Sous la signature de son délégué, Pierre Bessard, l'Institut Constant de Rebecque (ici) vient de publier
un nouveau rapport intitulé Au-delà des "trois piliers" : la prévoyance de l'avenir (ici).
Il s'agit d'une remise en cause du système actuel de retraite helvétique qui ne fonctionne pas vraiment, même s'il fonctionne mieux que ceux de la plupart des pays occidentaux. L'impasse est tout
de même là, avec un effet retard. Impasse pour ces deux raisons que sont le règne de l'arbitraire étatique et l'absence de consentement individuel.
L'image ci-dessus résume les trois fameux piliers du système de retraite helvétique.
Le 1er pilier est l'AVS. C'est une retraite par répartition à laquelle tout le monde cotise à partir de 18 ans jusqu'à la retraite (64 ans pour les femmes - bientôt 65, égalité
oblige -, 65 ans pour les hommes) : les salariés, les indépendants et même ceux qui n'ont pas d'activité lucrative (à partir de 20 ans dans ce cas-là et de manière forfaitaire). A
l'heure actuelle le minimum de la rente AVS est de Fr. 1'140.- par mois et le maximum de Fr. 2'280.-.
On connaît le principe de la répartition : les cotisations encaissées sont aussitôt redistribuées aux rentiers. Comme je le montrais dans un article publié le 20 décembre dernier (Une arnaque signée Madoff: l'AVS, retraite par répartition helvétique ), il s'agit d'une escroquerie institutionnelle aggravée par la
démographie (voir mon article Le mensonge démographique des initiants pour l'âge de l'AVS flexible ).
Pierre Bessard souligne que ce jeu de Ponzi est au bord du gouffre :
Depuis plusieurs années, les prélèvements obligatoires sur les salaires ne financent plus qu'environ 75% des dépenses de rentes, le reste devant être compensé par
d'autres impôts (...). Au cours des six dernières décennies [l'AVS a été instituée en 1948] le rapport actifs-retraités est passé de 9,5 à 3,6 et devrait encore baisser pour atteindre 2,2 dans
30 ans si l'âge légal de référence de 65 ans était maintenu malgré l'augmentation de l'espérance de vie.
Selon l'OFAS (Office fédéral des affaires sociales) les prélèvements obligatoires ne représenteront plus que 61% du financement en 2025, c'est-à-dire
demain...
Comme le dit Pierre Bessard :
Sans réforme véritable, qui passerait notamment par l'allongement sensible de la vie active, la diminution du niveau de vie en Suisse liée au financement des rentes
risque de dépasser 20%.
Il souligne à propos de ce jeu de Ponzi :
Que dans le cas de l'AVS, chacun est forcé de verser une partie de son revenu à ce jeu (...). L'AVS ne crée pas de richesses, elle ne fait qu'en transférer; toutes les
prestations qu'une personne reçoit en plus de ses paiements se font par conséquent aux dépens de quelqu'un d'autre.
L'AVS est donc une fausse solidarité, puisqu'elle est obtenue par la contrainte. Elle ne correspond pas davantage à un "contrat intergénérationnel", puisque,
pour qu'il y ait contrat, il faut que les contractants consentent et signent, ce qui n'est évidemment pas le cas. La retraite enfn devrait être un
choix individuel :
En privant chaque personne d'une partie importante de son revenu à travers les prélèvements salariaux et les impôts, l'AVS contredit les préférences individuelles et
limite la capacité des jeunes générations de planifier l'avenir selon leurs desseins, y compris dans l'optique de la prévoyance.
Le 2e pilier est la prévoyance professionnelle. C'est une retraite par capitalisation, mais fortement réglementée par l'Etat. L'assuré n'a pas le
choix de sa caisse. C'est son employeur qui la choisit pour lui. L'assuré change donc de caisse à chaque changement d'employeur. L'assiette des cotisations, le salaire coordonné, est
obtenue par différence entre le salaire brut et une déduction de coordination propre à chaque caisse. L'Etat fixe un minimum à ce salaire coordonné (il est en 2009 de Fr. 3'315.- par an).
Chaque caisse, sous réserve d'approbation de l'autorité de surveillance de l'Etat, détermine en fonction de l'âge les taux de cotisation applicables au salaire coordonné et leur répartition entre
assuré et employeur.
La rémunération de l'épargne constituée se fait à un taux minimum fixé arbitrairement par l'Etat. Les rentes sont obtenues, au moment de la retraite, en appliquant à l'épargne constituée
un taux de conversion, dont le minimum est un taux fixé tout aussi arbitrairement par l'Etat. Par ordonnance l'Etat fixe également les placements que les caisses sont autorisés à
faire.
A propos du taux d'intérêt des avoirs épargnés au titre de la prévoyance,
Pierre Bessard (photo ci-contre tirée du site du Liberales Institut ici) remarque judicieusement que :
Si ce taux est fixé trop bas, il peut mener à une performance moindre et à éviter des chances de rendement plus élevés à long terme. Un taux d'intérêt trop élevé, en
revanche, peut conduire à une prise de risques démesurée et accroître la probabilité d'insolvabilité d'une caisse.
A propos du taux de conversion, il fait la remarque suivante, non moins judicieuse :
Sur un marché libre, la fixation du taux de conversion serait une décision actuarielle, comme il se devrait, et non une décision politique, avec tout le potentiel
d'abus et d'irrationalité que cela implique, au détriment des assurés, forcés de livrer une partie de leurs revenus à la caisse de pension de leur employeur.
A propos des directives de l'Etat en matière de placements, il note :
De telles directives sont forcément arbitraires et ignorent complètement le dynamisme des marchés; elles reflètent une vision statique de l'activité économique sans
lien avec la réalité des impératifs de la gestion de fonds.
Le 3e pilier est la prévoyance individuelle. C'est une retraite par capitalisation individuelle. Aujourd'hui elle est fortement limitée par la loi : si vous êtes déjà assujetti à
la prévoyance professionnelle votre versement annuel maximum ne pourra être que de Fr. 6'566.- et si vous ne l'êtes pas de Fr. 32'832.-.
Dans la suite de son rapport Pierre Bessard montre que c'est à la capitalisation individuelle qu'il faut passer pour résoudre l'impasse dans laquelle
se trouve le système de retraite helvétique. Citations :
Le capital de l'épargnant lui appartient et peut être transmis, à l'inverse des prélèvements salariaux et des impôts, généralement immédiatement dissipés.
La capitalisation est un vecteur de cohésion sociale, facilitant la solidarité volontaire et renforçant l'institution de la famille, par exemple, à travers l'accumulation de
capital.
Seules les actions de solidarité volontaires peuvent être qualifiées sur le plan moral.
Contrairement au troisième pilier (...) il ne devrait y avoir aucune limite supérieure au montant ou à la proportion de revenu attribuée à l'épargne
vieillesse.
L'âge de la retraite devrait être (...) libéralisé : il devrait reposer sur le mode de vie, les préférences et les moyens effectifs de chacun.
En conclusion il faut mettre fin à l'AVS qui est un reliquat d'une culture collectiviste, caractérisée par la production à la chaîne de
l'après-guerre. Pierre Bessard explique comment y parvenir progressivement, sans "coûts de transition" insurmontables et "sans
révolution". Je laisse l'internaute intéressé le soin de découvrir comment en lisant les pages 16 à 18 de son rapport.
En conclusion il faut libéraliser la prévoyance professionnelle grâce notamment au libre choix individuel de la caisse de
pension pour l'employé et à la suppression des réglementations politiques se substituant aux règles actuarielles, afin
de mettre en concurrence les caisses de pension entre elles et encourager la consolidation de ce secteur.
Pierre Bessard conclut :
L'allongement de l'espérance de vie est une évolution heureuse qui ouvre de nouveaux horizons pour chaque individu. Le problème n'est pas la démographie, mais
l'immobilisme de systèmes de retraites fondés sur la démagogie et l'arbitraire. La capitalisation individuelle offre une issue à ce qui apparaît comme une impasse financière et surtout un dilemme
moral face aux jeunes générations.
Ce que j'ai résumé, à ma façon, par le titre de cet article.
Francis Richard