Un long dimanche de glandouille

Publié le 04 juin 2009 par H16

Ce ouikande, ce sera pour moi le mélange subtil d'un samedi bien rempli avec un dimanche tout en douceur. Ou du moins, je m'y prépare psychologiquement. Le samedi sera consacré - pour des raisons pileuses évidentes - à trouver un capilliculteur biocosméticien à même de tailler joyeusement dans la masse touffue et vigoureuse de ma crinière de fauve. Eh oui, quand certains cherchent - vainement - un sens à leur vie, moi, je me contente de donner une direction à mes cheveux. On a les moyens qu'on peut. Bref. Et le dimanche, ...

... ce dimanche, c'est glandouille.
Nous serons le 7 juin. Ce qui veut dire que certains (comme le petit Nicolas S.) se reposeront. Le samedi aura été fort occupé à aller lire des discours assommants à un grand noir enquiquinant de bienséance et une vieille crêpe britannique qu'il aura invitée rien que pour embarrasser son hôte, le fourbe. On se doute qu'après une telle épreuve, il faudra bien souffler un peu.
D'autant que la semaine aura été chargée : entre un avion qui disparaît corps et bien, une crise qui n'en finit pas de devenir plus amère à mesure que l'on s'en occupe à coup de ministre dédié, et un repris de justice qui le poursuit au tribunal, on sent la lassitude gagner les petits yeux habituellement brillants d'excitations naturelles ou chimiquement provoquées d'un président auquel rien ne sera épargné.
Et comme en plus, le dimanche, tout est fermé, on va se reposer. Allez savoir : ce sera peut-être l'occasion de culbuter compter fleurette à la Carla ?

Le dimanche, c'est permis.
Ah tiens oui, c'est vrai, ce sera aussi, après le D-Day du 6, le E-Day (comme Europe) : le 7 juin, ce sont les zélections zeuropéennes.
Vaste sujet, ces zélections.
J'ai ainsi déjà eu l'occasion de constater la médiocrité des débats qui ont occupé nos candidats alors que la crise aurait pourtant permis d'affirmer des opinions claires. Il y avait matière à faire parler la poudre, à expliquer, donner son orientation. Mais de tout ceci, que nenni : ce ne fut que piètre causerie.
Médiocrité du débat qui se traduit d'ailleurs assez directement dans le positionnement des partis : une bipolarisation molle et assez artificielle sur le plan de l'Europe, ou tout le monde semble aimer l'idée mais pas la réalisation, et un magma gluant sur le plan économique, de plus en plus confus, qui amène à surtout constater un véritable décalage vers le rouge des partis franchouillards.
Et évidemment, comme à chaque élection, une question surnage la presse et, dans une certaine mesure, la blogosphère politique : pour qui voter ?
Question d'ailleurs directement abordée par mon confrère Kiwi, Le Chafouin, et qui propose dans un même package pratique - genre petit panier pique-nique facile à déballer - son analyse et ses interrogations. C'est prêt à l'emploi, et ça amorce, en tout cas, la réflexion de ceux qui ont le bulletin qui démange.
Pour certains autres, en revanche, pas de gratouille du bulletin et il ne sera pas franchement question d'aller échanger un bonjour poli avec un quelconque assujetti à la corvée de pelure d'assesseur ce jour-là. Pour ceux-là, la question sera plutôt : pourquoi voter ? et merci de m'éviter les poncifs lancinants du style oui mais y'en a qui sont morts gnagnagni pour ce droit gnagnagna.
D'abord, sur le plan logique, voter ne représente finalement qu'un coût (de déplacement, notamment) avec une espérance de gain nul (on pourra le voir plus bas, les votes n'ont pas miraculeusement favorisé les gains de libertés, loin s'en faut surtout dernièrement). Cette envie étrange du vote chez les démangés du bulletin tient plutôt du besoin grégaire de s'identifier à un groupe, à tort ou à raison, et engendre alors la satisfaction d'un devoir accompli, une augmentation de l'estime de soi quelque peu liée au fait qu'on n'aura pas abandonné devant l'"ennemi", ce dernier étant le petit comique qui - le con - vote pour le parti adverse et qui nous prend pour son ennemi alors qu'en fait, l'ennemi, c'est lui. Et, aussi, parce que le vote, c'est un devoir, notion implantée dès tout petit au son du y'en a qui sont morts tralali pour ce droit tralala. Je crois que vous voyez le tableau.
Mais même en occultant cet aspect logique, il faut se rendre à l'évidence : quand aucun parti ne correspond à ce qu'on recherche, ou que les quelques micro-partis qui pourraient s'en rapprocher n'ont absolument aucune chance d'envoyer ne serait-ce qu'un député à Strasbourg, on n'est pas motivé pour faire un quelconque effort électoral.
Et cela va plus loin : le vote blanc n'est plus une excuse depuis longtemps, n'étant pas plus compté que les abstentions ; un peu moins, même, puisque ces dernières sont commentées, soupesées et analysées par les journalistes et les politiques.
Pour résumer, soit on a une idée fermement chevillée au corps et on peut aller glisser un petit bulletin dans l'urne, exactement comme un enfant sa lettre dans l'enveloppe qu'il adressera ensuite, plein d'espoir, au Père Noël. Et si on n'a aucune idée, on peut voter blanc, dont tout le monde se fiche. Ou rester chez soi, aller à la pêche, pique-niquer, compter fleurette à culbuter Carla, etc...
Mais il est surtout notoire qu'avec le délitement général de nos dirigeants - on en a quelques exemples baveux avec ce qui se passe en Angleterre ou, de façon plus générale, à Strasbourg - on a beau voter d'un coté ou de l'autre, on assiste à une véritable euphorie législative non démentie depuis les 30 ou 40 dernières années, avec une belle croissance exponentielle qui serait revigorante s'il s'agissait du CAC40 ou du nombre de millionnaires dans le pays.

Vous reprendriez bien une petite loi ?
Bref : on peut voter blanc, ce qui ne sert à rien. Voter à droite ou à gauche semble ne servir à rien puisque l'inflammation générale des tissus conjonctifs européens en juridite carabinée continue. Mieux, cela donne un véritable blanc-seing aux législateurs fous qui sévissent à nos frais dans l'hémicycle bruxello-strasbourgeois (n'oublions pas qu'ils arrivent à siéger à deux endroits différents, les bougres).
Seul le déficit démocratique semble leur faire encore un peu peur. On les comprend : si l'élection n'intéresse qu'un nombre rigolo d'électeurs, la légitimité des clowneries des eurodéputés en sera fortement amoindrie. De façon sensible, on peut même dire que si la rue se prend à gronder ensuite, ils sauront que le vent a tourné. Les chocottes, ça motive. Surtout les candidats, donc.
Ne me faites cependant pas dire ce que je n'ai pas dit : l'idée européenne, celle qui consiste à abolir les frontières entre les pays européens et à permettre aux nations et aux individus qui les composent de commercer est non seulement une grande mais aussi une bonne idée qui a prouvé, sur les soixante ans de paix qui viennent de s'écouler, son efficacité à fournir aux Européens une méthode pratique pour vivre décemment.
Mais de nos jours, on est très très loin du souhait initial des fondateurs : l'entraide et la coopération internationale s'est muée en gros monstre bureaucratique mou et douillet, maternisant à souhait, remplissant tous les interstices de la vie de ses citoyens, depuis le calibrage des concombres jusqu'à la prochaine "harmonisation" fiscale qui se fera, soyons en sûr, par le haut. La démocrassie, dans sa plus parfaite splendeur.
Alors finalement, zut. Ils n'auront pas mon vote. Mieux vaut, comme la BAF, plutôt en rire qu'en pleurer. Tant qu'on peut encore...