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Plus nous avançons dans ce monde, que l’on sait frappé du sceau du désastre, et d’ores et déjà hanté par la barbarie qui menace, et plus nous perdons notre identité. Qu’est qu’un homme ? La question est posée aujourd’hui plus encore qu’elle ne l’était hier. Il est probable que, bientôt, ces tergiversations métaphysiques paraîtront incongrues tant nous nous acharnons aujourd’hui à détruire chaque jour un peu plus ce qui fait la spécificité de l’espèce humaine. Le langage s’appauvrit, et se réduit peu à peu à des informations binaires nous permettant vaguement de nous orienter dans les vastes réseaux qui se développent à mesure que nous croyons pouvoir nous en libérer. Mais le pire est à venir. A force de nous rêver sans cesse de nouvelles prothèses, nous finissons par oublier qu’un jour, nécessairement, nous devrons composer avec elles. Le cauchemar de Stanley Kubrick dans « 2001 Odyssée de l’Espace », où l’ordinateur "HAL 9000" prend les rênes d’un vaisseau spatial, n’est pas loin de devenir réalité. A 6000 mètres d’altitude, nous dit-on, le commandant de bord d’un avion ne peut guère se permettre de débrancher le pilote automatique sauf à prendre des risques considérables. Selon un pilote cité par l'Estado (via Le Monde), le contrôle manuel d'un avion à haute altitude est"extrêmement difficile"Sur le net, nos choix sont constamment orientés par des robots ; les algorithmes intelligents de Google permettant de s’exonérer des aléas de la subjectivité et de l’expérience personnelle… Bientôt, sous réserve d’un agencement technique efficace nécessitant d’implanter ces algorithmes au plus près de nos circonvolutions cérébrales, notre faculté de penser, et de comprendre, pourrait s’en trouver démesurément hypertrophiée. Au point qu’il ne sera peut-être plus nécessaire de parler… Sauf par impulsion électronique… Un artiste australien, Sterlac, a déjà anticipé cet avenir effroyable. Les êtres hybrides, monstrueuses chimères, qui hanteront peut-être la surface de la terre dans quelques siècles d’ici, se moqueront sans doute de notre incorrigible nostalgie d’un monde imparfait, de vent, de soleil et de fleurs, de papillons imprévus que nous cherchions, enfants, à capturer dans nos filets. L’air irrespirable et brûlant, dont ils rempliront leurs poumons artificiels, véhiculera l’odeur synthétique qui leur sera octroyée, du moins si des sentiments comme l’envie, le besoin, le désir, auront encore un sens quand la surface de la terre ne sera plus que débris, poussières et détritus. A l’infini.