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Des maths appliquées au couple

Publié le 04 juin 2009 par Boisset
 

Le divorce, c’est mathématique

Equation. Un professeur a testé 700 couples, ses prédictions se sont révélées exactes à 94 %.

Par EDOUARD LAUNET

En un petit quart d’heure, un mathématicien armé d’un bon modèle peut vous dire si votre couple va tenir, ou s’il va partir en quenouille au bout de quelques mois ou années. Et, dans presque 100 % des cas, il aura vu juste. C’est du moins ce qu’a retenu le public venu récemment à Londres écouter le professeur James Murray, spécialiste de la «biologie mathématique», qui donnait devant la Royal Society (équivalent de notre Académie des sciences) une conférence sur la puissance de la modélisation mathématique dans le domaine du vivant et des relations sociales.

Contentieux. Prédire les divorces en quinze minutes ? Oui, et avec un taux de «réussite» de 94 % s’il vous plaît, a affirmé Murray en s’appuyant sur une expérience menée avec 700 jeunes couples sur une durée de douze ans. La méthode est simple : on place face à face l’homme et la femme (l’étude était exclusivement hétérosexuelle), et on les fait discuter sur un sujet de contentieux éventuel : l’argent, le sexe ou, pourquoi pas, les beaux-parents. Chaque propos est noté sur une échelle allant de - 4 à + 4 en fonction des sentiments qu’il véhicule : angoisse, colère, humour, tristesse, etc. Le tout s’en va alimenter un modèle mathématique élaboré avec l’expérience, qui crache aussitôt son verdict. Dans l’étude du James Murray, professeur émérite de l’université d’Oxford, tous les couples dont le modèle avait prédit le divorce se sont effectivement séparés tôt ou tard. Soit 100 % de bonnes réponses ! (Cependant le taux global est tombé à 94 % en raison du divorce de couples que les mathématiciens voyaient durer). Commentaire du professeur Murray : «Je reste stupéfait de constater que les émotions humaines peuvent être modélisées de manière relativement simple et efficace.»

Il faut pourtant mettre quelques bémols à cette euphorie. D’abord, Murray n’est pas le premier à travailler sur le sujet : on trouve dans la littérature scientifique des dizaines d’études sur la prédiction des divorces. Toutes soulignent l’importance de prévenir les catastrophes conjugales : bien-être des enfants, santé des conjoints, et même incidence sur la productivité au travail ! Toutes affichent des taux étonnants de prédiction, entre 70 % et 100 %. Le pompon revient probablement à l’étude «Prédiction du divorce chez les jeunes mariés à partir des trois premières minutes d’un conflit conjugal», publiée en 1999 dans la revue Family Process par des psychologues de l’université de l’Etat de Washington. Pour autant, cette frénésie modélisatrice n’a guère d’effet dans la «vraie vie», et pour cause : imaginez que l’on conseille à un couple de se séparer alors que celui-ci allait durer. Car, si la marge d’erreur est faible, elle n’est pas nulle.

Epreuve. Ensuite, beaucoup de ces modèles ont été surtout testés sur les données mêmes qui ont servi à les construire. Mis à l’épreuve sur des cas entièrement nouveaux, ils perdent beaucoup de leur efficacité, comme l’ont montré en 2001 des chercheurs de l’université de l’Etat de New York à Stony Brook («Les dangers de la prédiction de divorce sans validation croisée», in Journal of Marriage and the Family).

Enfin, les maths ne peuvent pas tout, surtout dans un domaine qui relève de la foi : «Le mariage est une religion : il promet le salut, mais il faut la grâce», a écrit l’homme de lettres Jacques Chardonne.


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