La crise du crédit immobilier américain ébranle tout le système bancaire mondial. Certains établissements annoncent d'ores et déjà qu'ils vont subir de lourdes pertes, d'autres, victimes de la défiance des autres établissements, ne parviennent plus à trouver les moyens de se financer. Les rumeurs de défaillances se multiplient, notamment dans les pays où les prix du secteur immobilier se sont le plus envolés au cours des dernières années. Ce climat de crise n'empêche pas certaines banques spécialisées sur les marchés d'afficher d'excellents résultats.
Etats-Unis. Malgré la crise financière, Goldman Sachs est en pleine forme. La banque d'affaires a annoncé jeudi 20 septembre son troisième meilleur résultat trimestriel en cent trente huit ans d'histoire : 2,85 milliards de dollars, soit environ 2 milliards d'euros (+79%). Lehman Brothers a dégagé un bénéfice presque stable (-3%, 887 millions de dollars), celui de Morgan Stanley est en baisse de 17%, à 1,33 milliard et en recul de 38% par rapport au second semestre. Morgan Stanley a enregistré une perte de 940 millions de dollars dans ses placements de produits de dette. La première banque américaine du crédit immobilier (30% de son activité), Bear Stearns a été très affectée par la crise du subprime. Elle a affiché son pire résultat depuis plus d'une décénnie (-61%, à 171 millions). L'effondrement de deux de ses hedge funds spécialisés dans les titres de crédit à risque lui a couté quelque 200 millions de dollars. "Le pire est passé", assure cependant son directeur financier, Samuel Molinaro.
Espagne. Les propos du président de Northern Rock, Adam Applegarth a rapportés lundi 17 septembre dans le quotidien britannique The Independant selon lesquels trois organismes espagnols, particulièrement engagées dans les prêts immobiliers, Banco Pastor, Bankinter et Banesto, auraient demandé un financement d'urgence à la Banque centrale européenne (BCE) ont immédiatement fait chuter le cours entre 3% et 6%. La banque d'Espagne s'est empressée de démentir cette affirmation. Mardi 18, le gouverneur de la Banque d'Espagne, Miguel Angel Fernandez Prdonez, a assuré, devant la commission des finances du Congrès des députés, qu'aucune turbulences gêneront les entreprises à la recherche de financement pour mener à bien des acquisitions. Seules "les meilleures opérations pourront être menées à bien", a-t-il souligné. Le même jour, Gerardo Diaz Ferran, le président de la principale organisation patronale a jugé que l'économie espagnole est "en situation de résister aux secousses", si la crise du suprime "ne se prolonge pas exagérément".
Allemagne. La crise des subprimes américains fait se lézarder le système bancaire allemand, pourtant réputé très solide. Au début du mois d'août, la banque IKB avait sauvée in extremis. Fin août, l'établissement publique régional SachenLB avait été contraint de fusionner en urgence avec la LBBW, banque du Bade-Würtemberg, pour se maintenir à flot. Jeudi 20 septembre, c'est Josef Ackermann, le président de la plus grande banque allemande qui a fait son mea culpa. "La Deutsche Bank a aussi fait des erreurs dans cette crise. Ceci pèse sur nos résultats au troisième trimestre", a-t-il prévenu. La banque va en effet devoir réévaluer la valeur d'engagements de crédit pour des acquisitions d'un montant total de 29 milliards d'euros. Conséquence : la Deutsche Banque ne pourra pas embaucher les quelque 4000 salariés prévus. Le ministre des finances, Peer Steinbrück est venu à son secours. "La Deutsche Bank repose sur des bases très solides", a-t-il déclaré, jugeant le secteur bancaire allemand "suffisamment fort pour surmonter la crise" et excluant "un effondrement comparable à celui du Northern Rock en Grande-Bretagne."
France. Pour l'instant, les banques françaises semblent relativement épargnées par la crise du subprime. Dans un entretien au Monde, début septembre, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a évoqué "la solidité des banques françaises et la qualité de leur contrôle des risques".
Selon Baudoin Prot, directeur général de BNP Paribas, la banque, qui avait pris la décision de geler trois fonds début août, n'a été "à aucun moment un acteur important du marché des subprimes". Lors de la réunion à New York, le 10 septembre, M. Prot a par ailleurs précisé : "Compte tenu de la solidité de nos ratios de fonds propres, tout en répercutant les conditions de marché, nous ne modifierons pas notre politique de crédit à ce stade vis-à-vis de nos clients entreprises ou particuliers."
Lors de cette même réunion, Frédéric Oudéa, le directeur financier de la Société Générale a confirmé les objectifs de rentabilité de la banque affirmant que son exposition aux subprimes "est limitée". Sur la base d'un scénario central de pertes cumulées de 150 milliards de dollars pour les acteurs du secteur, celles de la Société générale "seraient inférieures à 100 millions d'euros". Dans le cas d'un scénario plus pessimiste (200 milliards), les pertes devraient être inférieures à 200 millions d'euros.
Pour Georges Pauget, le directeur général de Crédit agricola SA, il faudrait "au moins un an pour avoir une vision claire de l'impact de la crise du subprime".