Magazine Politique
A l'occasion de la visite de Barack Obama, nous publions une fiche discours extraite de l'une de nos lettres hebdomadaires.
"Sarkozy the American" : pendant l'été 2007, ce titre est souvent apparu à la une des médias Américains. Le style du nouveau Président était une rupture manifeste. De surcroît, il venait de prendre comme Ministre des Affaires Etrangères l'une des rares personnalités politiques Françaises à ne pas avoir condamné la présence Américaine en Irak. C'est un Président qui passe alors ses vacances aux Etats-Unis, y rencontrant George Bush dans la maison familiale de Kennebunkport.
Il était manifestement loin ce 7 mars 2003 où Dominique de Villepin, dans son discours devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, s'opposait à la guerre en Irak.
A quoi tenait cette évolution ?
Il y avait probablement trois facteurs majeurs.
Le premier, le peuple américain a changé de position sur la question de la guerre en Irak et le maintien des troupes. La position initiale des Français devient donc plus compréhensible.
Le second, les Français ont choisi la rupture et le changement lors de la présidentielle de mai 2007. Les Américains pensent que Nicolas Sarkozy va tourner la page des fondamentaux de la politique gaulliste en matière de relations internationales.
Le troisième facteur concernait le sens global de l'Histoire. Au-delà de tensions ponctuelles, il faut d'abord constater que ces deux pays ne se sont jamais fait la guerre. Bien davantage, les Français ont aidé les Américains dans leur guerre d'indépendance tandis que les Américains sont venus en aide à la France pendant les deux guerres mondiales.
Cette réalité majeure doit permettre de dépasser des moments de différenciations fortes.
L'antiaméricanisme est apparu en France au milieu du 19ème siècle quand des intellectuels Français décrivent la société Américaine comme la puissance matérialiste faite d'une absence de culture et de triomphe de l'égoïsme individuel.
Les plus anti-américains ont été longtemps aux extrêmes, gauche ou droite d'ailleurs. Le journaliste Jean Cau a longtemps incarné l'anti-américain de droite dénonçant la contagion dans des termes violents à l'exemple de son livre Pourquoi la France (1975) : "nous devenons fous parce qu'on nous vole notre âme, parce que nous devenons autres, parce que l'Américain que nous ne sommes pas se glisse en nous".
Il est exact qu'une américanisation de la France est intervenue : musique, films, nourritures, vêtements … Des supports qui cultivent souvent une Amérique mythique faite de jeunesse, de liberté, de dynamisme, d'énergie, de vitalité, d'innovation.
Progressivement, deux identités se sont construites.
Avec la mondialisation, l'identité Américaine a pris un essor sans précédent. La France ne doit pas vivre cette situation avec repli et regret. Bien au contraire.
En 1976, à l'Université du Michigan, Françoise Giroud a prononcé l'un des plus beaux discours sur les relations entre la France et les USA. Un discours prémonitoire dans de très nombreux domaines à l'exemple des difficultés de l'Est. Elle l'a conclu par les mots suivants "même ceux qui souhaitent votre abaissement le redoutent parce qu'ils savent que, si vous laissiez tomber de vos mains le flambeau de la liberté, il s'éteindrait peut être pour des siècles".
Toutes ces considérations ont ensuite été nuancées par le premier déplacement de Barack Obama en France et par les conditions d'exercice de la Présidence Européenne par le Chef d'Etat Français.
Les observateurs ont vu dans ces deux circonstances une fierté Française qui ne promettait pas nécessairement des relations faciles.
Il est vrai que pour les autorités Américaines, les "relations faciles" sont d'abord des relations conformes aux intérêts Américains.
Un nouveau temps s'est ouvert.
Le côte à côte remplace le face à face.