mère et venant de l’extérieur, qui permettent cette étape cruciale de l’éveil sensoriel.
La croyance populaire attribue aux airs de Mozart des effets positifs sur la vitalité, voire sur l’« intelligence », du fœtus. Image d’Épinal ou réalité physiologique ? Un peu les deux.
« Les bandes passantes de Mozart sont en effet bien perçues par le fœtus, mais sans facteur d’exclusivité par rapport à d’autres compositeurs. Et surtout, aucun n’égale la voix de la mère
fredonnant un petit air de rien du tout. Et si la mère éprouve du plaisir en écoutant une musique qui correspond à sa culture et à ses goûts, c’est tout bénéfice pour son bébé », assure Robert
Kaddouch, concertiste classique devenu consultant auprès du quai d’Orsay pour la mise en place de structures « petite enfance » au sein de conservatoires étrangers.
Connu du grand public pour ses cours de piano avec les bébés, ses multiples travaux sur l’audition fœtale et postnatale l’ont conduit à participer à un programme de recherche à l’hôpital de
Tarbes. « Le protocole consistait à donner de la caféine aux prématurés afin de maintenir leur seuil de vigilance. Et cela fonctionnait bien, à ceci près que la caféine rendait les nourrissons
irritables. Notre travail visait donc à substituer la musique à la caféine pour stimuler le fœtus sans effets secondaires », relate-t-il. Ce n’est là qu’une illustration des effets de la musique
sur l’humain.
D. R.
Des mélomanes en culottes très courtes
Dès sa naissance, le nouveau-né utilise les sons pour structurer l’espace environnant et communiquer avec ses proches. C’est cette part de substrat linguistique (un potentiel inné) qui
est utilisée dans les cours de piano pour bébés de l’Institut Kaddouch & Music. Pendant dix minutes, il explore les touches, sorte de terrain de jeu sonore jonché de figurines.
L’accompagnateur valide ses mouvements jusqu’à ce qu’ils prennent un sens dans un contexte donné. Par exemple, le bébé distingue un son produit avec un seul doigt d’un autre avec toute la main,
puis il fait des choix.
Ces mélomanes en culottes très courtes (dès 5 mois) continuent souvent la musique au sein même de l’école, qui se targue, contrairement à la plupart des pouponnières musicales, de suivre « ses »
enfants jusqu’à leur maturité. Ces derniers évoluent peu à peu vers un apprentissage technique, optant pour un instrument qui leur permettra, toute leur vie durant, de s’exprimer, d’extérioriser
leurs émotions, et de s’évader des stress ordinaires du quotidien.
Maud Vivien, musicienne, chanteuse et créatrice de l’association Au creux de l’oreille, qui propose des ateliers d’éveil musical pour les enfants et leurs parents, constate que ces activités
représentent aussi un temps privilégié pour la relation duelle. À l’aide de matériaux sonores, de petites percussions et de chansons, la jeune femme intervient par ailleurs dans les crèches, où
en peu de mots et beaucoup de « tic », « toc »,
« ding », etc., elle entre naturellement en interaction sonore avec les tout-petits. Les enfants plus grands sont, quant à eux, surtout avides de liberté. « À travers le plaisir d’improviser, ils
structurent leur langage sonore et développent une identité musicale », s’extasie encore Robert Kaddouch.
Christophe Hamm
L’opéra, un rôle éducatif et structurant
Mariette Edmond, directrice artistique du Conservatoire international de Paris, place, elle, la musique dans un contexte plus large de formation de l’individu. Elle considère en effet
qu’outre sa dimension créative, elle favorise la concentration et apprend à surmonter les difficultés. Chez les adolescents, qui affectionnent particulièrement les orchestres de chambre
(où l’on joue à plusieurs), elle semble même constituer un repère quand la puberté tend à faire vaciller la confiance en soi.
Un rôle éducatif et structurant que l’on retrouve aussi à l’opéra. « C’est un genre vivant qui ne s’est pas figé à l’époque de Mozart. Contemporain, il évoque, avec des moyens d’aujourd’hui, des
thèmes récurrents dans l’actualité comme la place de la femme ou les luttes de pouvoirs », explique Mathieu Rietzler, responsable du département jeune public à l’Opéra national du Rhin. Au
croisement de la musique, de la littérature, de la danse, du chant et des arts visuels, l’opéra constitue de fait une formidable clé d’entrée vers de nombreuses disciplines scolaires.
Fondé en 1996, le Réseau européen des services éducatifs des maisons d’opéra (Reséo) tisse une sorte de maillage pédagogique entre les programmateurs jeune public : cette organisation mutualise
et fait continuellement évoluer les pratiques. Ainsi, l’an dernier, une poignée d’opéras ont travaillé sur un nouveau genre : le Hip H’opera. Et à l’Opéra national du Rhin, où répètent chaque
semaine les petits chanteurs de Strasbourg, l’événement de la saison jeune public est Le Pont des ombres, d’Olivier Dejours, un opéra d’aventures intégralement joué par des enfants !
Difficile et élitiste la grande musique ? Pas pour eux.
(1) Le professeur Alfred Tomatis, oto-rhino-laryngologiste français, est à l’origine la méthode Tomatis
(www.tomatis-group.com), dont le but est de rééduquer notre écoute et d’améliorer ainsi nos capacités d’apprentissage et de communication.
Elle agit sur le comportement pour le modifier graduellement, lorsque c’est nécessaire, et entraîne, en général, un meilleur ajustement aux conditions sociales qui sont les nôtres.
Renseignements
Institut Kaddouch & Music, www.kaddouch-music.com
Plusieurs écoles en France et en Europe.
58, rue Boissière, 75116 Paris. Tél. : 01 47 27 38 68.
7, impasse Alfred-de-Vigny, 65000 Tarbes. Tél. : 05 62 37 07 08.
19, rue Galos, 64000 Pau. Tél. : 05 59 27 33 19.
À lire : Grandir en musique, de Robert Kaddouch (éd. Kaddouch & Music).
En vente sur le site.
Association Au creux de l’oreille, www.aucreuxdeloreille.com
Association AIMP (pouponnières musicales de Paris), www.academieintermusicaledeparis.fr
Conservatoire international de Paris (Cité internationale des Arts),
18, rue de l’Hôtel-de-Ville, 75004 Paris. Tél : 01 43 76 80 17. www.citedesartsparis.net
Conservatoires municipaux de la Ville de Paris, www.paris.fr
Opéra national du Rhin, www.opera-national-du-rhin.com
Reséo, www.opera-national-du-rhin.com ; www.reseo.org
À lire avec vos enfants : les ouvrages + CD audio de la collection
Gallimard Jeunesse Musique, et particulièrement Monsieur Hérisson a disparu : à la découverte du violon.