Le film fonctionne d’abord sur un fait simple : nos vies modernes sont articulées autour des objets qui nous entoure. Dès lors qu’une chose change de place sans raison apparente, le changement peut-être perceptible physiquement et induire une crainte légitime. Ne te retourne pas fonctionne sur ce principe là et tout le travail de Marina de Van consiste à brouiller les repères sensoriels, non seulement de son héroïne, mais des spectateurs aussi. En cela, Ne te retourne pas marche assez bien, car l’étrange ambiance qui plane sur le film nous contamine assez facilement. Reste que notre sentiment est ambigu, on adhère difficilement à cette histoire mais une certaine fascination s’exerce malgré tout, notamment tout du long du processus de transformation physique de Sophie Marceau en Monica Bellucci. L’exercice était périlleux, mais l’effet marche plutôt bien.
Esthétiquement aussi, le film nous laisse sur une étrange
impression. L’image est très lisse, la photo hyper léchée, mais ne
séduit pas du tout. Tout est en ordre, dans un certain ordre, propre,
droit, rangé, à sa place. Même les espaces de désordre sont trop
parfaitement désordonnés pour ne pas paraître factices. On est donc
dans un monde clinquant, un peu irréel, une façade. Cela aide à la
décomposition du monde de Jeanne, en même temps que nos repères de
spectateurs sont eux aussi brouillés.
En clair, tout ce qui compose le film dans un premier temps se retrouve
inversé à un moment, y compris la langue dans laquelle les personnages
parlent, passant soudainement du français à l’italien.
Les doubles au cinéma sont légions, et pas forcément une garantie
d’émotions fortes. Marina de Van arrive à offrir un film original,
inquiétant, et s’en tire honorablement même si elle peine à convaincre.
Il m’est difficile de porter un véritable jugement sur ce film, ni trop
sûr d’avoir aimer, ni trop sûr d’avoir déserté en cours de route. Je
reste à cette impression mitigée. Le film devrait lui largement diviser
son public.
B.T
Tags : Cinéma Monica Bellucci Sophie Marceau