Mes hommages, très chers
C’est une idée qui tournicote derrière notre occiput depuis des semaines déjà. L’idée, c’est le café. Oui, ce café que l’on aime à siroter tout noir, tout pur, tout brut. Ce café dont on grignote avec béatitude les grains à l’amertume hautaine autant qu’élégante. Ben, ce café-là, pourquoi ne pas l’utiliser en cuisine? Hein? En cuisine salée, s’entend. Car la pâtisserie l’utilise depuis toujours. Mais chacun sait que la pâtisserie n’a pas grand-chose à voir avec la cuisine salée; la première étant à la seconde ce que la neurochirurgie est au massage à la turque. Parfaitement.
Bref, après des averses de cogitations et des cascades de phosphorades, (plus quelques essais infects que l’on préfère taire pour garder deux sous de crédit à vos yeux embués), voilà nos supions sautés aux éclats de moka, recette à ce point niaise et succulente que l’on se demande modestement pourquoi elle ne figure pas au panthéon cosmique des petits plats qui font tilt en bouche.
Chez le poissonnier, visez donc des supions, des bébés seiches quoi, vidés, sans encre ni os, prêts à l’emploi, bien blancs, propres et rebondis comme des roustons de caniche albinos. Comptez 200 grammes par convives. Conseil d’ami.
Rincez longuement vos bestioles à l’eau claire. Puis faites-les mariner dans un solide jus de lime, une louchée d’huile d’olive, une autre de gingembre frais haché, une pincée de cannelle et de piment, quelques feuilles de basilic et un tour de poivre au moulin. Réservez into the frigo.
Pilez menu menu _ au pilon _ vos graines de kawa. En évitant si possible le méchant robusta torréfié à la milanaise, pour privilégier un café bien né, du clan des arabicas, un moka par exemple, acidulé, subtil et parfumé.
Essorez les supions. Poêlez-les à feu furibard, en virant l’eau qu’ils ne manqueront pas de rendre. Au bout de six sept minutes, ajoutez une partie de la marinade.
Shakez la poêle. Ça fume. Ça crépite. Ça vit. Rectifiez l’acidité avec onze gouttes de citron vert en rab’.
Shakez la poêle. Salez largement et intégrez les éclats de moka.
Shakez la poêle (bis repetita). Puis disposez presto le tout sur un plat ouvragé et multi vintage, avec quelques pluches de basilic et zestes de citron.
Avant de renverser stupidement le grand œuvre sur le sol de la cuisine, en hurlant le mot de Cambronne.
Cambronne qui, heureusement pour lui, ne mâchait pas ses mots.
Adios