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Evita est une salope

Publié le 04 juin 2009 par Magda

eva peron

Eva Peron

C’est pas moi qui le dit, c’est sa mère! (LA MERE : “Quelle salope! Eh oui! C’est une salope.” p.22 dans l’édition de Christian Bourgois.)

Elle le dit dans Eva Peron, de Copi. Copi, c’est cet auteur argentin qui a sévi surtout pendant les années 70. Il écrivit des romans et des nouvelles, mais il est surtout connu en France pour ses pièces de théâtre déjantées, qui furent beaucoup montées en France, notamment par Alfredo Arias.

Eva Peron, c’est la femme du général Peron. Vous savez bien! Madonna l’a incarnée avec un certain brio (elle est au moins aussi tordue que son modèle) dans le film Evita, qui est un joli nanar, soit dit en passant. Eva Peron, dite Evita, était donc la femme du président populiste argentin, qui entuba plus ou moins le pays dans les années 50.

Copi fait de ce personnage public controversé (madone ou putain? amie des pauvres, ou manipulatrice couverte de diamants?) un personnage théâtral terrifiant et drôle à la fois. Evita agonise d’un cancer, à l’âge de 33 ans, et a enfermé tous ses proches dans la maison jusqu’à ce que sa mort les délivre. Elle les torture psychologiquement, les manipule, change d’avis comme de chemise, maltraite sa jeune et jolie infirmière, et castre psychologiquement son général d’époux. Elle vitupère, crache vulgarité sur vulgarité – le contraste est grand avec la digne dame en vison qu’était Eva Peron lors de ses appartitions publiques. Un personnage génial, donc, malsain, et pour qui il est difficile d’avoir de l’amitié, mais la fascination est violente.

A travers ce portrait au vitriol – et même à l’acide sulfurique – de l’ ancienne première dame d’Argentine, Copi nous parle de l’avidité des gouvernants de ce monde. Alors qu’elle va mourir, Evita ne se préoccupe que de savoir si ses robes seront bien exposées autour de son corps embaumé, si les brillants de chez Cartier qui doivent orner le cercueil sont bien arrivés, si les lampadaires seront bien voilés de mousseline noire, comme prévu. La mort est morbide évidemment, mais rien n’est plus morbide que quelqu’un qui se soucie de savoir comment ses funérailles seront orchestrées dans les moindres détails. Copi va bien jusqu’au bout de l’horreur du personnage. Et lorsqu’il nous offre un moment de répit, pendant lequel Evita parle tendrement à la jeune infirmière en évoquant ses souvenirs d’enfance, c’est pour mieux nous couper le souffle en nous plongeant plus avant dans le glauque enfer des Peron. Mais je ne vous en dis pas plus : il s’agit là d’une chute dramatique.

Écriture directe, quotidienne, mais incisive, humour noir mais verbe haut, Eva Peron est une pièce de théâtre absolument effroyable et délicieuse. Marcial di Fonzo Bo en avait fait une adaptation plus que réussie au Théâtre de la Bastille il y a quelques années… où il jouait lui-même le rôle d’Evita.

eva peron copi

Copi, Eva Peron, éditions Christian Bourgois Editeur


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