Ne te retourne pas : un film schizophrène à l'intrigue passionnante et à la résolution décevante

Publié le 03 juin 2009 par Boustoune

Jeanne est un écrivain à succès, spécialisée dans les biographies de personnages célèbres. Son éditeur apprécie leur collaboration et est tout à fait satisfait de son travail. Cependant, il refuse le premier jet du roman qu’elle est en train d’écrire, sur le thème de l’enfance, et la dissuade de s’obstiner dans cette voie. Jeanne sort troublée de cette entrevue. Ce roman lui tient à cœur, car elle n’a aucun souvenir de sa propre enfance…
A partir de là, tout semble se dérégler et des événements de plus en plus étranges se produisent autour de Jeanne. Elle est perturbée par la vision d’une jeune fille fantomatique, hallucination qu’elle met sur le compte de la fatigue. Puis des objets anodins semblent brusquement changer de place sans que cela ne choque son mari ou ses enfants. Ceux-ci semblent eux-mêmes différents, tant sur le plan du comportement que du physique…
Pire, Jeanne elle-même est en train de se métamorphoser en quelqu’un d’autre…
 
Tel est le point de départ, parfaitement angoissant, de Ne te retourne pas, le nouveau long-métrage de Marina De Van. Comme dans son premier film, le dérangeant Dans ma peau, la cinéaste parvient à créer un climat oppressant, à la lisière du fantastique, à partir de petites choses du quotidien. Le spectateur est tout de suite plongé dans cet univers mouvant et déroutant, intrigué par les phénomènes rencontrés par l’héroïne.
S’agit-il d’un cauchemar ? D’hallucinations liées à un coup de fatigue passager ? D’une machination destinée à la faire craquer ? Ou bien Jeanne est-elle en train de sombrer dans la folie, la schizophrénie, par exemple ?
 
L’énigme est intéressante, car elle ouvre plusieurs pistes narratives autour du thème du double, de la frontière entre conscience et inconscient. Avec cette entrée en matière efficace, on espère alors, un instant, que l’on va voir un grand film.  On y croit d’autant plus que le titre, ainsi que plusieurs éléments de l’intrigue (les apparitions de la petite fille, l’action se déroulant – en partie – en Italie, l’irruption de l’insolite dans le quotidien) font référence à un chef d’œuvre du fantastique, signé Nicholas Roeg : Ne vous retournez pas (Don’t look now, en VO…).
Hélas, la comparaison s’arrête là. Car passée la mise en place du récit, le rythme retombe, l’intérêt s’effiloche. La résolution de l’intrigue traîne en longueur et pire, s’avère au final assez plate et hautement prévisible. Il aurait mieux valu garder une certaine ambiguïté, un certain mystère, plutôt que de privilégier ce dénouement bâclé. Tout ça pour ça… Bof !
 
Il s'agit d'un film atteint de schizophrénie, qui présente deux facettes distinctes. Malheureusement, la seconde moitié, peu convaincante, prend le pas sur la première et laisse un désagréable goût d’inachevé. Dommage, car l’ensemble ne manque pas de qualités. A commencer par la mise en scène, qui joue habilement sur les jeux de miroirs. Sinon, certaines scènes sont à sauver, notamment celles, audacieuses et surprenantes, de la métamorphose de Sophie Marceau en Monica Bellucci. Et on pourra au passage saluer la performance des deux actrices dans ce rôle partagé, un peu casse-gueule.
Ne te retourne pas est donc un film frustrant qui ne tient pas ses belles promesses de départ, et qui horripilera sûrement plus d’un spectateur par son aspect complètement barré. Mais il faut reconnaître à Marina De Van le mérite de persévérer sur la voie d’un cinéma atypique, qui n’hésite pas à mettre le spectateur dans une situation d’inconfort et qui ose les effets les plus hasardeux. C’est donc avec un certain intérêt que l’on guettera son prochain film, en espérant qu’il sera un peu plus abouti que celui-ci…
Note :