Jusqu'au XXe siècle, le Nord était demeuré une région relativement calme du point de vue militaire. Une flottille russe y fut envoyée à l'occasion de la Première Guerre mondiale. Cette présence allait devenir permanente. Le grand port de Romanov-sur-Mourman (aujourd'hui Mourmansk), construit à cette époque-là, devint le terminus des convois des alliés occidentaux qui y faisaient parvenir du matériel militaire et autres frets.
Après avoir été remise sur pied à l'issue de la guerre civile (1918-1921), la flottille du Nord connut un nouvel essor en 1933. Elle fut dotée de petits navires - des patrouilleurs et des destroyers -, dont la fonction principale consistait à protéger les eaux territoriales et celles de la zone économique exclusive.
La flotte se renforça en recevant des bâtiments militaires toujours nouveaux, des unités des gardes-côtes et des avions. Le 22 juin 1941, la Flotte du Nord, comme tout le pays, entra en guerre. En 1942-43, des renforts furent envoyés à cette jeune flotte, sous la forme de plusieurs destroyers et sous-marins de la Flotte du Pacifique. De nombreux petits navires et vedettes furent octroyés par les alliés occidentaux dans le cadre d'un prêt-bail.
En 1944, la Flotte du Nord reçut de l'Italie, à titre de réparations, le cuirassé britannique Royal Sovereign (actuellement, Arkhangelsk) et le croiseur léger américain Milwaukee, baptisé par la suite Mourmansk. En outre, du fait qu'ils envoyaient des convois en URSS, les alliés maintenaient des forces considérables dans les bases de la Flotte du Nord, ce qui facilitait beaucoup la tâche des marins soviétiques. Le navire britannique Duke of York arriva dans le port de Vaïenga après avoir détruit le croiseur allemand Scharnhorst. Les bombardiers britanniques Lancaster décollaient de l'aérodrome de Iagodnoïé, situé près d'Arkhangelsk, pour bombarder le célèbre cuirassé Tirpitz.
Les navires de la Flotte soviétique du Nord effectuèrent des patrouilles avec les forces britanniques et américaines. Des vedettes et des sous-marins, ainsi que l'aviation d'assaut, furent souvent utilisés pour attaquer des transports allemands au large de la Norvège, alors que les chasseurs des régiments d'aviation russe protégeaient les bases navales et Mourmansk, conjointement avec les régiments d'aviation de la DCA.
A la fin de la Grande Guerre Patriotique (1941-1945), la flotte devint un avant-poste de la guerre froide. Avec l'apparition des bombardiers, puis des missiles intercontinentaux, le théâtre d'opérations polaire fut reconnu très vite comme la voie la plus commode et la plus courte de l'URSS aux Etats-Unis, et inversement. C'est pourquoi les stratèges des grandes puissances tournèrent leurs regards vers le Nord.
Dès lors, la Flotte devient océanique et dotée de missiles nucléaires: elle reçoit les premiers sous-marins atomiques de l'URSS, les premiers sous-marins lance-engins soviétiques, ainsi que les premiers bombardiers porteurs de missiles anti-navires.
Non seulement les mers Blanche, de Barents, de Norvège, de Kara et autres mers polaires, mais aussi tout l'Atlantique et la Méditerranée deviennent une zone d'opérations de la Flotte du Nord. Au début des années 1980, la Flotte du Nord devient la plus importante, quantitativement, et la plus puissante des flottes de l'URSS.
Elle l'est toujours: malgré la réduction considérable du nombre de ses navires et sous-marins, la plus puissante flotte russe demeure déployée dans le Nord. C'est là que sont basés l'unique porte-avions russe, ainsi que le seul croiseur lourd nucléaire lance-missiles au monde, prêt au combat. La Russie y a créé son plus fort groupement de destroyers et de gros navires anti-sous-marins.
Les sous-marins nucléaires, dont la plupart demeurent en service grâce à leur modernisation, constituent toujours la force de frappe principale de la flotte. Les six croiseurs sous-marins porte-engins du projet 667BDRM, qui forment le noyau des forces nucléaires maritimes stratégiques russes, y occupent une place à part. La majeure partie de ces bâtiments sont déjà dotés de missiles modernisés Sineva et ils pourront rester en service encore pendant 15 à 20 ans.
Tant que ces navires naviguent sous les glaces éternelles pour atteindre le Pôle, où l'Etoile polaire brille à la verticale, où naissent les aurores boréales et d'où leurs missiles peuvent atteindre les 9/10 des cibles mondiales économiquement importantes, la flotte accomplit sa mission.
Source du texte : RIA NOVOSTI